La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2024 | FRANCE | N°23VE01215

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 17 septembre 2024, 23VE01215


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Penn Ar Bed a demandé au tribunal administratif de Versailles le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 70 371 euros au titre du quatrième trimestre 2020, assorti des intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.



Par un jugement n°2104747 du 4 avril 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juin 2023, 23 mai 2024 et 28 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Penn Ar Bed a demandé au tribunal administratif de Versailles le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 70 371 euros au titre du quatrième trimestre 2020, assorti des intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n°2104747 du 4 avril 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juin 2023, 23 mai 2024 et 28 juin 2024, la SARL Penn Ar Bed, représentée par Me Mot, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui rembourser un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 263 euros au titre du quatrième trimestre 2020, assorti des intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Penn Ar Bed soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé sa demande tardive et par suite irrecevable ; lui opposer le fait qu'elle n'était pas en droit de reporter un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au seul motif qu'une précédente demande a déjà été rejetée par une décision définitive, en ce qu'il restreint de manière excessive les modalités d'exercice du droit au remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée, méconnaît le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en tout état de cause, la proposition de rectification du 28 septembre 2018 ne saurait constituer une décision expresse de rejet de sa demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée déposée le 22 janvier 2018 ; cette demande a donc donné lieu à un rejet implicite lequel ne saurait faire courir le délai de recours contentieux ; à titre plus subsidiaire, la proposition de rectification du 28 septembre 2018 ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, ce qui fait également obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux ;

- aucune forclusion ne peut lui être opposée, dès lors que l'administration doit être regardée comme ayant procédé à l'instruction de sa demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 198 A du livre des procédures fiscales, seule applicable, et que sa demande doit être regardée comme ayant été acceptée dans le silence de l'administration à l'expiration d'un délai de soixante jours ;

- la proposition de rectification du 28 septembre 2018 est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- elle est en droit d'obtenir le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 69 263 euros, correspondant aux dépenses engagées en 2016 et 2017 pour la rénovation et l'équipement d'une maison d'habitation, dès lors que celle-ci a été mise en location dès 2017 avec la fourniture de prestations para-hôtelières et que cette activité n'est donc pas concernée par l'exonération de taxe prévue par les dispositions de l'article 261 D du code général des impôts ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait considéré qu'elle n'avait pas débuté d'opération imposable en 2017, les dépenses engagées en 2016 et 2017 l'ont été dans l'intention de développer une activité de location meublée avec prestations para-hôtelière et constituent donc des dépenses d'investissement préparatoire ouvrant droit à déduction.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 et 25 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet des conclusions de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige est tardive, la proposition de rectification du 28 septembre 2018 constituant un rejet exprès pour un motif de fond de la demande de la société, qui est devenu définitif faute pour cette dernière d'avoir formulé des observations à la réception de cette proposition le 4 octobre 2018 ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales manque en fait ;

- la demande de remboursement du crédit de taxe déposée le 22 janvier 2018 au titre du quatrième trimestre 2017 n'était pas justifiée, faute pour la société de démontrer qu'elle fournissait sur cette période trois des quatre prestations prévues par le b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ;

- la demande de versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales est irrecevable dès lors que la cour est saisie d'un contentieux d'assiette.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Penn Ar Bed relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 70 371 euros, au titre du quatrième trimestre 2020.

2. La SARL Penn Ar Bed, créée le 18 novembre 2016 et qui a pour objet social la location meublée professionnelle, a acquis le 20 décembre 2016 une maison d'habitation située à Crozon (Finistère), dans laquelle elle a fait effectuer des travaux de rénovation et a engagé des dépenses d'équipement, pour un montant de 258 304 euros sur la période du 1er janvier au 31 juillet 2017. Elle a demandé, le 22 janvier 2018, le remboursement de la somme de 69 263 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses et dont elle n'avait pu opérer la déduction. L'administration fiscale a alors procédé à une vérification de compatibilité, à l'issue de laquelle elle a estimé, par une proposition de rectification du 28 septembre 2018, que la société n'exerçait pas, sur la période du 18 novembre 2016 au 31 décembre 2017, une activité de location meublée et qu'en tout état de cause, elle ne fournissait pas de prestations para-hôtelières de nature à permettre son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des dispositions du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. La SARL Penn Ar Bed a présenté une nouvelle demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, le 21 janvier 2020, au titre du quatrième trimestre 2019, pour un montant total de 97 407 euros incluant la somme de 69 263 euros, demande qui a été rejetée par une décision du 21 avril 2020. Le 21 janvier 2021, la société a de nouveau sollicité le remboursement d'un crédit de taxe, au titre du quatrième trimestre 2020, pour un montant total de 110 000 euros incluant la somme de 69 263 euros. Par une décision expresse du 6 avril 2021, le service a fait droit à cette demande, à hauteur de la somme de 36 269 euros, et rejeté le surplus de la demande, après avoir rappelé que la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 263 euros, déposée le 22 janvier 2018, avait donné lieu à une décision de rejet à l'issue de la vérification de compatibilité opérée en 2018 et que cette demande ne pouvait ainsi faire l'objet d'un nouvel examen.

3. En premier lieu, en l'absence de contestation, par une société, de la décision de rejet de sa réclamation tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, cette décision revêt un caractère définitif qui prive cette société de la possibilité de se prévaloir d'un droit au report de ce crédit de taxe fondant une nouvelle demande de remboursement ou d'imputation de cette somme. Une telle demande doit par conséquent être rejetée comme tardive.

4. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales que seule la notification au contribuable d'une décision expresse de rejet de sa réclamation assortie de la mention des voies et délais de recours a pour effet de faire courir le délai de deux mois qui lui est imparti pour saisir le tribunal administratif du litige qui l'oppose à l'administration fiscale, l'absence d'une telle mention lui permettant de saisir le tribunal dans un délai ne pouvant, sauf circonstance exceptionnelle, excéder un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision. En revanche si, en cas de silence gardé par l'administration sur la réclamation, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif à l'issue d'un délai de six mois, aucun délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre, tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée.

5. En l'espèce, l'administration a, dans sa proposition de rectification du 28 septembre 2018, refusé d'admettre l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, s'élevant à 69 263 euros, dont la SARL Penn Ar Bed demandait le remboursement au titre du second semestre de l'année 2017, pour un motif de fond. Cette proposition de rectification constitue ainsi un rejet exprès de la demande de remboursement de la société. Il est constant que cette proposition de rectification, qui ne mentionne pas les voies et délais de recours, a été reçue par la société le 4 octobre 2018. La société ne faisant état d'aucune circonstance exceptionnelle, elle disposait d'un délai d'un an pour saisir le tribunal de cette décision expresse de rejet. En l'absence d'une telle contestation dans ce délai, la décision du 28 septembre 2018 revêt un caractère définitif qui prive la société de la possibilité de se prévaloir d'un droit au report de ce crédit de taxe après le 4 octobre 2019. Dans ces conditions, la demande de la société Penn Ar Bed présentée le 21 janvier 2021, ainsi que celle présentée le 21 janvier 2020, tendant au remboursement du même crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 69 263 euros, sont tardives.

6. En deuxième lieu, à supposer que la SARL Penn Ar Bed puisse être regardée comme justifiant d'une espérance légitime de pouvoir obtenir le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige, le délai d'un an ouvert à compter de la notification de la décision de rejet de sa réclamation du 22 janvier 2018, en l'absence des mentions de voies et délais de recours, était suffisant pour lui permettre de faire valoir utilement ses droits devant le juge de l'impôt. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 198 A du livre des procédures fiscales : " I - En vue d'instruire les demandes contentieuses de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se rendre sur place après l'envoi d'un avis d'instruction sur place pour procéder à des constats matériels et consulter les livres ou documents comptables dont la présentation est prévue par le code général des impôts ainsi que toutes les pièces justificatives qui sont afférents à cette demande. Dans le cadre de l'intervention sur place, ces agents peuvent avoir accès, de 8 heures à 20 heures et durant les heures d'activité professionnelle de l'assujetti, aux locaux à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, ainsi qu'aux terrains, aux entrepôts, aux moyens de transport à usage professionnel et à leur chargement. Ils peuvent recueillir sur place des renseignements et justifications. (...) / II. - L'administration dispose d'un délai de soixante jours à compter de la première intervention sur place pour prendre sa décision. La décision rejetant tout ou partie de la demande de remboursement est motivée. (...) / V. - En l'absence de décision de l'administration dans les délais prévus aux II et IV du présent article, il est fait droit à la demande de remboursement. (...) / VI. - Les opérations réalisées en application du présent article ne constituent pas une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13 ".

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a procédé, comme il lui était loisible de le faire, à la vérification de la comptabilité de la SARL Penn Ar Bed après avoir reçu sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en date du 22 janvier 2018. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 198 A du livre des procédures fiscales, ni d'aucune autre disposition du même livre, que seule la procédure d'instruction sur place, dans les conditions et délais prévus par les dispositions de l'article L. 198 A, puisse être mise en œuvre en présence d'une telle demande. Par suite, la SARL Penn Ar Bed ne peut utilement soutenir qu'en application des dispositions précitées, sa demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée doit être regardée comme ayant été tacitement acceptée à l'expiration d'un délai de soixante jours. A défaut d'une telle acceptation tacite, elle ne peut pas davantage utilement soutenir qu'aucune forclusion ne lui serait opposable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Penn Ar Bed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de sa requête, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Penn Ar Bed est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Penn Ar Bed et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

C. DROUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01215
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : MOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23ve01215 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award