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15/10/2024 | FRANCE | N°22VE02175

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 22VE02175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé de trois mois la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) dont il faisait l'objet.



Par un jugement n° 2208791 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une r

equête et un mémoire, enregistrés respectivement les 5 septembre 2022 et 26 octobre 2023, M B..., représenté par Me de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé de trois mois la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) dont il faisait l'objet.

Par un jugement n° 2208791 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 5 septembre 2022 et 26 octobre 2023, M B..., représenté par Me de Castelbajac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée et que le tribunal s'est fondé sur une pièce qui ne figurait pas au dossier et qui n'a pas été soumise au contradictoire ;

- l'arrêté du ministre ne comporte ni la signature de l'auteur ni la mention du prénom et du nom de celui-ci ;

- cet arrêté n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable ;

- le ministre a commis une erreur de fait en estimant qu'il était toujours titulaire du contrat d'électricité de l'association Oasis 92 ;

- le ministre ne fait pas état d'éléments nouveaux ou complémentaires au sens de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure ;

- les conditions de l'article L. 228-1 du même code n'étaient plus réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 23 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 9 septembre 2021, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris à l'encontre de M. A... B..., ressortissant français, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance sur le fondement des dispositions des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure. Cette mesure a été renouvelée une première fois par un arrêté du 2 décembre 2021. Un deuxième renouvellement est intervenu par un arrêté du 1er mars 2022. Un troisième renouvellement est intervenu par arrêté du 1er juin 2022, notifié à l'intéressé le 4 juin suivant. Cet arrêté renouvelle à compter du 10 juin 2022 les obligations d'une durée de trois mois contenues dans l'arrêté du 1er mars 2022. M. B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 2208791 du 5 juillet 2022, le tribunal a rejeté cette demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Le dossier de première instance révèle que la minute du jugement attaqué a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience. La critique de M. B... manque donc en fait.

4. En second lieu, M. B... reproche au tribunal de s'être fondé sur une pièce ne faisant pas partie du dossier, qui ne lui a pas été communiquée. Il prétend en conséquence que les premiers juges ont rendu leur jugement en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.

5. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. L'obligation prévue au 1° du présent article peut être assortie d'une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant à l'intérieur du périmètre géographique mentionné au même 1° et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l'événement, dans la limite de trente jours. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur. Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. En cas de saisine d'un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l'enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu'à l'expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public. Lorsque la présence du requérant à l'audience est susceptible de méconnaître les obligations résultant de la mesure de surveillance, le requérant peut solliciter un sauf-conduit pour s'y rendre. Le sauf-conduit n'est pas délivré si le déplacement du requérant constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ou à compter de la notification de chaque renouvellement lorsqu'il n'a pas été fait préalablement usage de la faculté prévue au huitième alinéa, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Ces recours, dont les modalités sont fixées au chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s'exercent sans préjudice des procédures prévues au huitième alinéa du présent article ainsi qu'aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code. ".

6. Pour écarter le moyen soulevé par M. B... tiré de ce que l'arrêté du ministre était entaché d'une erreur de fait, les premiers juges ont relevé que cet arrêté était également fondé sur la mesure de gel des avoirs du 24 mars 2022 dont il avait fait l'objet.

7. Il est vrai que cette décision du 24 mars 2022 n'a pas été communiquée au requérant. Toutefois, celle-ci n'avait pas été produite par le ministre et le tribunal pouvait, malgré tout, se fonder sur l'existence de cette décision dès lors que celle-ci n'était pas contestée par M. B.... Les premiers juges n'ont donc commis aucune irrégularité de ce chef.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

8. En premier lieu, M. B... se borne à soutenir à nouveau que l'arrêté contesté ne comporte ni la signature de l'auteur, ni la mention du prénom et du nom de celui-ci sans critiquer la réponse à ce moyen par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter le moyen soulevé par adoption des motifs des premiers juges.

9. En deuxième lieu, M. B... se borne, de la même manière, à soutenir que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire sans davantage contester la réponse du tribunal qui a écarté le moyen comme inopérant. Il y a également lieu d'adopter sur ce point les motifs des premiers juges.

10. En troisième lieu, M. B... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait dès lors que le ministre a relevé, à tort, qu'il était toujours titulaire du contrat d'électricité de l'association Oasis 92.

11. Il ressort cependant des notes blanches produites par le ministre, que selon les auteurs de ces notes, il était apparu qu'en mars 2022, " A... B... est toujours le titulaire du contrat d'électricité du local de l'association Oasis 92 située à Meudon (Hauts-de-Seine) ". Si M. B... le conteste, il n'en apporte cependant pas la preuve en se bornant à verser au dossier une copie de ses relevés bancaires des mois de janvier, février et mars 2022 et en faisant valoir qu'Electricité de France n'aurait pas répondu à sa demande d'attestation. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

12. En quatrième lieu, M. B... conteste l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires au sens de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, condition à laquelle le renouvellement en cause est subordonné.

13. Les dispositions précitées du sixième alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure subordonnent tout renouvellement d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, au-delà d'une durée cumulée de six mois, à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires attestant que les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Ainsi, il appartient au juge administratif de s'assurer que l'administration fait état d'éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale ou aux précédents renouvellements. De tels faits peuvent résulter d'agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure, de décisions administratives.

14. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a relevé, d'une part, que l'intéressé était toujours titulaire du contrat d'électricité de l'école coranique Oasis 92. Le ministre a, d'autre part, bien fait état, dans les motifs de son arrêté, de ce que M. B... avait fait l'objet le 24 mars 2022 d'une mesure de gel de ses avoirs. Il s'agit là d'éléments nouveaux ou complémentaires attestant que les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuaient d'être réunies et permettant légalement au ministre de procéder, par l'arrêté attaqué, au renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance de M. B....

15. En cinquième et dernier lieu, M. B... conteste constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics et entretenir des relations de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme.

16. Toutefois, les notes blanches produites par le ministre sont, en ce qui concerne le relationnel pro-jihadiste de longue date de M. B..., suffisamment précises et circonstanciées contrairement à ce que le requérant soutient. S'agissant du relationnel carcéral, ce document est tout aussi précis et circonstancié en ce qui concerne les relations de M. B... tant à la maison d'arrêt de Nanterre, qu'au sein du quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, du QPR de la maison d'arrêt de Paris-la-Santé et du centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy. Les seules conclusions de l'équipe pluridisciplinaire du QPR de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy selon lesquelles " les observations recueillies permettent d'exclure le risque de prosélytisme et de passage à l'acte violent " ne permettent pas de remettre en cause l'existence des relations mises en évidence par les auteurs des notes blanches. S'agissant, enfin, du caractère de plus en plus ostentatoire de la pratique religieuse de M. B... au gré de sa détention, le requérant ne produit aucun document permettant de la remettre en cause. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les conditions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure n'étaient plus réunies.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B..., bénéficiaire au demeurant de l'aide juridictionnelle totale, et non compris dans les dépens.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

Le président-assesseur,

J-E. PilvenLe président-rapporteur,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02175 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02175
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : ORIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;22ve02175 ?
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