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12/07/2024 | FRANCE | N°23VE00070

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 12 juillet 2024, 23VE00070


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. L'association Les familles B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 portant autorisation environnementale d'un élevage de 550 vaches laitières, par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de la Croix Morin, au lieu-dit " A... ", sur le territoire de la commune de Courcoué, d'annuler la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement

rejeté son recours hiérarchique formé le 25 septembre 2019 tendant au retrait de l'arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. L'association Les familles B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 portant autorisation environnementale d'un élevage de 550 vaches laitières, par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de la Croix Morin, au lieu-dit " A... ", sur le territoire de la commune de Courcoué, d'annuler la décision par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé le 25 septembre 2019 tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 portant enregistrement de l'augmentation de capacité des installations de méthanisation, exploitées par la société par actions simplifiées (SAS) Biogaz La Croix Morin, au lieu-dit " A... ", sur le territoire de la commune de Courcoué, de reconnaître la carence fautive de l'Etat dans l'exercice de son pouvoir de police et, enfin, d'ordonner à la SCEA Domaine de la Croix Morin de respecter l'effectif initialement autorisé de 350 vaches laitières.

II. Les communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler ce même arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 portant autorisation environnementale d'un élevage de 550 vaches laitières par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de la Croix Morin, au lieu-dit " A... ", sur le territoire de la commune de Courcoué.

Par deux jugements distincts n° 2000474 et n° 2001648 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 et a mis à la charge de l'Etat des sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I. - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23VE00070 le 10 janvier 2023 et le 29 avril 2024, la SCEA Domaine de la Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin, représentées par Me Gandet, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000474 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Les familles B... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) et de mettre à la charge de l'association Les familles B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il comporte plusieurs contradictions, dans ses motifs, et entre ses motifs et son dispositif ;

- il prononce l'annulation d'une décision n'existant pas ;

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, dès lors que, d'une part, la délivrance de deux arrêtés distincts n'a pas empêché le préfet de connaître des impacts des deux activités et que, d'autre part, ces deux activités ne présentent pas de connexité entre elles, l'activité de méthanisation ne modifiant pas notablement les impacts ou inconvénients de celle d'élevage de vaches laitières ;

- les moyens soulevés par l'association Les familles B... à l'encontre de la décision de la ministre de la transition écologique et solidaire par laquelle elle a implicitement rejeté son recours hiérarchique du 25 septembre 2019 tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 sont irrecevables ;

- ses autres moyens sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2023 et les 15 mai et 28 juin 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 mai 2024, non communiqué, l'association Les familles B..., représentée par Me Delalande, avocat, dans le dernier état de ses écritures, demande à la cour :

1°) de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de confirmer l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 ;

3°) de confirmer l'annulation de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 ;

4°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 ;

5°) à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté du 8 juillet 2019 ;

6°) d'enjoindre à l'Etat de mettre en demeure les exploitants de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale pour la régularisation administrative " de l'ensemble de l'installation d'élevage, de ses installations et activités connexes dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 5 000 euros par mois de retard et, d'autre part, de suspendre, ou d'enjoindre à l'Etat de suspendre, le temps de statuer sur la nouvelle demande d'autorisation, le fonctionnement de l'unité de méthanisation au-delà de la capacité de 30 tonnes par jour, dès la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

7°) et de mettre à la charge de la SAS Biogaz La Croix Morin et de la SCEA Domaine de la Croix Morin la somme de 4 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser sur le même fondement.

Elle soutient que :

- elle entend s'opposer au désistement des SCEA Domaine de La Croix Morin et SAS Biogaz La Croix Morin ;

- les moyens soulevés par la SCEA Domaine de La Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin ne sont pas fondés ;

- les décisions en cause sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la consommation en eau de l'élevage, dans un contexte défavorable d'état quantitatif et qualitatif de la ressource en eau.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019, dès lors que cette demande aurait été formée postérieurement au délai de recours contentieux.

Par un mémoire du 9 avril 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin, représentées par Me Gandet, ont produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire du 17 avril 2024, l'association Les familles B..., représentée par Me Delalande, a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement n° 2000474, dès lors que les premiers juges auraient omis d'interpréter les conclusions dirigées contre la décision de rejet du recours administratif formé par le requérant qui lui étaient soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

Par un mémoire du 31 mai 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin ont déclaré se désister de leur requête.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2024, l'association Les familles B... s'est opposée aux désistements de la SCEA Domaine de La Croix Morin et de la SAS Biogaz La Croix et persiste dans l'ensemble de ses conclusions initiales :

1°) de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 ;

3°) à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté du 8 juillet 2019 ;

4°) de confirmer l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 ;

5°) de confirmer l'annulation de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 ;

6°) d'enjoindre à l'Etat de mettre en demeure les exploitants de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale pour la régularisation administrative " de l'ensemble de l'installation d'élevage, de ses installations et activités connexes dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 5 000 euros par mois de retard et, d'autre part, de suspendre, ou d'enjoindre à l'Etat de suspendre, le temps de statuer sur la nouvelle demande d'autorisation, le fonctionnement de l'unité de méthanisation au-delà de la capacité de 30 tonnes par jour, dès la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

7°) et de mettre à la charge de la SAS Biogaz La Croix Morin et de la SCEA Domaine de la Croix Morin la somme de 4 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser sur le même fondement.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 juin 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin demandent à la cour :

1°) de donner acte de leur désistement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par l'association Les familles B... ;

3°) à titre subsidiaire, s'il était fait droit aux conclusions de l'association Les familles B..., de faire usage de ses pouvoirs de régularisation en sursoyant à statuer si elle considérait que l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 était entaché d'un vice régularisable ou, dans le cas contraire, de délivrer ou d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à la SAS Biogaz La Croix Morin un arrêté provisoire d'enregistrement de l'unité de méthanisation ;

4°) et de mettre à la charge de l'association Les familles B... une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23VE00071, le 10 janvier 2023 et le 29 avril 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin, représentée par Me Gandet, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par les communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) et de mettre à la charge des communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, dès lors que, d'une part, la délivrance de deux arrêtés distincts n'a pas empêché le préfet de connaître des impacts des deux activités et que, d'autre part, ces deux activités ne présentent pas de connexité entre elles, l'activité de méthanisation ne modifiant pas notablement les impacts ou inconvénients de celle d'élevage de vaches laitières ;

- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète au regard de la consommation en eau de l'élevage exploité par la SCEA Domaine de la Croix Morin ;

- les moyens soulevés par les communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin au soutien de leur demande de première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2023 et le 20 février 2024, les communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin, représentées par Me Lepage, avocate, concluent à titre principal au rejet de la requête de la SCEA Domaine de La Croix Morin, à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 et à ce que soit mise à la charge de la SCEA Domaine de La Croix Morin la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par la SCEA Domaine de La Croix Morin ne sont pas fondés. Elles se rapportent pour le reste à leurs écritures de première instance.

Par un mémoire du 31 mai 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin déclare se désister de sa requête.

III - Par une lettre, enregistrée le 24 mars 2023, l'association Les familles B... a demandé l'exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 2000474 du 14 novembre 2022.

Par une lettre du 29 mars 2023, le président de la cour a informé l'association Les familles richelaises du classement administratif de sa demande.

Par deux lettres enregistrées les 1er et 2 avril 2023, l'association Les familles B... a contesté cette décision de classement.

Par une ordonnance du 5 avril 2023, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a ouvert une procédure juridictionnelle sous le n° 23VE00703.

Par des mémoires, enregistrés les 11 avril, 15 et 16 mai, 24 et 28 juin, 21 juillet, 23 septembre, 10 et 22 octobre et 27 décembre 2023, 26 et 29 avril, 14 mai et 15, 16 et 24 juin 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 31 mars 2024, non communiqué, l'association Les familles B... sollicite l'exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 2000474 du 14 novembre 2022.

Elle demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 portant enregistrement de l'augmentation de la capacité des installations de méthanisation exploitées par la SAS Biogaz La Croix Morin ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de le retirer, et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire, d'une part, de mettre en demeure les exploitants de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale pour la régularisation administrative " de l'ensemble de l'installation d'élevage, de ses installations connexes et de son plan d'épandage " et, d'autre part, de suspendre, le temps de statuer sur la nouvelle demande d'autorisation, le fonctionnement de l'unité de méthanisation au-delà de la capacité de 30 tonnes par jour, dès la notification de la décision à intervenir et sous astreinte.

Par deux mémoires, enregistrés le 20 avril 2023 et le 25 avril 2024, la SCEA Domaine de la Croix Morin et la SAS Biogaz Croix Morin, représentées par Me Gandet, avocate, concluent au rejet de cette demande.

Elles soutiennent que l'annulation de la décision implicite de refus de retirer l'arrêté du 8 juillet 2019 n'implique aucune mesure d'exécution.

Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de cette demande.

Il soutient que le jugement a été entièrement exécuté.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le jugement dont il est demandé l'exécution, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 doit être regardé comme tendant également à l'annulation de cet arrêté du 8 juillet 2019.

Par un mémoire du 24 juin 2024, la SCEA Domaine de La Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin, représentées par Me Gandet, ont produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public. Elles persistent dans leurs conclusions à fin de rejet de la demande d'exécution présentée par l'association Les familles B..., et demandent à la cour, si elle considérait que l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 avait été annulé par le tribunal administratif d'Orléans, de délivrer ou d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à la SAS Biogaz La Croix Morin un arrêté provisoire d'enregistrement de l'unité de méthanisation et, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'association Les familles B... la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire du 1er juillet 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire du 1er juillet 2024, l'association Les familles B... a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la jonction :

1. Les requêtes susvisées nos 23VE00070, 23VE00071 et 23VE00703, qui tendent à l'annulation de deux jugements ayant notamment prononcé l'annulation d'un même arrêté et à l'exécution de l'un de ces jugements, présentent à juger de questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les faits et les procédures :

2. La SAS Biogaz La Croix Morin a déposé, le 26 octobre 2018, une demande d'enregistrement au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement pour augmenter la capacité de l'unité de méthanisation qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Courcoué (Indre-et-Loire), au lieu-dit " A... ", à hauteur de 85 tonnes de matières traitées par jour. Par un arrêté du 8 juillet 2019, la préfète d'Indre-et-Loire a enregistré l'augmentation de l'unité de méthanisation demandée. Par un courrier du 25 septembre 2019, l'association Les familles B... a formé un recours hiérarchique tendant au retrait de cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté par la ministre de la transition écologique et solidaire.

3. La SCEA Domaine de la Croix Morin a déposé, le 26 octobre 2018, une demande d'autorisation environnementale pour augmenter l'effectif du cheptel de l'élevage de vaches laitières qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Courcoué (Indre-et-Loire) au lieu-dit " A... ", à hauteur de 680 vaches, pour y créer un hangar de stockage de paille et de fourrage et pour créer et prélever un forage pour l'abreuvement d'une partie des animaux de cet élevage. Par un arrêté du 27 janvier 2020, la préfète d'Indre-et-Loire a autorisé l'augmentation du cheptel à hauteur de 550 vaches ainsi que la création d'un hangar.

4. Par un jugement n° 2000474 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par l'association Les familles B..., a annulé d'une part, la décision implicite de rejet de la ministre de la transition écologique et solidaire du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté du 8 juillet 2019 et, d'autre part, l'arrêté du 27 janvier 2020. Par la requête n° 23VE00703, l'association Les familles B... a demandé à la cour de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du tribunal administratif. Par la requête n° 23VE00070, la SCEA Domaine de la Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin ont fait appel de ce jugement. Par un jugement n° 2001648 du même jour, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par les communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin, a annulé l'arrêté du 27 janvier 2020. Par la requête n° 23VE00071, la SCEA Domaine de la Croix Morin a fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin de désistement :

5. La SCEA Domaine de la Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin, ont par leur mémoire enregistré au greffe de la cour le 31 mai 2024, déclaré se désister de l'instance n° 23VE00070. La SCEA Domaine de la Croix Morin a, par son mémoire enregistré au greffe de la cour le 31 mai 2024, déclaré se désister de l'instance n° 23VE00071. Ces désistements sont purs et simples. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions d'appel présentées par l'association Les familles B... :

6. Après avoir donné acte du désistement des conclusions d'un appel principal, une juridiction, saisie de conclusions d'appel incident, doit soit donner acte du désistement de l'appel incident lorsque l'appelant incident a accepté le désistement de l'appel principal, soit constater l'irrecevabilité de l'appel incident, en particulier s'il a été enregistré au greffe de la juridiction postérieurement à la date d'enregistrement du désistement de l'appel principal, soit statuer au fond sur les conclusions incidentes lorsqu'elles ne sont pas entachées d'irrecevabilité.

7. En premier lieu, l'association Les familles B... soutient que l'article 1er du jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle devant être rectifiée, dès lors qu'il indique que l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire annulé date du 16 janvier 2020 alors qu'il date du 27 janvier 2020. Toutefois, cette erreur, qui est sans incidence sur le sens du jugement, ne peut être corrigée que par la juridiction de première instance ayant rendu ce jugement. Par suite, les conclusions tendant à la rectification de cette erreur ne peuvent qu'être rejetées.

8. En second lieu, dès lors qu'il est donné acte, par le présent arrêt, du désistement des appelants dans les deux instances nos 23VE00070 et 23VE00071, les jugements du tribunal administratif d'Orléans nos 2000474 et 2001648 sont devenus définitifs. Par suite, les conclusions présentées par l'association les familles B... tendant à la confirmation de l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 et de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet de son recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

9. En troisième lieu, lorsque le requérant a formé un recours gracieux ou hiérarchique et exerce un recours contentieux consécutivement à son rejet, il appartient au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé à courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux ou hiérarchique, de conclusions dirigées contre le seul rejet de ce recours administratif, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

10. Les moyens critiquant les vices propres dont la décision de rejet du recours hiérarchique serait entachée ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une requête à fin d'annulation à la fois de la décision initiale et de cette décision du rejet du recours hiérarchique présenté à son encontre.

11. En annulant la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'association Les familles B... tendant au retrait de cet arrêté du 8 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, par son jugement n° 2000424, implicitement mais nécessairement entendu annuler également cet arrêté du 8 juillet 2019. Les conclusions à fin d'annulation ou d'abrogation de cet arrêté sont donc également sans objet.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association Les familles B... dans le cadre de la requête à fin d'exécution :

12. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". L'article R. 921-2 du même code dispose que : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. ".

13. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. Elle peut, en outre, ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 45 000 € par le même acte que celui de mise en demeure ou par un acte distinct. / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / L'autorité administrative peut, à tout moment, afin de garantir la complète exécution des mesures prises en application des deuxième et troisième alinéas du présent I : / 1° Ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 4 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de ces mesures. Elle peut, en sus de l'astreinte, infliger une amende au plus égale à 45 000 €. L'amende et l'astreinte sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. Les deuxième et troisième alinéas du 1° du II de l'article L. 171-8 s'appliquent à l'astreinte ; / 2° Obliger la personne mise en demeure à s'acquitter, entre les mains d'un comptable public, du paiement d'une somme correspondant au montant des travaux ou des opérations à réaliser. Cette somme bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. L'opposition devant le juge administratif à l'état exécutoire pris en application d'une mesure de consignation ordonnée par l'autorité administrative n'a pas de caractère suspensif. / Une fois la somme recouvrée par le comptable public, celui-ci procède à sa consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de déconsignation et les conditions dans lesquelles les sommes consignées sont insaisissables, au sens de l'article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, ainsi que les conditions de leur utilisation en cas d'ouverture d'une procédure collective ; / 3° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations en application du 2° du présent I sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées. / II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. / III.- Sauf en cas d'urgence, et à l'exception de la décision de mise en demeure prévue au premier alinéa du I du présent article, les mesures mentionnées au présent article sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. ".

14. Le juge administratif, saisi de conclusions tendant à l'exécution d'une décision juridictionnelle annulant un arrêté préfectoral pris au titre de la législation sur les installations classées (ICPE), peut, s'il constate que la décision n'est pas exécutée, enjoindre au préfet de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 171-7 du code de l'environnement et de prescrire les mesures tendant à la régularisation ou à la suspension des installations classées.

En ce qui concerne l'exécution de l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 :

15. L'exécution de l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020, autorisant la SCEA Domaine de la Croix Morin à augmenter l'effectif de son cheptel de vaches laitières à hauteur de 550 animaux, prononcée par le jugement du tribunal administratif d'Orléans n° 2000424, implique que cette société réduise son cheptel à 350 animaux au maximum ainsi que l'autorisait le précédent arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 11 octobre 2004, revenu en vigueur par l'effet rétroactif de cette annulation.

16. Il résulte de l'instruction que l'inspection des installations classées a constaté le 17 novembre 2023 que le cheptel de la SCEA Domaine de la Croix Morin s'élevait à 347 vaches laitières. Dans ces conditions, le jugement précité du tribunal administratif d'Orléans, en tant qu'il a annulé l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020, doit être regardé comme ayant reçu exécution.

En ce qui concerne l'exécution de l'annulation de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019 :

17. En annulant la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de l'association Les familles richelaises tendant au retrait de l'arrêté du 8 juillet 2019 enregistrant l'augmentation de la capacité des installations de méthanisation exploitées par la SAS Biogaz La Croix Morin, à hauteur de 85 tonnes de matières traitées par jour, et ce en ne s'appuyant pas sur des vices propres à cette décision mais sur des vices qui entacheraient l'arrêté du 8 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, par son jugement n° 2000424, implicitement mais nécessairement entendu annuler également cet arrêté du 8 juillet 2019, qui constitue la décision administrative initiale. L'exécution de cette annulation implique que la SAS Biogaz La Croix Morin doit se conformer à la capacité de traitement autorisée par le récépissé de déclaration délivré le 4 mai 2011, revenu en vigueur par l'effet rétroactif de cette annulation.

18. Il ne résulte pas de l'instruction que, pour l'exécution du jugement précité du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a annulé l'arrêté du 8 juillet 2019, la SAS Biogaz La Croix Morin ait réduit la capacité de traitement des installations de méthanisation qu'elle exploite, ni que le préfet d'Indre-et-Loire ait pris un nouvel arrêté lui enjoignant de régulariser sa situation sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de mettre en demeure la SAS Biogaz La Croix Morin de régulariser sa situation dans les plus brefs délais, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de procéder à la suspension, dans l'attente, du fonctionnement de l'unité de méthanisation au-delà de la capacité de 30 tonnes par jour.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association Les familles B... et de l'Etat, qui ne sont pas des parties perdantes en appel. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Domaine de la Croix Morin et de la SAS Biogaz la Croix Morin la somme de 3 000 euros à verser à l'association Les familles B... sur ce même fondement. Et il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA Domaine de la Croix Morin la somme globale de 3 000 euros à verser aux communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de la SCEA Domaine de la Croix Morin et de la SAS Biogaz La Croix Morin enregistrée sous le numéro 23VE00070, et de la requête de la SCEA Domaine de la Croix Morin enregistrée sous le numéro 23VE00071.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'association Les familles B..., enregistrées sous le n° 23VE00070, tendant à la confirmation de l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 27 janvier 2020 et de la décision implicite de la ministre de la transition écologique et solidaire de rejet du recours hiérarchique tendant au retrait de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019, ni à celles tendant à l'annulation ou à l'abrogation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 8 juillet 2019.

Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de mettre en demeure la SAS Biogaz La Croix Morin de régulariser sa situation dans les plus brefs délais, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association Les familles B... enregistrées sous le n° 23VE00703 est rejeté.

Article 5 : La SCEA Domaine de la Croix Morin et la SAS Biogaz La Croix Morin verseront à l'association Les familles B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SCEA Domaine de la Croix Morin versera une somme globale de 3 000 euros aux communes de Courcoué et de La Tour Saint-Gelin.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole Domaine de la Croix Morin, à la société par actions simplifiée Biogaz La Croix Morin, à l'association Les familles B..., aux communes de Courcoué et de La Tour-Saint-Gelin, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

B. Even

L'assesseure la plus ancienne,

B. AventinoLa greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

3

2

Nos 23VE00070, 23VE00071, 23VE00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00070
Date de la décision : 12/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : AARPI LEXION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-12;23ve00070 ?
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