Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B..., épouse C... A..., a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel la préfète du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 2301802 du 20 décembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 janvier, 12 avril et 25 septembre 2024, Mme C... A..., représentée par Me Greffard-Poisson, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Loiret de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît subsidiairement les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Loiret qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante mauritanienne née le 13 juillet 1974, relève appel du jugement du 20 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Loiret du 16 janvier 2023 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de familles de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes de l'article R. 233-1 du même code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles. (...) ". Par ailleurs, le conjoint d'un citoyen de l'Union européenne ressortissant d'un pays tiers doit être muni d'un titre de séjour en vertu de l'article L. 233-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions précisent que : " Ce titre, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union européenne qu'il accompagne ou rejoint dans la limite de cinq années, porte la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " et donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme C... A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Loiret a considéré, d'une part, que l'époux de la requérante ne justifiait pas, compte tenu du montant mensuel de sa pension de retraite, disposer pour lui et sa famille de ressources suffisantes ainsi que d'une assurance maladie, et d'autre part, que la requérante ne justifiait pas davantage exercer une activité professionnelle en France.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... A..., qui s'est mariée le 8 février 2013 avec un ressortissant espagnol avec lequel elle a eu trois enfants, bénéficie d'un contrat de travail à durée déterminée depuis le 1er septembre 2022, renouvelé pour une année, en qualité d'agent de service pour le CROUS d'Orléans. Elle justifie ainsi exercer cette activité à la date de l'arrêté attaqué pour une rémunération nette de 1 400 euros, à laquelle s'ajoute la pension de retraite de son mari de 987,37 euros, ce qui permet au couple de justifier d'un revenu mensuel moyen de 2 380 euros, constituant des ressources suffisantes pour elle et sa famille. Par ailleurs, la requérante produit pour la première fois en appel une attestation de droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret pour l'ensemble des membres de sa famille. Dans ces conditions, Mme C... A... établit être la conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne qui satisfait aux conditions posées aux 1° et 2° de l'article L. 233-1 et à l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, Mme C... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que la préfète du Loiret a considéré qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision de refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. L'annulation de l'arrêté contesté implique qu'il soit enjoint à la préfète du Loiret de délivrer à Mme C... A... un titre de séjour portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " sur le fondement de l'article L. 233-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme C... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301802 du tribunal administratif d'Orléans du 20 décembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète du Loiret du 16 janvier 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Loiret de délivrer à Mme C... A... un titre de séjour portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " sur le fondement de l'article L. 233-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., épouse C... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète du Loiret.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure
J. FLORENTLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 24VE00181