La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2024 | FRANCE | N°22VE00366

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 03 octobre 2024, 22VE00366


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Varennes-Jarcy a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner in solidum la société Emulithe et son assureur SMA, la société Comptoir des Projets et son assureur la MAF, la société Central Pose et son assureur la SMABTP, la société Généric Travaux Hydrauliques (GTH) et son assureur Axa Assurances Iard Mutuelle à lui verser la somme de 107 995,69 euros sur le fondement de la garantie décennale en réparation des désordres affectant les aménag

ements de voirie du centre du village.



Par un jugement n° 1906358 du 7 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Varennes-Jarcy a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner in solidum la société Emulithe et son assureur SMA, la société Comptoir des Projets et son assureur la MAF, la société Central Pose et son assureur la SMABTP, la société Généric Travaux Hydrauliques (GTH) et son assureur Axa Assurances Iard Mutuelle à lui verser la somme de 107 995,69 euros sur le fondement de la garantie décennale en réparation des désordres affectant les aménagements de voirie du centre du village.

Par un jugement n° 1906358 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de la commune présentées contre les assureurs comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a condamné in solidum la société Emulithe et la société Comptoir des Projets à lui verser la somme de 31 110,94 euros TTC, a condamné in solidum la société Emulithe et la société Central Pose à lui verser la somme de 8 625,96 euros TTC, a assorti ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019, a réparti les frais d'expertise, a condamné la société Emulithe et la société Comptoir de Projets à se garantir respectivement à hauteur de 40 % et 60 % et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2022, la commune de Varennes-Jarcy, représentée par Me Chéneau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation des désordres de voirie à hauteur de la somme de 64 392,79 euros TTC ;

2°) de condamner la société Emulithe à lui verser la somme de 64 392,79 euros TTC, avec intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de la société Emulithe la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte tenu de leur importance, ces désordres, qui ont été constatés par l'expert, rendaient l'ouvrage impropre à sa destination ;

- ces désordres n'ont pas fait l'objet de réserve lors de la réception et n'étaient pas apparents ;

- l'ensemble des travaux retenus par l'expert dans le devis fourni par le bureau d'études Semaf doit être retenu à hauteur de la somme de 47 029,50 euros HT, à laquelle s'ajoute la TVA de 20 % et les frais de maîtrise d'œuvre de 14,1 % retenus par l'expert et le tribunal, soit 64 392,79 euros TTC.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 5 septembre 2022 et le 21 février 2024, la société Comptoir des Projets et la Mutuelle des Architectes Français, représentées par Me Parini, avocat, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Varennes-Jarcy ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Varennes-Jarcy le versement à la Mutuelle des Architectes Français de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler les articles 2, 3 et 7 du jugement attaqué en tant qu'il prononce des condamnations à l'encontre de la société Comptoir des Projets ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la société Emulithe à la garantir intégralement ;

5°) à titre très subsidiaire, de juger que les sommes mises à sa charge ne peuvent dépasser 10 % des responsabilités ;

6°) de rejeter l'appel en garantie de la société Emulithe formé à son encontre ;

7°) de mettre à la charge de tout contestant le versement à la société Comptoir des Projets de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la Mutuelle des Architectes Français ne pouvait être intimée, l'action engagée à son encontre relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

- la société Comptoir des Projets entend présenter un appel incident dès lors qu'il n'y a pas eu d'erreur de conception au titre de " l'Evergreen " des parkings du stade ; la société Emulithe était maîtresse de son art ; si elle avait des doutes, elle devait réaliser ou demander à la maîtrise d'œuvre de réaliser des investigations géotechniques complémentaires ; la maîtrise d'œuvre a relevé des défauts de compactage au cours du chantier ; la société Emulithe, qui a commis des fautes importantes, doit garantir la société Comptoir des Projets ; à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut excéder 10 %.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 5 et 9 février 2024, la société Emulithe, représentée par Me Ginoux, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Varennes-Jarcy ;

2°) d'annuler les articles 2 et 7 du jugement attaqué en tant qu'il prononce des condamnations à son encontre ;

3°) de condamner la société Comptoirs des Projets à la garantir au moins à hauteur de 80 % ;

4°) de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la société Comptoir des Projets ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner la société Comptoir des Projets à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à la suite de l'appel de la commune de Varennes-Jarcy ;

6°) de confirmer les articles 2, 5, 7 et 8 du jugement attaqué ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Varennes-Jarcy le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert n'a pas correctement rempli sa mission ;

- les conclusions présentées par la commune au titre du " reste des désordres " n'ont pas fait l'objet d'un examen contradictoire et approfondi par l'expert ; l'existence et la nature de ces désordres et l'éventuel lien de causalité avec les interventions des défenderesses, dont la société Emulithe, ne sont pas démontrés ; ces conclusions ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur quantum ; le tribunal administratif a déjà accordé une indemnisation pour " l'Evergreen " et l'affaissement des bordures ; l'expert n'a retenu qu'une partie du montant total des travaux résultant du devis de la société VTMTP ; les honoraires de maîtrise d'œuvre doivent être ramenés à 10 % ; l'expert a entériné des travaux pour la somme de 56 168 euros qui ne se rattachent à aucun des désordres de sa mission ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il a limité l'indemnisation pour les désordres affectant " l'Evergreen " et l'affaissement des bordures ;

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour fait droit aux conclusions de la commune, la responsabilité des désordres incombe principalement à la société Comptoir des Projets, celle-ci ayant commis une faute de conception ; elle a manqué à sa mission de suivi des travaux et à son devoir de conseil ; elle doit la garantir au moins à 80 % ;

- les conclusions présentées à son encontre par la société Comptoir des Projets doivent être rejetées ; ses préconisations n'étaient pas adaptées ; elle a commis une faute de conception ; il lui appartenait de faire réaliser des essais.

Par ordonnance du président de la 5ème chambre du 12 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 10 septembre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité, faute d'intérêt à agir, des conclusions de la société Comptoirs des Projets et son assureur tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué qui ne les condamne pas.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2024, la société Comptoir des Projets et la Mutuelle des Architectes Français se désistent de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chéneau, pour la commune de Varennes-Jarcy.

Une note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2024, a été présentée pour la commune de Varennes-Jarcy.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Varennes-Jarcy relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 7 février 2022 en tant qu'il a rejeté une partie de ses conclusions tendant à la réparation, sur le fondement de la garantie décennale, de désordres survenus à la suite de travaux d'aménagement du centre du village qui ont fait l'objet d'un marché conclu en 2012. Elle demande à la cour de condamner la société Emulithe, entreprise de travaux, à lui verser la somme supplémentaire de 64 392,79 euros TTC en réparation de ces désordres. Par la voie de l'appel provoqué, la société Comptoir des Projets, maître d'œuvre, et son assureur la Mutuelle des Architectes Français, demandent à la cour d'annuler les articles 2, 3 et 7 du jugement attaqué en tant que le tribunal a prononcé des condamnations à l'encontre de la société Comptoir des Projets et, à titre subsidiaire, de condamner la société Emulithe à la garantir intégralement et, à titre plus subsidiaire, de juger que sa responsabilité ne peut excéder 10 %. Par la voie de l'appel incident et provoqué, la société Emulithe demande l'annulation des articles 2 et 7 en tant que le tribunal a prononcé des condamnations à son encontre et la condamnation de la société Comptoir des Projets à la garantir au moins à hauteur de 80 %.

Sur le désistement partiel de la société Comptoir des Projets et de la Mutuelle des Architectes Français :

2. Dans leur mémoire enregistré le 16 septembre 2024, la société Comptoir des Projets et la Mutuelle des Architectes Français se sont désistées de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à qu'il en soit donné acte.

Sur l'appel principal de la commune de Varennes-Jarcy :

3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

4. La commune de Varennes-Jarcy sollicite la condamnation de la société Emulithe à lui verser la somme de 64 392,79 euros au titre des désordres survenus à la suite de travaux d'aménagement du centre du village. Elle fait valoir que ces désordres n'étaient pas apparents lors de la réception et se prévaut notamment du rapport de l'expert du 3 février 2019 qui, chargé de fournir tous éléments utiles d'appréciation sur les responsabilités encourues et les préjudices subis, indique " Emulithe pour le reste, 47 029,50 euros HT X 1,2 X 1,141 = 64 392,79 TTC compris MO ". Si l'expert a ainsi entendu s'approprier un devis établi par un bureau d'études le 9 novembre 2018 qui est produit à l'appui de la requête avec des annotations manuscrites, ni ce devis qui mentionne notamment la dépose de pavés ou de dalles, ni le reportage photographique du 12 octobre 2018 établi par ce même bureau d'études, ne permettent d'établir la nature exacte et l'étendue des désordres dont la commune sollicite réparation à hauteur de la somme de 64 392,79 euros et qui n'auraient pas déjà fait l'objet d'une indemnisation par le jugement attaqué au titre des bordures en pavés ou du parking " Evergreen ". En l'absence de précisions suffisantes sur la nature et l'étendue des désordres, sur leur caractère décennal et leur imputabilité à la société Emulithe, l'appel principal de la commune de Varennes-Jarcy doit être rejeté.

Sur les conclusions d'appel incident de la société Emulithe :

5. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

6. Il résulte de l'instruction que la société Emulithe a participé, en sa qualité d'entrepreneur, aux travaux à l'origine des désordres affectant " l'Evergreen " des parkings du stade et les bordures en pavés pour lesquels la commune de Varennes-Jarcy a obtenu réparation par les articles 2 et 3 du jugement attaqué. Ainsi, dès lors qu'il apparaît que ces désordres lui sont au moins partiellement imputables, la société Emulithe n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne pourrait être engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs. Par suite, ses conclusions d'appel incident doivent être rejetées.

Sur les conclusions d'appel provoqué de la société Comptoirs des Projets et de la société Emulithe :

7. La société Comptoirs des Projets demande l'annulation de l'article 2 en tant qu'il la condamne à indemniser la commune de Varennes-Jarcy. En outre, la société Emulithe et la société Comptoirs des Projets demandent l'annulation de l'article 7 du jugement attaqué en tant qu'il les a condamnées à se garantir réciproquement à hauteur de 40 % et 60 % des sommes fixées par ses articles 2 et 5 et elles demandent à être garanties l'une l'autre réciproquement des condamnations prononcées à leur encontre au moins à hauteur de 80 % ou 90 %. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, ont le caractère d'appels provoqués.

8. Il résulte de ce qui précède que la situation de la société Comptoirs des Projets et la situation de la société Emulithe ne sont pas aggravées par l'appel principal de la commune de Varennes, celui-ci devant être rejeté. Ainsi, les conclusions d'appel provoqué de la société Comptoirs des Projets et de la société Emulithe sont irrecevables et doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Varennes-Jarcy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la société Emulithe à lui verser la somme de 64 392,79 euros au titre du " reste des désordres ". Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de même nature présentées par la société Comptoirs des Projets et la Mutuelle des Architectes Français et par la société Emulithe sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société Comptoir des Projets et de la Mutuelle des Architectes Français tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 1906358 du tribunal administratif de Versailles du 7 février 2022.

Article 2 : La requête de la commune de Varennes-Jarcy est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Comptoirs des Projets, de la Mutuelle des Architectes Français et les conclusions de la société Emulithe sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Varennes-Jarcy, à la société Emulithe, à la société Comptoirs des Projets, à la société Central Pose, à la société Généric Travaux Hydrauliques, à la société d'assurances SMA, à la Mutuelle des Architectes Français, à la SMABTP et à la société Axa France Iard.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

G. CAMENENLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00366
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SCP CHENEAU ET PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;22ve00366 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award