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11/10/2024 | FRANCE | N°23VE00390

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 11 octobre 2024, 23VE00390


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 octobre 2019 par lequel le maire de Saint-Martin-du-Tertre a retiré sa décision de non opposition à déclaration préalable n° DP 09556619B0009, relative à la réalisation de travaux d'exhaussement du sol pour permettre l'exploitation d'une ancienne carrière en terre agricole, sur un terrain situé rue Roger Salengro, à Saint-Martin-du-Tertre, ainsi que la dé

cision implicite rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2002363 du 19 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 octobre 2019 par lequel le maire de Saint-Martin-du-Tertre a retiré sa décision de non opposition à déclaration préalable n° DP 09556619B0009, relative à la réalisation de travaux d'exhaussement du sol pour permettre l'exploitation d'une ancienne carrière en terre agricole, sur un terrain situé rue Roger Salengro, à Saint-Martin-du-Tertre, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2002363 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2023, la société Saint-Martin, représentée par Me Laplante, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2019 du maire de Saint-Martin-du-Tertre ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-du-Tertre la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen tiré de l'incompétence négative dont est entaché l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé en fait ; il n'est pas établi que les avis auxquels il fait référence y étaient joints ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que le maire ne pouvait s'estimer lié par les avis négatifs émis par les personnes consultées ;

- les motifs ayant justifié la décision de retrait n'entachent pas d'illégalité l'autorisation initiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2023, la commune de Saint-Martin-du-Tertre, représentée par Me Damy, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Saint-Martin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de l'environnement,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de M. A..., gérant de la société Saint-Martin.

Considérant ce qui suit :

1. La société Saint-Martin a déposé le 20 février 2019 une déclaration préalable relative à un projet d'exhaussement du sol pour permettre l'exploitation d'une ancienne carrière en terre agricole, sur un terrain situé rue Roger Salengro, à Saint-Martin-du-Tertre, dans le Val-d'Oise. Par un avis du 4 mars 2019, l'inspection générale des carrières a formulé des recommandations préalables à la réalisation du projet. Par un courrier du 6 mars 2019, la société Saint-Martin a été informée de la prolongation du délai d'instruction de sa déclaration, porté à deux mois en raison de la consultation de l'architecte des Bâtiments de France. Le 11 avril 2019, ce dernier a émis un avis défavorable, et par un arrêté du même jour, le projet a fait l'objet d'une opposition. Celle-ci a été retirée par un arrêté du 28 mai 2019, par lequel le maire de Saint-Martin-du-Tertre s'est à nouveau opposé à la déclaration préalable. Par un arrêté du 8 août 2019, le maire a retiré l'opposition à déclaration préalable décidée par l'arrêté du 28 mai 2019 ; il a ensuite délivré à la société Saint-Martin, le 12 août 2019, un certificat de non-opposition à déclaration préalable. Par un arrêté du 22 octobre 2019, le maire de Saint-Martin-du-Tertre a retiré sa décision de non-opposition à déclaration préalable. La société requérante, dont le recours gracieux du 16 décembre 2019 contre ce dernier arrêté a été implicitement rejeté, demande à la cour d'annuler le jugement du 19 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) ". Si la société appelante soutient que les premiers juges auraient dû relever d'office le moyen, qu'elle n'a pas soulevé devant eux, tiré de ce que le maire de Saint-Martin-du-Tertre se serait à tort cru lié par les avis émis par l'Inspection générale des carrières et par l'architecte des Bâtiments de France, pour retirer sa décision de non-opposition à sa déclaration préalable, un tel moyen, relevant de l'erreur de droit, n'est en tout état de cause pas au nombre de ceux que le juge administratif doit relever d'office.

3. D'autre part, les autres moyens soulevés en appel par la société Saint-Martin relèvent du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté du 22 octobre 2019 par lequel le maire de Saint-Martin-du-Tertre a retiré sa décision de non-opposition à la déclaration préalable de la société Saint-Martin vise les dispositions dont il a entendu faire application, notamment les articles L. 424-5, R. 425-1 et R. 425-30 du code de l'urbanisme, ainsi que les articles L. 341-1 et R. 431-9 du code de l'environnement. Cet arrêté mentionne l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France du 11 avril 2019, les observations émises par la direction départementale des territoires le 21 mars 2019 et l'avis de l'Inspection générale des carrières du 4 mars 2019. Par ailleurs, l'arrêté précise les motifs sur lesquels il est fondé, notamment la prise en compte des observations et recommandations desdits avis, auxquels il est fait référence. Si la société Saint-Martin soutient qu'il n'est pas établi que ces avis étaient joints à l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'appelante a eu pleinement connaissance de leur contenu avant le 22 octobre 2019, notamment à l'occasion de la notification du précédent arrêté du maire de Saint-Martin-du-Tertre du 11 avril 2019 s'opposant à sa déclaration préalable. Par suite, l'arrêté litigieux, qui au demeurant énonce d'autres motifs, est suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables ; (...) ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article R. 425-30 de ce code : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France ". Enfin, aux termes de l'article L. 424-5 dudit code : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. / La délivrance antérieure d'une autorisation d'urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt par le même bénéficiaire de ladite autorisation d'une nouvelle demande d'autorisation visant le même terrain. Le dépôt de cette nouvelle demande d'autorisation ne nécessite pas d'obtenir le retrait de l'autorisation précédemment délivrée et n'emporte pas retrait implicite de cette dernière. ".

8. Le retrait par l'administration d'une décision d'opposition à une déclaration préalable ne rend pas le demandeur titulaire d'une décision implicite de non-opposition. Toutefois, le pétitionnaire peut confirmer sa demande auprès de l'autorité compétente sans avoir à reprendre l'ensemble des formalités exigées lors de l'instruction de la demande initiale. L'autorité compétente dispose alors d'un délai d'un mois à compter de cette confirmation pour se prononcer sur la demande et, le cas échéant, retirer la décision tacite d'opposition. À défaut de notification d'une décision expresse dans ce délai, le silence gardé par l'autorité compétente donnera naissance à une décision de non-opposition à la déclaration préalable.

9. Par un courrier du 6 mars 2019, la société Saint-Martin a été informée de ce que le délai d'instruction de sa déclaration préalable, déposée le 20 février 2019, était porté à deux mois en raison de la consultation de l'architecte des Bâtiments de France, en application des dispositions précitées de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme, dès lors que le terrain concerné par son projet est situé dans le périmètre du site inscrit de la forêt de Carnelle. Par un arrêté du 11 avril 2019, édicté avant l'expiration, le 20 avril 2019, de ce délai de deux mois, le projet de la requérante a fait l'objet d'une opposition, retirée par un arrêté du 28 mai 2019 par lequel le maire de Saint-Martin-du-Tertre s'est également à nouveau opposé à la déclaration préalable. Par un arrêté du 8 août 2019, le maire a retiré l'opposition à déclaration préalable décidée par l'arrêté du 28 mai 2019, puis il a délivré à la société Saint-Martin, le 12 août 2019, un certificat de non-opposition à déclaration préalable. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt, ce certificat doit être regardé comme une décision expresse de non-opposition, aucune décision implicite en ce sens n'étant par ailleurs née avant le 12 août 2019. Par suite, le maire de Saint-Martin-du-Tertre n'a pas méconnu le délai fixé à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en retirant cette décision par l'arrêté litigieux du 22 octobre 2019.

10. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que les motifs de l'arrêté du 22 octobre 2019, portant retrait de la décision de non-opposition à sa déclaration préalable, n'entacheraient pas cette dernière d'illégalité, sans apporter de précision permettant d'étayer cette affirmation, ni remettre en cause l'exactitude de ces motifs, la société Saint-Martin ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de ses allégations.

11. En dernier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 22 octobre 2019, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le maire de Saint-Martin-du-Tertre se serait cru lié, pour prendre ledit arrêté, par les avis émis respectivement les 4 mars 2019 et 11 avril 2019 par l'Inspection générale des carrières et par l'architecte des Bâtiments de France, et dont il s'est approprié le contenu. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Saint-Martin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2019 du maire de Saint-Martin-du-Tertre.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Martin-du-Tertre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société Saint-Martin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Martin-du-Tertre sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Saint-Martin est rejetée.

Article 2 : La société Saint-Martin versera la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Martin-du-Tertre en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saint-Martin et à la commune de Saint-Martin-du-Tertre.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Aventino, première conseillère,

- M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.

La présidente rapporteure,

G. MornetL'assesseure la plus ancienne,

B. Aventino

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00390
Date de la décision : 11/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : LAPLANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-11;23ve00390 ?
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