Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois avec inscription dans le système d'information Schengen (SIS), d'enjoindre au préfet de police de réexaminer son dossier et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement des mentions le concernant du fichier SIS et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2306754 du 28 septembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles, après avoir admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les arrêtés du 18 juillet 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, a enjoint au préfet de police, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, a enjoint au préfet de police, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé, de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de M. C... dans le système d'information Schengen, a, sous réserve de l'admission définitive de M. C... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Fournier, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à Me Fournier en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, ordonné le versement de cette somme à M. C..., et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Versailles.
Il soutient que :
- les arrêtés attaqués ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle est suffisamment motivée et a été précédée d'un examen particulier de la situation de M. C... ;
- elle ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 611-3 9°, R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'illégalité à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'illégalité à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas insuffisamment motivée ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois n'est pas entachée d'illégalité à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Fournier, avocate, demande à la cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête du préfet de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Fournier de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou directement à M. C... en cas de non-admission à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Camenen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de police fait appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 18 juillet 2023 faisant obligation à M. C..., ressortissant géorgien né le 25 octobre 1981, de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 19 mars 2024. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. M. C... fait valoir qu'il vit en France avec son épouse et leurs deux enfants et que ces derniers étant scolarisés dans ce pays, il n'est pas possible de l'éloigner vers la Géorgie sauf à interrompre brutalement leur scolarité en cours d'année scolaire ou à les priver de sa présence pendant plusieurs mois. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son épouse, également de nationalité géorgienne, est elle-même en situation irrégulière sur le territoire français et que ses enfants, nés le 20 novembre 2012 et le 15 novembre 2013 en Géorgie, pays dont ils ont la nationalité, ne sont scolarisés en France que depuis 2019 sans que le requérant ne produise aucun élément probant attestant qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans des conditions normales en Géorgie. Dans ces conditions, dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie, ni à ce que les enfants puissent poursuivre leur scolarité dans ce pays, c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a retenu que les arrêtés attaqués méconnaissaient l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Versailles et la cour.
Sur le moyen d'incompétence du signataire des arrêtés du 18 juillet 2023 :
6. Les arrêtés attaqués ont été signés par Mme A..., attachée d'administration de l'Etat, qui a reçu délégation à cet effet, par arrêté n° 2023-00059 du préfet de police du 23 janvier 2023 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs spécial de l'État du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme A... doit être écarté.
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, la décision attaquée vise le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à M. C.... Par suite, cette décision a été suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, la motivation de la décision attaquée révèle un examen particulier de la situation de M. C....
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Selon l'article R. 611-1 de ce code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ". En vertu de l'article R. 611-2 du même code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative, le certificat prévu au 1° est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 744-14 ".
10. M. C... soutient que son état de santé fait obstacle à son éloignement vers la Géorgie et aurait dû nécessiter la saisine du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration conformément aux articles R. 611-1 et R. 611-2 précités. Toutefois, la seule circonstance, au demeurant non avérée par la lecture des procès-verbaux d'audition, qu'il aurait tenu des propos qu'il qualifie d' " incohérents et confus " n'est, par elle-même, pas suffisante pour établir que le préfet aurait dû suspecter un état de fragilité psychologique nécessitant l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en l'absence de toute demande plus explicite de la part de l'intéressé, ce dernier ayant déclaré lors de son audition par les services de police ne souffrir d'aucune pathologie particulière et ayant décliné la proposition d'examen par un médecin. En outre, M. C..., qui déclare être entré en France en 2016, n'a jamais signalé ses problèmes de santé lors de ses nombreuses interpellations. Dans ces conditions, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions précitées.
11. En quatrième lieu, selon l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
12. Si M. C... soutient que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des termes de la décision attaquée que l'obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 précité et non sur la menace à l'ordre public que serait susceptible de représenter M. C.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. C... se prévaut de la présence en France de son épouse et de leurs deux enfants, tous deux scolarisés. Toutefois, il résulte de ce qui a été précédemment exposé au point 4 du présent arrêt que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie, pays dont son épouse et ses enfants ont également la nationalité, ni à ce que ses enfants puissent poursuivre une scolarité normale dans ce pays. En outre, si M. C... soutient qu'il présente un état de vulnérabilité nécessitant une prise en charge médicale, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de son état de santé. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant refus de délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français dont M. C... fait l'objet, dès lors, notamment, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Elle est ainsi suffisamment motivée.
16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Selon l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, en vertu de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
18. Pour refuser d'octroyer à M. C... un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le comportement de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public et qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet en l'absence de garantie de représentation et en raison de l'inexécution de deux précédentes mesures d'éloignement.
19. M. C... soutient, d'une part, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort tant de l'arrêté attaqué que des pièces du dossier que M. C... a été interpellé à six reprises, entre 2020 et 2023 pour des faits de conduite sans permis de conduire et a fait l'objet de plusieurs signalements pour des faits de vols à l'étalage, cambriolage de lieux d'habitation principale et recel de vol. Si ces faits n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales, leur récurrence sur une période assez courte traduit un comportement susceptible de constituer une menace pour l'ordre public.
20. D'autre part, si M. C... soutient qu'il justifie de garanties de représentation suffisantes, il a déclaré, lors de son audition devant les services de police, n'être titulaire que d'une copie de sa carte d'identité géorgienne ainsi qu'une adresse dans un établissement hôtelier. S'il a depuis lors produit une copie de son passeport géorgien, en cours de validité, il ne produit qu'une attestation, peu probante, du gérant de l'hôtel Lemon à Vigneux-sur-Seine aux termes desquels il résiderait, avec sa famille, dans cet établissement. Ainsi, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions précitées. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....
21. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été précédemment exposé au point 14 du présent arrêt que la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :
22. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que M. C... n'établit pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle est suffisamment motivée.
23. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
24. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la situation géopolitique de son pays, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité des menaces personnelles auxquelles il serait exposé en cas de retour. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas ces stipulations et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour pendant une durée de vingt-quatre mois :
25. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. C... représente une menace pour l'ordre public, a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne peut se prévaloir de liens suffisamment caractérisés sur le territoire français, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
26. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
27. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
28. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
29. D'une part, M. C... soutient que la décision attaquée méconnaît ces dispositions compte tenu de la durée de sa présence en France et de la nature et de l'intensité de ses liens personnels en France. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie alors que l'intéressé n'est présent en France que depuis 2016 et est en situation irrégulière depuis le rejet définitif de sa demande d'asile le 5 mars 2018. D'autre part, si M. C... se prévaut de son état de santé, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il nécessiterait un traitement spécifique dont il ne pourrait bénéficier qu'en France. Par suite, la décision attaquée, en faisant interdiction à M. C... de retourner sur le territoire français pendant une durée de 24 mois, ne méconnaît pas les dispositions précitées et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard.
30. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie ni à ce que les enfants du requérant puissent poursuivre une scolarité normale dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
31. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés du 18 juillet 2023.
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2306754 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
G. CAMENENLa présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE02363