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03/10/2024 | FRANCE | N°22VE00948

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 03 octobre 2024, 22VE00948


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision du 26 juillet 2018 prise par cette même autorité le plaçant en congé de longue durée pour maladie du 10 juillet 2018 au 9 janvier 2019 inclus, en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service

de son affection, ainsi que la décision du 12 mai 2020, par laquelle la ministre des armées a refu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

- à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé à l'encontre de la décision du 26 juillet 2018 prise par cette même autorité le plaçant en congé de longue durée pour maladie du 10 juillet 2018 au 9 janvier 2019 inclus, en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de son affection, ainsi que la décision du 12 mai 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé de lui attribuer une pension militaire d'invalidité ;

- d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître le lien au service de son affection et de le rétablir dans l'ensemble de ses droits, dans un délai d'un mois et sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral, matériel et corporel subi du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et du défaut d'attribution de la pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1901407 du 22 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 avril 2022 et 31 janvier 2023, M. A... D..., représenté par Me Maumont, avocate, doit être regardé comme demandant à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 4 juin 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître l'imputabilité au service de son affection et de le placer en congé de longue maladie en lien avec le service, avec toute conséquence de droits et intérêts, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et est insuffisamment motivé ;

- l'imputabilité au service de sa maladie est établie ; l'infarctus à l'origine de son état anxio-dépressif a en effet pour origine une anxiété liée à une succession d'évènements survenus avant 2012, tels des mauvais traitements et une mutation pour cause de restructuration en 2009 ; le compte-rendu d'expertise du Dr B... du 28 octobre 2019 indique que l'accident cardiovasculaire dont il a été victime en juillet 2013 est dû au service, de même que le certificat du Dr C..., et il est patent qu'à compter de sa mission à Djibouti, il a dû prendre des anxiolytiques dont la prescription s'est prolongée sur plusieurs années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., militaire sous contrat au sein de l'armée de l'air, entré en service le 3 mars 1998, relève appel du jugement du 22 février 2022 en tant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre et pour lequel il bénéficie d'un congé de longue durée depuis le 10 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de citer précisément l'ensemble des pièces du dossier ayant servi à forger sa conviction, a suffisamment précisé, aux points 4 à 6 de sa décision, les motifs pour lesquels il a considéré que l'état anxio-dépressif de M. D... ne pouvait être regardé comme présentant un lien direct avec ses fonctions ou ses conditions de travail. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

3. D'autre part, si le requérant soutient que les juges de première instance ont commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et ne peuvent qu'en affecter le bien-fondé. Ils doivent, par suite, être écartés.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-47 de ce code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service. ".

5. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. M. D... fait valoir qu'il a connu des difficultés professionnelles au cours de sa carrière, en particulier des mauvais traitements de la part de son supérieur hiérarchique durant sa période d'affectation à Djibouti entre 2011 et 2013, ayant généré chez lui un syndrome anxio-dépressif, qui a lui-même causé l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 7 juillet 2013, à l'âge de trente-quatre ans, et que les importantes séquelles de cet accident cardiaque, venues s'ajouter à de nouvelles difficultés professionnelles, ont encore accentué son affection psychologique, laquelle doit en conséquence être regardée comme imputable au service.

7. Au soutien de ses allégations, M. D... produit son dossier de suivi médical professionnel, lequel fait état, le 11 mars 2012, d'une anxiété réactionnelle et de troubles du sommeil en raison de difficultés avec son supérieur hiérarchique (" mauvais traitements ", " sarcasmes "), une attestation de collègue datée du 30 octobre 2020 indiquant que M. D... avait fait part de son mal-être et de ses rapports conflictuels avec sa hiérarchie à la suite de son affectation à Djibouti avant d'être orienté vers le service médical de la base aérienne, un certificat médical du médecin du personnel naviguant en date du 14 août 2013 indiquant comme facteurs de risques de l'intéressé essentiellement un tabagisme en cours de sevrage et une anxiété, une expertise médicale du 28 octobre 2019 mentionnant une " nécrose localisée sur coronaires saines " et estimant possible de relier cet accident cardiaque au fait de service et enfin, une attestation de collègue datée du 2 novembre 2020 indiquant que M. D... a connu des difficultés croissantes pour poursuivre sa carrière comme agent d'opération, l'intéressé s'étant vu refuser l'accès au corps des sous-officiers par le recrutement " passerelle tardive " en raison de son inaptitude médicale avant que l'administration décide de ne pas renouveler son contrat et refuse la prise en charge financière de sa reconversion.

8. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites, notamment pas du recueil médical établi par le médecin militaire en fonction à Djibouti à l'époque des faits, ni du certificat médical daté du 28 mars 2022 de son psychothérapeute, lequel se borne à faire état, sans constatation personnelle, d'allégations du requérant sur des faits de service remontant à une dizaine d'années, que les troubles anxieux constatés en mars 2012 ayant conduit à la prescription d'anxiolytiques durant dix jours se seraient poursuivis jusqu'à une époque contemporaine à celle de la survenance de l'infarctus, alors au demeurant que cet accident cardiaque s'est produit au cours d'une permission. Les pièces médicales du 14 août 2013 et 28 octobre 2019 sont par ailleurs insuffisamment circonstanciées pour établir que l'accident cardiaque du requérant présente un lien direct avec un trouble anxieux lui-même imputable au service. En outre, ce dernier certificat relève que l'infarctus subi par le requérant courant juillet 2013 a provoqué au plan psychologique chez l'intéressé un retentissement majeur sur sa vie personnelle, familiale et professionnelle et les ordonnances produites prescrivant des anxiolytiques puis des antidépresseurs à M. D... sont toutes postérieures à l'accident cardiaque. Enfin, le requérant ne produit aucun élément, hormis l'attestation du 2 novembre 2020, permettant d'établir les difficultés professionnelles alléguées postérieurement à son accident cardiaque, le requérant ayant repris ses fonctions durant près de quatre ans avant d'être placé en congé de maladie pour syndrome anxio-dépressif.

9. Dans ces circonstances, l'état anxio-dépressif qui a fondé la mise en congé de longue durée de M. D... ne peut être regardé comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 4 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D... et au ministre des armées et des anciens combattants.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00948
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;22ve00948 ?
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