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17/10/2024 | FRANCE | N°22VE00945

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 17 octobre 2024, 22VE00945


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SASU Eurautos a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'enjoindre avant-dire droit à la préfecture de l'Essonne de produire les contrats de concession signés, les offres de prix remises par les attributaires, les mémoires techniques et les agréments fourrière remis par les attributaires ainsi que l'éventuelle grille d'analyse des offres qui aurait été établie, d'autre part, d'annuler les conventions de concession de service public relatives aux opé

rations de dépannage, de remorquage et de mise en fourrière des véhicules sur le résea...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Eurautos a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'enjoindre avant-dire droit à la préfecture de l'Essonne de produire les contrats de concession signés, les offres de prix remises par les attributaires, les mémoires techniques et les agréments fourrière remis par les attributaires ainsi que l'éventuelle grille d'analyse des offres qui aurait été établie, d'autre part, d'annuler les conventions de concession de service public relatives aux opérations de dépannage, de remorquage et de mise en fourrière des véhicules sur le réseau routier et autoroutier national non concédé de l'Essonne, concernant le secteur Villabé - véhicules légers (lot n° 5), conclues entre l'Etat et la société Gade, la SAS Alhuy et le groupement MFK Transports ou, à défaut, de les résilier.

Par un jugement n° 1907467 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2022 et 9 juin 2023, la SASU Eurautos, représentée par Me Hourcabie, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre avant-dire droit à la préfecture de l'Essonne de produire les contrats de concession signés, les offres de prix remises par les attributaires, les mémoires techniques et les agréments fourrière remis par les attributaires ainsi que l'éventuelle grille d'analyse des offres qui aurait été établie ;

3°) d'annuler les conventions de concession de service public conclues entre l'Etat et la société Gade, la SAS Alhuy et le groupement MFK Transports ou, à défaut, de les résilier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de produire certains documents ;

- son offre était recevable ;

- elle n'a pas bénéficié d'une information suffisante quant aux motifs de rejet de son offre ;

- l'Etat n'a pas suffisamment défini son besoin à satisfaire en méconnaissance de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et des principes fondamentaux de la commande publique dès lors qu'il n'a pas précisé la valeur estimée de chaque lot et que les informations relatives au nombre prévisible d'interventions n'étaient pas de nature à lui permettre d'élaborer utilement son offre dès lors que le critère prix n'était pas examiné au regard d'un prix par intervention mais, notamment, du prix au km de remorquage et du tarif horaire de main d'œuvre ; les candidats ont ainsi été placés dans l'incapacité de cerner les attentes financières de l'autorité concédante ;

- la mise en œuvre d'un critère géographique est illégale ; d'une part, ce critère est discriminatoire en ce qu'il favorise le propriétaire d'un ou plusieurs sites opportunément situés au regard des points de référence déterminés de façon discrétionnaire par le préfet ; d'autre part, il ne permet pas d'atteindre l'objectif de célérité poursuivi dès lors qu'il ne tient pas compte des conditions de circulation, que rien ne permet de confirmer que les points d'enlèvement de référence correspondent à des secteurs dans lesquels d'importants volumes d'enlèvements ont été constatés par le passé et qu'il ne tient pas compte de l'organisation des candidats pour assurer un départ immédiat de leurs véhicules de dépannage ; en outre, il est fréquent en pratique que les entreprises stationnent des véhicules de dépannage sur les axes fréquents d'enlèvement ; par ailleurs, en prenant en compte la moyenne des distances pour les entreprises disposant de plusieurs sites, comme c'était le cas des attributaires, le pouvoir adjudicateur n'avait aucune garantie que le lieu de départ de la dépanneuse serait nécessairement celui le plus proche du lieu d'enlèvement ; la pondération de ce critère, qui représente plus d'un tiers de la note, est manifestement excessive et est de nature à empêcher toute concurrence effective en fléchant presque systématiquement l'attribution ; seule une condition d'exécution consistant à imposer une implantation au sein d'un secteur géographique permettant le respect du délai d'intervention de trente minutes aurait pu être justifiée ;

- l'Etat a méconnu l'obligation de hiérarchisation et de pondération des critères, en violation de l'article 27 du décret du 1er février 2016 et des principes fondamentaux de la commande publique ; d'une part, les deux premiers critères ont fait l'objet d'une pondération identique, ce qui traduit une absence de hiérarchisation entre ces deux critères ; d'autre part, si l'administration a annoncé dans le règlement de la consultation des sous-critères, aucune information quant à leur hiérarchisation ou leur pondération n'a été donnée ;

- l'Etat a commis plusieurs erreurs manifestes d'appréciation dans l'analyse des offres.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mai et 8 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la SASU Eurautos ne peut se prévaloir d'un intérêt lésé dès lors qu'à la date de démarrage de l'exécution de la concession, le 1er juillet 2019, elle ne détenait pas l'agrément de gardien de fourrière pour l'enlèvement et la garde des véhicules mis en fourrière et n'était pas en mesure de répondre aux exigences du cahier des charges ; l'ensemble des moyens soulevés par la société sont donc inopérants ;

- le moyen relatif aux modalités d'information du candidat évincé est inopérant car il ne saurait être considéré comme en rapport direct avec son éviction, au sens de la jurisprudence " Département de Tarn-et-Garonne " ;

- la SASU Eurautos ne justifie pas davantage que les autres vices allégués seraient en rapport direct avec son éviction ;

- les moyens soulevés par la SASU Eurautos ne sont, en tout état de cause, pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2023, la SAS Alhuy, représentée par Me Debut, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la présente requête doit être jointe à l'instance n° 22VE00946 ;

- l'appel d'offres, qui concerne des sections d'autoroute du ressort de la préfecture des Hauts-de-Seine, a été lancé par une autorité partiellement incompétente.

La requête a été communiquée à la société Gade et au groupement MFK Transports qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement d'exécution (UE) n° 2015/1986 de la Commission du 11 novembre 2015 ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de M. A..., gérant de la SASU Eurautos, celles de Mme B... pour le ministre de l'intérieur et celles de Me Debut pour la SAS Alhuy.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis de concession publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel de l'Union Européenne (JOUE) le 27 février 2019, le préfet de l'Essonne a lancé un appel à candidatures en vue de l'attribution, pour six ans, de concessions pour le dépannage, le remorquage et la mise en fourrière des véhicules légers ou lourds sur le réseau routier et autoroutier non concédé de l'Essonne. Le réseau a été divisé en trois secteurs géographiques d'intervention et chaque secteur a fait l'objet de deux lots selon le type de véhicules (véhicules légers et véhicules lourds), soit six lots au total. Par la présente requête, la SASU Eurautos relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation ou, à défaut, à la résiliation des conventions de concession correspondant au lot n° 5 (secteur Villabé - véhicule légers) attribuées à la société Gade, la SAS Alhuy et le groupement MFK Transports.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SASU Eurautos soutient que le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il a omis de répondre à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de produire certaines pièces à l'instance. Le jugement attaqué, après avoir écarté l'ensemble des moyens soulevés par la SASU Eurautos, indique toutefois expressément " sans qu'il soit utile de prendre avant-dire droit la mesure d'instruction sollicitée susvisée ". Par suite, l'irrégularité alléguée du jugement doit être écartée.

Sur la validité des conventions litigieuses :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers autres que le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

En ce qui concerne la notification des motifs de rejet de l'offre :

4. La circonstance que le préfet de l'Essonne aurait insuffisamment précisé à la SASU Eurautos les motifs de rejet de son offre en méconnaissance de l'article 29 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ne saurait être regardée comme un manquement en rapport direct avec son éviction. Par suite, ce moyen, qui ne constitue pas un vice d'ordre public, doit être en écarté comme inopérant. En tout état de cause, les motifs de rejet de son offre ont été dûment communiqués à la SASU Eurautos par courriers des 20 mai et 3 juin 2019.

En ce qui concerne la définition par l'Etat du besoin à satisfaire :

5. Aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, applicable aux contrats en litige : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article 28 de la même ordonnance : " Les prestations à réaliser sont définies par référence à des spécifications techniques et fonctionnelles. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession : " I. - La valeur estimée du contrat de concession est calculée selon une méthode objective, précisée dans les documents de la consultation mentionnés à l'article 4. Elle correspond au chiffre d'affaires total hors taxes du concessionnaire pendant la durée du contrat, eu égard à la nature des prestations qui font l'objet de la concession. (...) / II. - Lorsque l'ouvrage ou le service concédé peut donner lieu à l'attribution de contrats de concession en lots séparés, est prise en compte la valeur globale estimée de la totalité de ces lots. / L'autorité concédante peut décider de mettre en œuvre soit une procédure commune de mise en concurrence pour l'ensemble des lots, soit une procédure de mise en concurrence propre à chaque lot. Elle détermine la procédure à mettre en œuvre pour la passation en fonction de la valeur cumulée des lots (...). ". Aux termes du I de l'article 34 de ce même décret : " I. - L'autorité concédante offre, sur son profil d'acheteur (...), un accès libre, direct et complet aux données essentielles du contrat de concession, notamment aux données suivantes : / (...) f) La valeur globale et les principales conditions financières du contrat ; (...) ". Le modèle d'avis de concession établi par l'annexe XXI au règlement n° 2015/1986 de la Commission du 11 novembre 2015 établissant les formulaires standard pour la publication d'avis dans le cadre de la passation de marchés publics, prévoit par ailleurs que doivent figurer dans l'avis de concession, la nature et la quantité des travaux ou services, ou l'indication des besoins et exigences, ainsi que la valeur estimée du contrat.

6. S'il est constant que l'avis de concession ne mentionnait pas la valeur estimée de chacun des lots de la concession mais uniquement que la concession excédait les seuils communautaires, le règlement de la consultation précisait pour sa part l'objet de la concession, les secteurs géographiques couverts par chacun des lots, la durée du contrat, les modalités de rémunération du concessionnaire et les éléments devant être financés par ce dernier, ainsi que le nombre moyen d'interventions par an prévisible pour chaque lot. Si la SASU Eurautos soutient que le nombre d'interventions mentionné était irréaliste et trompeur, elle ne l'établit pas. Dans ces circonstances, l'information relative aux caractéristiques quantitatives des prestations était suffisante pour que les sociétés soumissionnaires puissent élaborer utilement leurs offres, dans des conditions permettant d'assurer la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Il s'ensuit que la SASU Eurautos, qui n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle aurait été lésée par l'absence d'information quant à la valeur estimée du contrat alors qu'elle était attributaire de précédentes concessions conclues par le préfet de l'Essonne, n'est pas fondée à soutenir que l'autorité concédante a procédé à une définition imprécise de son besoin et aurait ainsi méconnu les dispositions précitées et les principes généraux du droit de la commande publique.

En ce qui concerne la légalité du critère géographique :

7. Aux termes de l'article 47 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. " Aux termes de l'article 27 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession : " I. - Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l'article 47 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 susvisée, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l'innovation. Lorsque la gestion d'un service public est déléguée, l'autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers.

Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. / II. - Pour les contrats de concession qui relèvent du 1° de l'article 9, l'autorité concédante fixe les critères d'attribution par ordre décroissant d'importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. (...). ".

8. Par ailleurs, l'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison.

9. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que pour attribuer la concession en litige, le préfet de l'Essonne s'est fondé sur quatre critères hiérarchisés de la manière suivante :

1 - " localisation géographique du ou des installations du candidat au regard de la nécessité d'une intervention rapide en tous points du secteur ", 2 - " performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise ", 3 - " qualité de la prestation au public ", 4 - " prestations tarifaires ".

11. La SASU Eurautos soutient que le critère tenant à la localisation géographique des installations du candidat, apprécié en tenant compte de la distance entre cinq points de référence choisis discrétionnairement par l'administration pour chaque secteur et le ou les dépôts du candidat, n'est pas lié à l'objet du contrat ou à ses conditions d'exécution, est discriminatoire et ne permettait pas de juger de la rapidité de l'intervention des concessionnaires, laquelle dépend également de la fluidité des conditions de circulation et de l'organisation mise en œuvre par l'entreprise pour garantir un départ immédiat du véhicule d'enlèvement.

12. D'une part toutefois, le critère de la proximité géographique des installations des candidats est en lien en l'espèce avec l'objet et les conditions d'exécution du marché, qui imposent au concessionnaire, pour des raisons de sécurité, des interventions rapides limitées à trente minutes pour l'enlèvement des véhicules légers en panne ou accidentés sur des axes très fréquentés que sont notamment l'autoroute A6 ou les routes nationales n° 6 et 14. Les points de référence ont par ailleurs été définis par le pouvoir adjudicateur lors de réunions préparatoires en présence des forces de l'ordre, du gestionnaire de voirie et des organisations professionnelles de dépanneurs et fouriéristes et couvrent l'ensemble du secteur concerné de façon homogène. D'autre part, si un tel critère ne tient pas compte des conditions de circulation, celles-ci dépendent toutefois de facteurs multiples indépendants des candidats et ne pouvaient qu'être difficilement appréhendées par des mesures objectives au stade de la passation du contrat. En outre, il résulte de l'instruction que l'organisation des candidats, afin de garantir leur rapidité d'intervention, a été évaluée dans le cadre du second critère relatif à la " performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise ", dont la note était identique à celle du critère géographique. Enfin, si la société soutient qu'il est courant en pratique pour ce type de prestations de stationner les véhicules de dépannages sur les axes fréquents d'enlèvement, cette seule affirmation, outre qu'elle n'est pas étayée, n'est pas de nature à établir que le critère litigieux serait, en lui-même, discriminatoire ou ne permettrait pas de garantir la réalisation de l'objectif poursuivi.

13. La SASU Eurautos soutient également que la méthode de notation de ce critère, qui tient compte, en cas de pluralité de sites des candidats, d'une moyenne des distances entre ces dépôts et les points de référence retenus par le pouvoir adjudicateur, ne permet pas de garantir que le lieu de départ des dépanneuses sera nécessairement celui qui est le plus proche du lieu d'enlèvement. Il résulte toutefois de l'instruction que cette méthodologie a conduit à tenir compte, pour l'analyse des offres, de distances supérieures à celles constatées en cas de départ du dépôt le plus proche. Par suite, celle-ci n'a pas pu conduire à favoriser les sociétés attributaires, disposant toutes de deux sites, contrairement à la société requérante. Par ailleurs, la multiplicité des sites d'exploitation est de nature à favoriser une plus grande rapidité d'intervention en tout point du secteur. Si la société requérante critique encore la méthode de notation consistant à attribuer des notes dégressives proportionnelles au regard de l'offre présentant la meilleure moyenne de distance, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait eu pour effet de priver de leur portée les critères de sélection ni de neutraliser leur hiérarchisation.

14. Enfin, la note attribuée à ce critère, qui ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est identique à celle attribuée au critère relatif à la " performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise ", n'est pas manifestement excessive et n'était pas, contrairement à ce qu'allègue la SASU Eurautos, de nature à restreindre la possibilité pour les candidats les plus éloignés d'être retenus par le pouvoir adjudicateur.

En ce qui concerne la hiérarchisation des critères :

15. Il résulte des dispositions du II de l'article 27 du décret du 1er février 2016 citées au point 7 que pour les contrats de concession dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure au seuil européen publié au Journal officiel de la République française, l'autorité concédante est tenue de procéder à une hiérarchisation des critères d'attribution des offres et d'indiquer cette hiérarchie dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation.

16. Si la SASU Eurautos fait valoir que l'attribution d'un même nombre de points aux deux premiers critères prévus par le règlement de la consultation a nécessairement entraîné la suppression de la hiérarchisation annoncée, cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à la hiérarchisation qui implique, en cas d'égalité d'offres, de privilégier le candidat ayant obtenu la meilleure note sur le premier critère. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que les deux premiers critères d'attribution aient fait l'objet d'une notation identique a été, en l'espèce, en rapport direct avec l'éviction de l'entreprise requérante, classée dernière en tout état de cause sur ces deux premiers critères.

17. La SASU Eurautos fait également valoir que les critères 2 et 3 ont été appréciés en fonction de plusieurs sous-critères, à savoir le nombre d'équipages opérationnels et de personnels complémentaires, l'organisation générale, le savoir-faire du personnel et la surface du site pour le critère " Performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise " et l'équipement des véhicules, les installations, la sécurité et la gestion environnementale pour le critère " Qualité de la prestation au public ", sans que le poids respectif attribué à chacun de ces sous-critères ne soit porté à la connaissance des candidats.

18. Il résulte toutefois de l'instruction que ces sous-critères ont été annoncés et précisément décrits dans le règlement de consultation suivant l'ordre décroissant de leur importance respective et que le poids des notes attribuées à chacun de ces sous-critères n'a pas remis en cause la hiérarchisation annoncée. Par ailleurs, l'autorité concédante n'est pas tenue de rendre publique sa méthode d'évaluation. Par conséquent, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la SASU Eurautos :

19. Il résulte de l'instruction que la SASU Eurautos a obtenu pour le sous-critère " organisation générale " du critère " performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise " une appréciation " satisfaisante " et une note de 4,5 sur 10. La société fait valoir que l'appréciation et la note qu'elle a obtenues pour ce sous-critère ne sont pas cohérentes avec celles qu'elle a obtenues pour les sous-critères " savoir-faire du personnel " et " installations ". Il résulte toutefois du règlement de la consultation que l'évaluation de ce sous-critère relatif à l'organisation générale a porté " sur l'existence de fiches d'appel et d'intervention, de consignes écrites pour les employés, des tenues de travail adaptées, de séparation physique des zones d'accueil clientèle et sanitaires de l'atelier et de l'existence d'un accueil de nuit avec local autonome et indépendant de l'atelier par exemple. ". Le ministre de l'intérieur indique que la note de la société requérante a été dégradée en raison de l'absence d'un accueil de nuit avec local autonome et indépendant de l'atelier, des tenues de travail proposées et de l'absence de certification reconnue, ce qui n'est pas contesté par la SASU Eurautos. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la SASU Eurautos opposé par le ministre de l'intérieur ou de solliciter la communication des autres pièces demandées par la société requérante, lesquelles sont au demeurant pour l'essentiel couvertes par le secret des affaires, la SASU Eurautos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Eurautos est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Eurautos, au ministre de l'intérieur, à la SAS Alhuy, à la société Gade, au groupement MFK Transports.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00945 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00945
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : DEBUT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22ve00945 ?
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