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01/10/2024 | FRANCE | N°22VE01629

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 01 octobre 2024, 22VE01629


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, la restitution partielle de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2013 et la décharge de toutes les pénalités dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ont été assorties.



Par un jugement n° 1907779 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, la restitution partielle de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2013 et la décharge de toutes les pénalités dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ont été assorties.

Par un jugement n° 1907779 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté un non-lieu à statuer sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, à hauteur d'une somme de 4 962 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet 2022 et 12 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Guillot, avocat, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 12 mai 2022 en tant qu'il ne fait pas droit au surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, la restitution partielle de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2013 et la décharge de toutes les pénalités dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ont été assorties ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 893 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- quand bien même il n'a pas pu obtenir certaines factures de ses sous-traitants correspondant aux travaux réalisés et payés, il établit, par la production des chèques et des noms des fournisseurs, la réalité des dépenses dont il demande la déduction de son bénéfice imposable ;

- en refusant de prendre en compte le montant des charges de sous-traitance, l'administration fiscale arrive à un bénéfice imposable manifestement exagéré, en méconnaissance de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, ce qui apparaît compte tenu du fait que M. A... a exercé seul son activité ;

- il produit les factures correspondant au chantier au 15 rue du Maréchal Foch à Sannois pour un montant total HT de 24 196 euros qui doivent être admises en charges ;

- l'admission de ces factures en déduction doit conduire à l'abandon du rehaussement correspondant au profit sur le Trésor Public ;

- son intention délibérée d'éluder l'impôt n'est pas établie par l'administration fiscale ;

- les majorations pour manquement délibéré ont le caractère d'une double pénalisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de M. A... correspondant aux omissions de recettes sont irrecevables, faute d'être assorties de moyen ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 août 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., qui exerce une activité d'électricien en tant qu'entrepreneur individuel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013, période étendue jusqu'au 31 janvier 2015 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 31 juillet 2015, l'administration fiscale a notamment réintégré des recettes omises au chiffre d'affaires de M. A..., refusé la déductibilité de certaines charges inscrites au titre des années 2012 et 2013 qu'elle a considéré comme non-justifiées et a réintégré au bénéfice imposable le profit sur le Trésor correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013. M. A... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté un non-lieu à statuer, à hauteur d'une somme de 4 962 euros, et a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, de décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2013 et de décharge des pénalités dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été assorties.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. "

3. M. A... ne conteste pas qu'il n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification en date du 31 juillet 2015. Ainsi, il doit être regardé comme ayant tacitement accepté les rectifications notifiées et supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions qu'il conteste.

4. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé, au titre de l'année 2012, la déduction du bénéfice industriel et commercial de M. A... d'une somme de 65 130 euros, inscrite en comptabilité le 28 décembre 2012 sous une écriture unique, intitulée " sous-traitance générale ". M. A... soutient qu'il justifie du versement d'une somme de 55 310 euros à des sous-traitants au cours de l'année 2012, en produisant des copies de chèques émis par son entreprise individuelle et établis à l'ordre de particuliers, ainsi qu'un état récapitulatif des charges dont il réclame la déduction, qui fait apparaître le nom du bénéficiaire de chaque chèque, le numéro du chèque, le nom du chantier correspondant et, pour certaines dépenses, un numéro de facture ou de devis. Par ailleurs, il produit des extraits du site Infogreffe qui font apparaître l'existence de sociétés correspondant aux particuliers qui ont reçu les chèques. Toutefois, M. A... ne produit aucune facture, aucun contrat de sous-traitance et aucun descriptif précis des prestations réalisées par les entreprises dont il s'agit pour le compte de son entreprise individuelle. Dans ces conditions, faute pour M. A... de justifier de la nature des charges en cause ou de l'existence et la valeur de la contrepartie que son entreprise individuelle en a retirée, le requérant n'établit pas qu'en refusant la déductibilité de la somme de 65 130 euros, l'administration fiscale aurait exagéré ses bases d'imposition.

6. M. A... soutient que le refus de déduire la somme de 55 310 euros conduit à un bénéfice imposable manifestement surévalué, ce qui serait établi par le montant de sa marge brute excessive. Toutefois, le montant de son bénéfice imposable, s'agissant de l'année 2012, provient davantage du montant des omissions de recettes non contestées que du refus de déduction des charges de sous-traitance, tandis que, pour l'année 2013, le montant des rectifications est du même ordre de grandeur que celui du résultat déclaré par M. A..., de telle sorte que le résultat rectifié n'apparaît pas manifestement surévalué. Dans ces conditions, et alors que la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à M. A..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les impositions mises à sa charge méconnaîtraient, du fait du refus de déduction de cette somme, un principe de réalisme des impositions.

7. M. A... revendique en outre la déductibilité de trois factures émises par la SARL SMI les 4 mai 2013, 8 juin 2013 et 3 novembre 2013 pour des montants respectifs hors taxes de 11 196 euros, 11 000 euros et 2 000 euros, relatives à la réalisation de travaux de rénovation sur un chantier situé 15 rue du Maréchal Foch à Sannois. Toutefois, l'administration fiscale fait valoir, sans être contestée que, lors des opérations de contrôle, M. A... a produit deux factures d'acomptes émanant de la SARL SMI en date des 15 mars et 19 avril 2013, pour des montants respectifs de 12 916,80 euros et 11 960 euros, relatives à un autre chantier situé 110 rue de La Boétie à Paris, qui ont été admises en déduction au titre des charges de sous-traitance, ces factures portant les mêmes numéros que les nouvelles factures en date des 4 mai et 8 juin 2013, produites par M. A... et émanant de cette société. Dans ces conditions, faute pour M. A... d'expliquer les circonstances dans lesquelles ces dernières factures lui ont été adressées, qui sont, au surplus, libellées de manière irrégulière s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, le requérant n'établit pas, comme il en a la charge, qu'en refusant la déduction des montants figurant sur ces factures, l'administration fiscale aurait exagéré ses bases d'imposition. En outre, il n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, qui ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la réduction du montant réintégré à son bénéfice imposable au titre de l'année 2013, en tant que profit sur le Trésor, à concurrence de la somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû être portée sur les trois factures de la SARL SMI dont la déduction a été refusée à bon droit.

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). " Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. "

10. Pour justifier l'application des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige, l'administration fiscale s'est fondée notamment sur l'importance des omissions de recettes au titre de l'année 2012 et sur la comptabilisation des dépenses de sous-traitance sans justificatifs au titre des années 2012 et 2013. Compte tenu de l'importance des omissions de recettes au titre de l'année 2012, à savoir 75 793 euros pour un résultat déclaré de 47 479 euros, M. A... ne pouvait ignorer, même en l'absence d'un expert-comptable, qu'il avait sous-estimé son chiffre d'affaires et donc son résultat imposable. S'agissant de l'année 2013, le rehaussement du bénéfice imposable de M. A... résulte de la réintégration de charges dont la déduction a été refusée faute de pièces justificatives probantes et dont M. A... ne justifie pas davantage qu'en première instance du caractère déductible. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration pour manquement délibéré au titre des années 2012 et 2013. M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'application des pénalités pour manquement délibéré constituerait une " double pénalisation ".

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions aux fins de décharge, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent par suite être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Le Gars, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.

Le rapporteur,

G. TAR La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01629
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-01;22ve01629 ?
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