La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2024 | FRANCE | N°22VE02877

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 17 septembre 2024, 22VE02877


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2204595 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Weinberg, avocate, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204595 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Weinberg, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé sur le moyen tiré du défaut d'examen, d'erreur de droit et d'erreurs de fait ;

- il est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs de fait ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation professionnelle, de sa situation familiale et personnelle, de son intégration sociale en France ainsi que de la menace que sa présence représenterait pour l'ordre public ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que les services du procureur de la République n'ont pas été saisi pour information sur les suites judiciaires du signalement dont il a fait l'objet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- il est entaché d'une erreur de fait quant à sa relation avec une compatriote et à l'existence d'un enfant en France ;

- c'est à tort que le préfet a écarté, pour son analyse, son expérience professionnelle en France ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas de menace à l'ordre public ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment en considérant que l'intérêt supérieur de ses enfants restés dans son pays d'origine serait sa présence à leurs côtés ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Le Gars, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malgache né le 26 mai 1984 à Antananarivo, entré en France le 2 octobre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, a fait l'objet, le 4 octobre 2021, d'une décision du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire français, annulée par un jugement du 9 novembre 2021 du tribunal administratif de Versailles, lequel a également enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. M. A... a sollicité le 20 janvier 2022 son admission au séjour. Par un arrêté du 12 mai 2022, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort du jugement contesté que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a suffisamment répondu aux moyens tirés d'erreurs de droit, en ce qui concerne l'appréciation par le préfet de l'ancienneté de l'exercice d'une activité professionnelle en France, d'une part, et la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part. Le jugement répond, dans son point 8, au moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet de l'Essonne en estimant que l'intérêt des enfants du requérant serait sa présence à leurs côtés. Enfin, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré du défaut d'examen sérieux par le préfet de la situation personnelle du requérant, alors même que n'a pas été relevée l'erreur de fait relative à la relation imputée à tort par le préfet au requérant avec une compatriote résidant en France avec qui il aurait eu un enfant, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, n'ayant pas eu d'incidence sur la décision et le tribunal n'étant pas tenu d'y répondre expressément. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté. Si M. A... conteste le bien-fondé de ces motifs, ce moyen relève de l'appréciation de la légalité de l'arrêté contesté et est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne notamment que l'intéressé ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-1, qu'il ne justifie pas de considérations humanitaires ou de circonstances exceptionnelles, que le seul fait de disposer d'une promesse d'embauche ne constitue pas à lui seul un motif exceptionnel, que l'intéressé est connu des services de police pour conduite de véhicule sans permis, qu'au vu de ses antécédents judiciaires il constitue une menace pour l'ordre public, qu'il est séparé de son épouse et que ses deux enfants mineurs résident dans son pays d'origine. Elle est ainsi suffisamment motivée sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'a pas visé l'article L. 412-5 de ce code ni mentionné l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. A....

5. En deuxième lieu, si M. A... soutient que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déposé une demande sur ce fondement. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'absence d'examen sur ce fondement doivent par suite être écartés.

6. En troisième lieu, si M. A... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne la relation qu'il entretiendrait avec une compatriote, avec qui il aurait un enfant en France, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, ne révèle pas par elle-même un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors que la véritable situation familiale de l'intéressé telle qu'il l'a faite valoir et sur laquelle le préfet s'est fondé, est indiquée dans les motifs de la décision, à savoir la présence de son épouse et de ses deux enfants mineurs dans son pays d'origine. Par suite, elle est, dans ces conditions, sans incidence sur le sens de cette décision.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis plus de quatre ans, qu'il justifie d'efforts d'intégration importants dès lors qu'il exerce une activité professionnelle ininterrompue depuis le mois de novembre 2017, que son employeur actuel soutient sa démarche de régularisation de sa situation administrative et a rempli une demande d'autorisation de travail afin de conclure un contrat de travail avec lui, qu'il a entamé des démarches pour passer l'examen du permis de conduire français, qu'il a signé un contrat de location pour un logement individuel et qu'il déclare ses revenus, dont le montant est supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, enfin, qu'il a tissé des liens amicaux forts sur le territoire français. Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour justifier de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui permettant, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", alors que par ailleurs sa famille, et notamment ses deux enfants mineurs, résident toujours à Madagascar, où il a lui-même vécu jusque l'âge de trente-trois ans. A cet égard, la circonstance qu'il serait venu en France en espérant percevoir des revenus plus importants afin de leur envoyer de l'argent ne peut être regardée comme une considération humanitaire au sens de cet article. Par conséquent, alors même que le préfet de l'Essonne a refusé de prendre en considération son activité de chauffeur livreur dans le cadre de son appréciation au motif qu'il ne dispose pas d'un permis de conduire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette autorité aurait méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. De même, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant soit être écarté.

9. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le préfet pouvait légalement fonder la décision de refus de séjour en cause sur la seule circonstance que l'admission au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires ni ne se justifiait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, les moyens tirés de ce que la procédure de consultation du fichier de traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes aurait méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce que le préfet n'aurait pas suffisamment examiné sa situation et aurait commis une erreur d'appréciation en retenant que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public doivent être écartés comme inopérants.

10. En sixième lieu, M. A... soutient que son droit au respect de sa vie privée et familiale a été méconnu en faisant valoir qu'il réside en France depuis plus de quatre ans et qu'il est bien intégré à la société française. Toutefois, il ne conteste pas conserver des attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusque l'âge de trente-trois ans et où résident ses deux enfants mineurs et son épouse. Par suite, en prenant la décision contestée, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes ses décisions les concernant.

12. M. A... soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle contrevient à l'intérêt supérieur de ses enfants restés à Madagascar puisqu'il subvient jusqu'à présent à leurs besoins en leur envoyant de l'argent grâce aux revenus qu'il perçoit en France. Toutefois, ces considérations ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, qui n'a pas pour effet, par elle-même, d'éloigner l'intéressé vers son pays d'origine, ni de le séparer de ses enfants restés dans son pays d'origine. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le moyen tiré de ce que la décision [DC1][LGA2]portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le requérant n'étant pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions doivent être rejetées, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MB...rk A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

A-C. LE GARS

La présidente,

F. VERSOL La greffière,

C. DROUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

[DC1]Formulation '

[LGA2R1]Oui, il manquait un mot

2

N° 22VE02877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02877
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22ve02877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award