Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société STI a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Ballan-Miré a refusé de lui délivrer un permis de construire, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, d'enjoindre au maire de la commune de Ballan-Miré de lui délivrer l'arrêté portant autorisation de permis de construire, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou à défaut de reprendre l'instruction de la demande de permis de construire déposée et de mettre à la charge de la commune de Ballan-Miré la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2101041 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 23 septembre 2020 et la décision de rejet du recours gracieux introduit contre cet arrêté, a enjoint au maire de Ballan-Miré de délivrer à la société STI le permis de construire sollicité le 13 juillet 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et a mis à la charge de la commune de Ballan-Miré la somme de 1 500 euros à verser à la société STI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 13 décembre 2023, sous le numéro 23VE02731, la commune de Ballan-Miré, représentée par Me Steinmann, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) et de mettre à la charge de la société STI la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur dès lors que l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme permet d'opposer au titre du respect du caractère de la rue, la méconnaissance de l'orientation des bâtiments, des lignes de construction, ainsi que d'une certaine densité des constructions par rapport à leur terrain d'assiette ;
- le projet méconnait l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il prévoit la construction dense de dix maisons d'habitation dont l'architecture est en rupture, au sein d'un quartier pavillonnaire aéré, avec le " parcellaire laniéré ", lequel présente une unité d'implantation des pavillons existants ;
- il méconnait l'article UC 3-2 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que la configuration de la rue résidentielle de la Châtaigneraie, qui présente une circulation importante, ne permet pas de supporter l'augmentation du trafic liée à la construction de dix logements supplémentaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2024, la société STI, représentée par Me Dalibard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Ballan-Miré en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête de la commune est irrecevable dès lors qu'elle est dépourvue de conclusions au fond et, à titre subsidiaire, que les moyens ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la commune de Ballan-Miré enregistré le 28 août 2024, n'a pas été communiqué.
II. Par une requête enregistrée le 13 décembre 2023, sous le n° 23VE02732, la commune de Ballan-Miré, représentée par Me Steinmann, avocate, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 octobre 2023, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête d'appel.
Elle soutient que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête d'appel dirigée contre ce jugement sont de nature à justifier son annulation et d'infirmer la solution retenue par les premiers juges.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Steinmann pour la commune de Ballan-Miré et de Me Giraud pour la société STI.
Considérant ce qui suit :
1. La société STI est propriétaire d'un terrain, situé 15-17 rue de la Châtaigneraie à Ballan-Miré, d'une surface d'un peu plus de 3 900 m², sur lequel sont édifiées deux maisons d'habitation. Elle a sollicité un permis de construire le 13 juillet 2020, pour démolir les constructions existantes et édifier dix maisons d'habitation, pour une surface de plancher créée de 1 388 m². Le maire de Ballan-Miré a, par un arrêté du 23 septembre 2020, refusé de délivrer cette autorisation. Par un jugement du 5 octobre 2023, dont la commune de Ballan-Miré relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a accueilli la demande de la société STI tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, à ce qu'il soit enjoint au maire de Ballan-Miré de délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à charge de la commune de Ballan-Miré la somme de 1 500 à verser à la société STI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La commune requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 septembre 2020 et de la décision de rejet du recours gracieux :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. "
5. Pour annuler le refus de permis de construire opposé le 23 septembre 2020 par le maire de la commune de Ballan-Miré à la demande déposée par la société STI, le tribunal administratif d'Orléans a relevé que le projet ne méconnaissait pas l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ballan-Miré s'agissant de l'insertion du projet dans les lieux avoisinants et qu'il ne pouvait pas davantage être opposé, par substitution au fondement initial de l'article UC 3-1 du même règlement, l'article UC 3-2 de celui-ci relatif à la voie publique de desserte.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme :
6. Aux termes de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Aspect des constructions et aménagement de leurs abords - Généralités - Toute construction ou ouvrage doit : - être en cohérence avec le site dans lequel il s'inscrit, s'intégrer dans le caractère de la rue, respecter le terrain sur lequel il est édifié. Toute construction s'inspirant d'un style architectural traditionnel étranger à la région est interdite. (...) ".
7. Pour s'opposer à l'arrêté de permis de construire en litige, le maire de Ballan-Miré a estimé que " la rue de la Chataigneraie se caractérise par une trame urbaine pavillonnaire implantée en concordance avec l'orientation Nord-Sud du parcellaire et que le projet a pour effet de générer une morphologie urbaine en rupture avec le caractère de la rue ".
8. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies jointes, que la parcelle d'assiette du projet se situe rue de la Châtaigneraie, au sein d'une zone pavillonnaire dont ni le découpage parcellaire, ni l'implantation des constructions ne sont homogènes. Si certaines habitations possèdent de grands jardins, la zone est densément construite. Les constructions de type R+1, de volume, de hauteur et de style variés ne présentent en outre aucune unité d'aspect. Cette zone, dont il est constant qu'elle ne fait l'objet d'aucune protection particulière par le plan local d'urbanisme du point de vue architectural ou paysager, ne présente ainsi aucun caractère particulier dont il conviendrait d'assurer la protection.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de permis de construire que le projet consiste à édifier dix maisons d'habitation de type R+1, dont ni le découpage parcellaire, ni le volume, ni l'implantation, ni enfin le style architectural ne révèlent une rupture au regard des caractéristiques précitées. Dans ces conditions, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 11 n'est pas de nature à fonder légalement l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme opposée par la commune après une demande de substitution de base légale sollicitée en première instance :
10. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
11. Aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) / 2. Voirie / Les voies publiques ou privées doivent être adaptées à la nature et l'importance des usages qu'elles supportent et des opérations qu'elles desservent et permettre le passage des véhicules de sécurité. (...) ".
12. Pour estimer que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande de substitution de ces dispositions à celles de l'article UC 3-1 opposées dans l'arrêté en litige, formulée en première instance, dès lors que la rue de la Châtaigneraie présente un trafic dense qui l'a conduit à mettre en place des chicanes et à limiter la vitesse à 30 kilomètres par heure, et ne permet pas d'absorber le trafic supplémentaire qui sera engendré par les dix constructions projetées, la commune de Ballan-Miré reprend ce moyen en appel sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif d'Orléans au point 9 du jugement contesté.
13. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, la commune de Ballan-Miré n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le maire a refusé de délivrer le permis de construire sollicité, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux et a enjoint au maire de la commune de délivrer ce permis.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
14. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23VE02731 de la commune de Ballan-Miré tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 octobre 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE02732 par laquelle l'appelante sollicite que soit ordonné le sursis à exécution dudit jugement.
Sur les frais liés au litige :
15. La société STI n'étant pas partie perdante à la présente instance, la demande présentée par la commune de Ballan-Miré au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Ballan-Miré une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société STI et non compris dans les dépens sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 23VE02731 de la commune de Ballan-Miré est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin de sursis à exécution n°23VE02732 de la commune de Ballan-Miré.
Article 3 : La commune de Ballan-Miré versera à la société STI une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société STI et à la commune de Ballan-Miré.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseur,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. Even
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE02731-23VE02732