Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser une somme supérieure ou égale à 472 024,69 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité des décisions du 26 septembre 2016 par lesquelles le préfet du Loiret a ordonné la perquisition du bureau qu'il occupait à la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, ainsi que de son domicile et de ses véhicules.
Par un jugement n°1900929 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février et 17 août 2022, M. C..., représenté par Me Schmid, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2021 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 472 024,69 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le lien de causalité entre les arrêts de travail et les décisions illégales du 26 septembre 2016 est établi au regard des motifs médicaux ; les arrêts maladie de 2013 correspondent à une problématique générale de surcharge de travail ;
- sa maison est reconnaissable sur le cliché flouté paru dans la presse ;
- il n'a reçu notification du jugement que le 10 décembre 2021 ;
- ses pathologies ne sont pas d'origine psychosomatique.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- le dossier médical produit montre les troubles psychosomatiques dont souffrait le requérant depuis plusieurs années ;
- les attestations du médecin psychiatre souffre d'incohérence ;
- la perte de revenus alléguée n'est pas établie, ni la perte d'une chance d'être reclassé comme préparateur référent ; des pertes de revenus sont liées à son invalidité et non aux décisions illégales ;
- il s'en remet pour le reste aux observations présentées en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Schmid, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par deux décisions du 26 septembre 2016, prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, le préfet du Loiret a, d'une part, ordonné la perquisition du bureau que M. C..., préparateur électricien, occupait au centre nucléaire de production d'électricité de Dampierre-en-Burly, d'autre part, ordonné la perquisition du domicile occupé par M. C... à Nevoy, ainsi que celle de deux véhicules lui appartenant. Par deux jugements n° 1603836 et n° 1603837 du 20 février 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces deux décisions, au motif que la matérialité des faits pris en compte par le préfet n'était pas établie. M. C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de ces décisions illégales. Il relève appel du jugement rendu en ce qu'il n'a condamné l'Etat qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de sa demande relative aux préjudices financiers qu'il estime avoir subis.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ".
3. Il résulte du suivi de l'acheminement du courrier notifiant à M. C... le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 décembre 2021 et figurant dans le dossier de première instance, que ce courrier recommandé a été distribué le 10 décembre suivant. La requête d'appel enregistrée le 10 février 2022 n'est ainsi pas tardive et la fin de non-recevoir opposée en défense doit par suite être écartée.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Toute illégalité affectant la décision qui ordonne une perquisition est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. Saisi d'une demande indemnitaire, il appartient au juge administratif d'accorder réparation des préjudices de toute nature, directs et certains, qui résultent de l'illégalité fautive entachant l'ordre de perquisition pris en application de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955.
5. Il résulte de l'instruction que M. C... a été placé en arrêt de travail à compter du 28 septembre 2016, soit le lendemain des perquisitions. La concomitance des dates permet de présumer d'un lien de causalité entre ces événements et l'arrêt de travail qui a immédiatement suivi pour dépression de M. C.... Si l'administration soutient que M. C... avait déjà été placé en arrêt de travail pour dépression et " burn-out " en 2013, puis ultérieurement pour divers motifs de santé, le requérant justifie ces arrêts de 2013 par une situation objective de sous-effectifs et de tensions en résultant. En revanche, concernant la durée de l'absence pour maladie imputable aux perquisitions, il résulte de l'instruction que M. C... a repris le travail à mi-temps thérapeutique, à compter du 2 mai 2017, et que son aptitude a été confirmée par plusieurs visites médicales demandées par le médecin du travail ou le salarié le 10 mai 2017, le 30 mai 2017 et le 13 juin 2017. Dans ces conditions, et en l'absence d'événements particuliers en lien avec les perquisitions et vécus sur le lieu de travail depuis sa reprise, compte tenu du délai écoulé depuis ces perquisitions ordonnées le 26 septembre 2016, les arrêts de travail postérieurs au 2 mai 2017 ne peuvent être regardés comme consécutifs à celles-ci, et ce en dépit des certificats médicaux de 2017 et 2018 produits par le requérant émanant du Dr B..., médecin psychiatre à la clinique du Pont de Gien. Par ailleurs, il ressort du dossier médical du requérant, relatant les visites médicales annuelles, que ce dernier souffrait déjà psychiquement depuis 2013. Le lien de causalité n'est pas davantage établi pour l'interdiction d'accès à la centrale nucléaire en octobre 2018 intervenue plusieurs mois après l'annulation par le tribunal administratif d'Orléans des décisions de perquisition.
Sur les préjudices :
6. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a subi aucune perte de salaires en 2016 et 2017 par rapport à l'année 2015 et que sa prime d'intéressement a fortement augmenté en 2016 en dépit de plusieurs mois d'arrêt de travail. Le lien n'est ainsi pas établi entre l'évolution du montant de cette prime et les arrêts de travail. Concernant les astreintes, il résulte de l'instruction que dès le mois de mars 2016, M. C... avait bénéficié d'arrêts de travail pour lombalgies, le privant ainsi d'astreintes et qu'il en avait été également dispensé dès le mois de juillet 2016 pour raisons médicales. Le lien de causalité entre l'absence d'astreintes et les arrêts pour maladie liés aux perquisitions illégales n'est ainsi pas établi. Concernant la perte de rémunération et de pension de retraite résultant de la perte de chance de passer préparateur référent, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait demandé, lors de son retour en mai 2017, à finir la dernière étape du processus de sélection, ni que cela lui aurait été refusé. Enfin, pour l'ensemble des autres préjudices financiers allégués, postérieurs à sa reprise de travail en mai 2017, en l'absence de lien de causalité avec les perquisitions illégales, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ils doivent être rejetés, y compris pour le préjudice allégué lié à l'interdiction d'accès à la centrale nucléaire notifiée en 2018, intervenue plusieurs mois après l'annulation des perquisitions illégales par le tribunal administratif d'Orléans.
7. Concernant le préjudice moral, les perquisitions illégales ont pu causer un préjudice moral à M. C.... En fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 2 000 euros, le tribunal a fait une juste évaluation de ce chef de préjudice dans les circonstances de l'espèce mentionnées dans les motifs du jugement.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
La rapporteure,
A.C. LE GARS La présidente,
F. VERSOL
La greffière,
C. DROUOT
La présidente,
F. VERSOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE00283