Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les deux arrêtés en date du 19 janvier 2022 par lesquels le préfet de l'Essonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils étaient susceptibles d'être éloignés à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2201011 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 août 2022, le 12 janvier 2023 et le 6 octobre 2024, M. C... B... et Mme D... B..., représentés par Me Langlois, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler, à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 600 euros toutes taxes comprises à verser à leur avocat, Me Langlois, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen complet de leur situation ;
Sur la légalité des décisions refusant le renouvellement de leur titre de séjour :
- ces décisions sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été produit, que le préfet n'a pas communiqué le rapport médical, les bases de données et les sources sur lesquels se fonde cet avis, qu'il n'est pas établi que le médecin inspecteur ne siégeait pas au sein du collège des médecins, que cet avis n'a pas été rendu à l'issue d'une délibération collégiale, ni d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, que les signatures électroniques ne comportent aucune certification ni horodotage permettant d'identifier leur auteur ;
- elles sont entachées d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- elles méconnaissent l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles violent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles violent l'article 7§2 de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français :
- ces décisions sont irrégulières en ce qu'elles sont fondées sur les décisions de refus de titre de séjour et sur l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, qui sont eux-mêmes irréguliers ;
- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles violent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- ces décisions sont irrégulières en ce qu'elles sont fondées sur les décisions de refus de titre de séjour et celles les obligeant à quitter le territoire français, elles-mêmes illégales ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles violent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
- ces décisions sont irrégulières en ce qu'elles sont fondées sur les décisions les obligeant à quitter le territoire français, elles-mêmes illégales ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles violent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 18 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R.425-11 et suivants et R.611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rein substituant Me Langlois pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... et Mme D... B..., ressortissants tunisiens nés respectivement les 21 juin 1983 et 18 septembre 1986, sont, selon leurs déclarations, entrés en France le 5 novembre 2019. Il leur a été délivré, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des autorisations provisoires de séjour afin de rester aux côtés de leur fille malade, Chahd B..., née le 27 novembre 2013 et également de nationalité tunisienne. Le 20 septembre 2021, ils ont sollicité le renouvellement de ces autorisations provisoires de séjour. Par deux arrêtés en date du 19 janvier 2022, le préfet de l'Essonne a refusé de leur accorder ce renouvellement, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils étaient susceptibles d'être éloignés à l'expiration de ce délai. M. et Mme B... relèvent appel du jugement n° 2201011 du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :
2. En premier lieu, les arrêtés attaqués visent les textes applicables, notamment les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exposent le contenu de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII, analysent la situation familiale des requérants et en concluent qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à leur situation personnelle et à leur vie familiale. De tels arrêtés sont suffisamment motivés, sans qu'il soit nécessaire qu'ils mentionnent la scolarisation de Chahd, ni qu'ils se prononcent expressément sur le respect de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, alors par ailleurs qu'ils indiquent, d'une part, que le traitement de Chahd est disponible dans son pays d'origine et, d'autre part, que la cellule familiale peut se reconstituer à l'étranger.
3. En second lieu, il ressort des termes des arrêtés attaqués que le préfet de l'Essonne a procédé à un examen complet de la situation des requérants.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". L'article L. 425-10 de ce même code dispose : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". L'article R. 313-22 du même code précise que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
S'agissant de la légalité externe :
5. Aux termes de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce même code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
6. En premier lieu, l'avis médical du 8 décembre 2021 du collège des médecins de l'OFII a été produit au cours de la première instance. La circonstance qu'il n'ait pas été communiqué auparavant à M. et Mme B... ne saurait traduire une méconnaissance de leurs droits à la défense, la teneur de cet avis ayant été reproduite dans les décisions attaquées.
7. En deuxième lieu, la décision attaquée se fonde sur l'avis médical du 8 décembre 2021 et non sur le rapport du médecin-rapporteur. M. et Mme B... ne sont donc pas fondés à soutenir que cette décision est irrégulière faute de production par le préfet de ce rapport, qui est expressément visé dans l'avis du 8 décembre 2021, et dont rien ne permet de présumer qu'il n'aurait pas été pris en compte.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce : " (...) Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".
9. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ". Aux termes l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". L'article L. 311-2 dispose que : " (...) Le droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique (...) ".
10. D'une part, constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l'administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable. Ce droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'annexe à l'arrêté du 5 janvier 2017 mentionné au point 8, également intitulée " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO), se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. Elle n'avait donc pas à être communiquée aux requérants.
11. D'autre part, les articles L. 300-2, L. 311-1 et L. 311-2 du code des relations du public avec l'administration n'imposent pas à l'administration d'élaborer un document dont elle ne disposerait pas pour faire droit à une demande de communication. Par suite, il ne peut être fait grief au collège des médecins de l'OFII, dont il n'est pas établi qu'il aurait fondé sa décision sur des documents autres que ceux du BISPO, de ne pas avoir communiqué aux requérants un document recensant les informations qu'il aurait consultées.
12. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'avis du 8 décembre 2021 que celui-ci a été établi sur le rapport du docteur A... E..., qui n'a pas siégé au sein du collège médical.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Ces dispositions, jointes aux autres dispositions précitées, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Le moyen tiré de l'absence de délibération collégiale doit en conséquence être écarté.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". M. et Mme B... soutiennent que l'avis rendu par les membres du collège de médecins de l'OFII n'est pas régulièrement signé dès lors qu'il n'est pas démontré que les signatures électroniques y figurant auraient été apposées de manière régulière et suivant un processus d'authentification. Toutefois, l'avis du collège de médecins de l'OFII n'étant pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du
28 septembre 2017 ne peut être utilement invoquée. Au surplus, alors même que l'administration n'a justifié du respect d'aucun procédé d'identification par l'OFII des signatures des médecins, les pièces produites par le requérant ne suffisent pas à faire douter de ce que l'avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, a bien été rendu par ses auteurs. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.
S'agissant de la légalité interne :
15. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui analyse la situation familiale des requérants, que le préfet se serait cru à tort lié par l'avis rendu le 8 décembre 2021 par le collège des médecins de l'OFII.
16. En deuxième lieu, l'avis du 8 décembre 2021 du collège médical de l'OFII indique que l'état de santé de l'enfant Chahd B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont cette enfant est originaire, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers celui-ci. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant Chahd présente les séquelles d'un myéloméningocèle, soit une cyphose paraplégique complète, des séquelles cognitives modérées, une incontinence urinaire et fécale. Elle a bénéficié en France d'une opération du rachis en octobre 2023, soit postérieurement à la décision attaquée, afin de réduire sa cyphose. En raison de ces troubles, elle est astreinte, selon le certificat médical du 27 septembre 2022 du docteur F..., neurochirurgien pédiatre, à un suivi kinésithérapeutique pluri-hebdomadaire, des sondages urinaires pluriquotidiens, des lavements quotidiens, des suivis rééducationnel, orthopédique, urologique, neurologique et neurochirurgical pluriannuels. Les requérants, qui se bornent à produire des certificats médicaux insuffisamment circonstanciés sur ce point ou des articles à portée générale sur le système de santé tunisien, ne démontrent pas que, ainsi qu'ils le soutiennent, ce suivi pluridisciplinaire ne peut être assuré en Tunisie, alors que, hormis le suivi kinésithérapeutique, les suivis médicaux préconisés ne le sont qu'à une fréquence pluriannuelle. Ils ne démontrent pas non plus, par les documents produits, que le traitement de Chahd comprendrait un médicament non disponible dans leur pays d'origine. L'attestation d'une seule pharmacie ne permet pas d'établir l'indisponibilité de l'appareillage Peristeen en Tunisie et, par ailleurs, il n'est pas établi que celui-ci ne pourrait être acquis par correspondance. Si ceux-ci font également valoir le coût de ces soins, et notamment des sondages urinaires pluriquotidiens, ils n'établissent pas que celui-ci ne serait pas pris en charge par le système de soins de leur pays d'origine. Enfin, l'avis du 8 décembre 2021 ne peut être considéré comme contradictoire avec les précédents avis rendus, dès lors que les avis du 7 octobre 2020 et du 5 mai 2021 indiquaient que les soins nécessités par l'état de santé de Chahd ne présentaient pas un caractère de longue durée mais devaient être poursuivis pour une durée de six mois. Ainsi, les éléments avancés ne permettant pas d'infirmer l'avis du 8 décembre 2021 du collège médical de l'OFII et l'appréciation du préfet, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. En troisième lieu, aux termes l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Les requérants font valoir qu'ils séjournent en France depuis 2019 dans un appartement dont ils sont locataires, qu'ils ont chacun un frère de nationalité française, que M. B... bénéficie d'une promesse d'embauche, que leur fille est scolarisée en France, qu'elle souffre d'une pathologie grave qui nécessite une prise en charge médicale spécialisée qui n'est pas assurée en Tunisie. Toutefois, ils n'allèguent pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, que M. et Mme B... ont quitté aux âges respectifs de 36 et 33 ans. Rien n'empêche la poursuite de leur vie familiale en Tunisie, pays où le traitement adapté à l'état de santé de Chahd est disponible et dont M. et Mme B... sont tous deux originaires. Au vu de ces éléments, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Essonne a porté à leur droit au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par les arrêtés litigieux et a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des requérants doit être écarté.
18. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ce qui précède qu'un traitement adapté à l'état de santé de Chahd est disponible dans son pays d'origine. Par ailleurs, ni la durée du séjour en France de la famille, ni la scolarisation de Chahd, ni son inscription à la Maison départementale des personnes handicapées ne suffisent pour établir une violation de ces stipulations. Le moyen doit en conséquence être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 7§2 de la convention relative aux droits des personnes handicapées doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité des décisions obligeant M. et Mme B... à quitter le territoire français :
19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions obligeant M. et Mme B... à quitter le territoire français devraient être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.
20. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 8 décembre 2021 du collège des médecins de l'OFII en l'absence de délibération collégiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt.
21. En troisième lieu, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du présent arrêt.
22. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au points 18 du présent arrêt.
En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et des décisions les obligeant à quitter le territoire français.
24. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'autorité administrative compétente serait tenue de motiver spécifiquement la décision par laquelle elle oblige l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire à exécuter cette mesure dans le délai fixé au premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en conséquence être écarté.
25. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le traitement adapté à l'état de santé de Chahd est disponible dans le pays d'origine des requérants. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit en conséquence être écarté.
26. En quatrième et dernier lieu, en se bornant à affirmer qu'ils assistent quotidiennement leur fille malade, qu'ils participent pleinement à son éducation et à sa scolarité et qu'ils résident depuis trois ans en France, M. et Mme B... n'ont pas démontré qu'un délai de départ volontaire de trente jours serait insuffisant, violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination :
27. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français.
28. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité des requérants et indique qu'ils n'allèguent pas être exposés à des risques de traitement prohibé par ces stipulations en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, cette décision comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée.
29. En troisième et dernier lieu, il a été démontré qu'un traitement adapté à l'état de santé de Chahd est disponible en Tunisie et que la vie familiale pourra se poursuivre dans ce pays. Par suite, les décisions fixant le pays de destination ne violent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
30. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
C. PhamLe président,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02148