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05/11/2024 | FRANCE | N°23VE00291

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 05 novembre 2024, 23VE00291


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 du préfet de l'Essonne.



Par un jugement n° 2204820 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 février 2023, 6 octobre et 9 octobre 2024, M. A... B..., représenté par Me Langlois, demande à l

a cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler la décision de refus de renouvellement d'un titre de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 du préfet de l'Essonne.

Par un jugement n° 2204820 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 février 2023, 6 octobre et 9 octobre 2024, M. A... B..., représenté par Me Langlois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour, la décision l'obligeant à quitter le territoire français, la décision fixant un délai de départ volontaire et la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi prises par le préfet de l'Essonne dans l'arrêté du 18 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de la fabrication de cette carte ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à son avocate, Me Langlois, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le moyen d'ordre public :

- il a déposé seul sa requête de première instance, dans laquelle il sollicitait l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2022 dans son ensemble ;

Sur la légalité de la décision lui refusant un titre de séjour :

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est fondée sur une procédure irrégulière, dès lors que l'avis du collège des médecins de l'OFII est irrégulier ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet de l'Essonne s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est fondée sur la décision lui refusant un titre de séjour, elle-même illégale ;

- elle est irrégulière, dès lors qu'il n'est pas démontré que la Cour nationale du droit d'asile aurait bien lu en audience publique sa décision du 17 avril 2014 confirmant le rejet de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 611-1 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est fondée sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est fondée sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant à M. A... B... un titre de séjour, de la décision fixant un délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de destination, dès lors que ces conclusions sont nouvelles, M. A... B... n'ayant contesté en première instance que la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les observations de Me Rein substituant Me Langlois, pour M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A... B..., ressortissant de la République démocratique du Congo (RDC) né en 1981, est, selon ses déclarations, entré en France le 9 février 2009. Le 27 mars 2009, il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 26 janvier 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 29 juin 2010 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Sa demande de réexamen a également été rejetée par une décision du 10 avril 2013 de l'OFPRA, confirmée par décision du 17 avril 2014 de la CNDA. De 2016 à 2020, le préfet de l'Essonne lui a délivré des titres de séjour mention " vie privée et familiale " pour soins. Le 8 octobre 2020, M. A... B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour soins. Par un arrêté du 18 mai 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. Par un jugement n° 2204820 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si M. A... B... soutient qu'il est entré en France en 2009, les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir sa résidence continue en France avant l'année 2014, année de naissance de son premier enfant. En revanche, le requérant a justifié vivre en concubinage depuis 2017 au moins avec Mme C..., compatriote en situation régulière avec laquelle il a trois enfants nés en 2014, 2016 et 2018. Il soutient en outre que ce concubinage daterait de 2012, mais que, de 2012 à 2017, ils étaient hébergés chez des tiers et dans des hôtels provisoires, raison pour laquelle il ne peut justifier de son concubinage au titre de ces années. Mme D... est employée en contrat à durée indéterminée depuis septembre 2019 pour une rémunération brute mensuelle de 2 000 euros tandis que M. A... B... exerce une activité professionnelle auprès de la société Manpower par contrat à durée indéterminée conclu en novembre 2018, pour un salaire brut mensuel de minimum 1645 euros. Leurs trois enfants sont scolarisés en France. Au vu de ces éléments, la décision attaquée obligeant M. A... B... à quitter le territoire français a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration délivre à M. A... B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. A... B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

5. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Langlois, avocate de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Langlois de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2204820 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 18 mai 2022 du préfet de l'Essonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. A... B... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Langlois, avocate de M. A... B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Langlois renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B..., à Me Langlois, au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

C. PhamLe président,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00291
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23ve00291 ?
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