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11/07/2024 | FRANCE | N°22VE00583

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, 11 juillet 2024, 22VE00583


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme E... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, " d'annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau ".
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Par un jugement n° 1405907 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, " d'annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau ".

Par un jugement n° 1405907 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 janvier et 23 juin 2017, M. et Mme A..., représentés par Me Lortat-Jacob, avocat, ont demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) d'" annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutenaient que :

- le protocole transactionnel conclu avec la société Viveris le 23 décembre 2008, qui spécifie que les nus-propriétaires ont reçu mandat des usufruitiers pour percevoir le prix, oblige les parties signataires ; l'absence de référence à ce protocole par le procès-verbal de l'assemblée générale du 24 décembre 2008 ne fait pas obstacle à sa force obligatoire ;

- l'acte de donation-partage du 28 octobre 2008 et le protocole adjoint du 15 novembre 2008 prévoient le remploi du produit de la cession des titres démembrés dans l'acquisition des titres de la société APN et Sons, obligeant l'ensemble des parties ; la fiche n° 1 de l'instruction 5 C-1-01, les avis nos 2005-8 et 2005-21 du comité consultatif pour la répression des abus de droit confirment cette analyse ; la différence entre les statuts produits et les statuts constitutifs de la SCI APN et Sons tient à une simple erreur matérielle qui a été corrigée et dont il doit être tenu compte ;

- l'alinéa 2 de l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales permet à leur avocat de présenter une réclamation pour autrui.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Il faisait valoir que :

- la réclamation pour autrui est irrecevable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 17VE00051 du 31 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, imposé, selon le régime applicable aux plus-values de l'article 150-0 A du code général des impôts, la fraction des gains tirés du rachat des actions en vue de leur distribution à des salariés de la société Viveris, imposée par l'administration comme revenus de capitaux mobiliers et, d'autre part, rejeté le surplus de la requête d'appel de M. et Mme A....

Par une décision n° 437247 du 3 mars 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme A..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le même jour sous le n° 22VE00583.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Lortat-Jacob, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2016 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;

3°) d'" annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A... font valoir que :

- ni la date ni la validité du pacte du 15 novembre 2008 ne sauraient être remises en cause ;

- la circonstance que l'accord de remploi du produit de la cession des titres démembrés convenu antérieurement au fait générateur de l'imposition de la plus-value n'aurait été que partiellement exécuté est inopérante ; il suffit qu'une convention ait prévu le remploi du prix de cession antérieurement à la réalisation de celle-ci ;

- ils apportent la preuve de l'existence d'une obligation de remploi du prix de cession avec report du démembrement par la production d'un acte antérieur ou concomitant à la cession ; le remploi des sommes en vue de constituer une société civile immobilière implique nécessairement un report du démembrement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, et une lettre sans observations enregistrée le 6 mai 2022 qui n'a pas fait l'objet de communication, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le pacte adjoint à la donation-partage daté du 15 novembre 2008 n'est pas un acte authentique avec date certaine ;

- à supposer que la cour considérerait que le pacte adjoint à la donation-partage est l'acte authentique avec date certaine du fait générateur du transfert de propriété des titres, l'obligation incontestable du produit n'est pas satisfaite dès lors que le quantum à réinvestir n'est pas précisé ;

- en tout état de cause, la condition de remploi n'a pas été satisfaite conformément au pacte de donation du 15 novembre 2008 ;

- si le pacte prévoit, en cas de décision des donateurs, de céder l'intégralité de leurs titres, l'obligation pour les nus-propriétaires de céder leurs propres droits et de réemployer le produit de cession dans une société à constituer, il ne prévoit aucunement le report du démembrement de propriété sur les titres de la société ainsi souscrits.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, dès lors qu'en application de la décision du conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014, les sommes perçues lors du rachat d'actions intervenu dans le cadre de la réduction de capital non motivée par des pertes de la société Viveris ne sont pas considérées comme des revenus distribués et doivent être imposées selon le régime des plus-values de cession.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision du conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., qui détenaient 70 161 actions de la société Viveris, ont, par acte du 28 octobre 2008, fait donation à leurs trois fils de la nue-propriété de 70 140 de ces actions. Le 6 janvier 2009, les époux A... ont cédé une action détenue en pleine propriété, ainsi que l'usufruit de 36 756 actions de la société Viveris, dans le cadre d'un rachat de titres non motivé par des pertes. Le 5 février suivant, ils ont cédé vingt actions détenues en pleine propriété et l'usufruit de 33 384 actions de la même société, dans le cadre d'un rachat de titres en vue de leur attribution à des salariés. Les trois nus- propriétaires ont concomitamment procédé à la cession de ces parts sociales. A l'issue du contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, M. et Mme A... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à raison, d'une part, de revenus de capitaux mobiliers dégagés lors de la cession du 6 janvier 2009 et, d'autre part, de plus-values de cession de droits sociaux nées lors de l'opération du 5 février 2009. Par un jugement n° 1405907 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge des sommes laissées à leur charge à l'issue de l'admission partielle de leur réclamation préalable. Par un arrêt du 31 octobre 2019 la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, jugé que la fraction des gains tirés du rachat des actions en vue de leur distribution à des salariés de la société Viveris serait imposée entre les mains de M. et Mme A... selon le régime applicable aux plus-values de l'article 150-0 A du code général des impôts, d'autre part, a rejeté le surplus de leur requête d'appel. Le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme A..., a, par une décision du 3 mars 2022, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le même jour sous le n° 22VE00583.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le principe d'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...). "

3. L'imposition de la plus-value constatée à la suite des opérations par lesquelles l'usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales dont la propriété est démembrée procèdent ensemble à la cession de ces parts sociales, se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits. Toutefois, lorsque les parties ont décidé, par les clauses contractuelles en vigueur à la date de la cession, que le droit d'usufruit serait, à la suite de la cession, reporté sur le prix issu de celle-ci, la plus-value est alors intégralement imposée entre les mains de l'usufruitier. Lorsque, en revanche, les parties ont décidé que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l'acquisition d'autres titres dont les revenus reviennent à l'usufruitier, la plus-value réalisée n'est imposable qu'au nom du nu-propriétaire.

4. Pour contester l'imposition, entre leurs mains intégralement, de la plus-value de cession des 70 140 actions dont ils avaient conservé l'usufruit et dont la nue-propriété avait été transférée à leurs enfants par un acte de donation-partage du 28 octobre 2008, M. et Mme A... soutiennent que le protocole transactionnel du 23 décembre 2008 conclu avec la société Viveris spécifie que les nus-propriétaires ont reçu mandat des usufruitiers pour percevoir le prix et que ce protocole fait échec aux clauses du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Viveris du 24 décembre 2008, dont se prévaut l'administration, et selon lesquelles : " L'adoption de ces résolutions vaut enfin pour les actionnaires dont tout ou partie des titres est démembré, mandat irrévocable à l'usufruitier par le nu-propriétaire de percevoir seul le prix de base et l'éventuel complément de prix ; le nu-propriétaire et l'usufruitier déclarant faire leur affaire de la répartition entre eux du prix, de sorte que la société ne soit jamais inquiétée ". Toutefois, ni le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Viveris en date du 24 décembre 2008 actant le rachat des titres ni, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le protocole transactionnel du 23 décembre 2008 conclu par M. A... avec la société Viveris et certains de ses administrateurs pour préparer ce rachat, auxquels les enfants nus-propriétaires n'étaient pas parties, ne comportent de clause de nature à régir les relations entre les usufruitiers et les nus-propriétaires des titres en litige.

5. En second lieu, M. et Mme A... se prévalent du pacte du 15 novembre 2008 adjoint à l'acte de donation par lequel les donateurs et les donataires ont convenu, à l'article 3, qu'en cas de cession intégrale, par M. et Mme A..., de leurs actions de la société Viveris, leurs fils cèderaient simultanément la nue-propriété des actions données, le prix devant être remployé par ces derniers dans une société civile immobilière à constituer avec leurs parents, avec subrogation réelle des droits démembrés sur les parts de cette société. Toutefois, et ainsi que le fait valoir le ministre, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que l'existence d'une obligation de remploi avec report d'usufruit résulterait de ce document, lequel est dépourvu de date certaine en l'absence d'acte authentique le corroborant, et ne peut ainsi être opposé à l'administration fiscale. Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance, postérieure au fait générateur de l'imposition que constitue le transfert de propriété, que le prix de cession des titres aurait été effectivement remployé, M. et Mme A... ne sauraient être regardés comme apportant la preuve, qui leur incombe, de ce qu'un accord de remploi du prix de vente dans l'acquisition de titres avec report d'usufruit sur ces derniers aurait été conclu antérieurement ou concomitamment à la cession des titres, qui constitue le fait générateur de la plus-value. Il s'ensuit que les appelants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que seuls leurs trois enfants étaient imposables, en leur qualité de nu-propriétaire, à raison de la plus-value litigieuse.

6. M. et Mme A... soutiennent toutefois qu'ils n'étaient pas, contrairement à ce que fait valoir l'administration, titulaires d'un quasi-usufruit, et qu'ils ne pouvaient ainsi être imposés à raison de la totalité de la somme perçue. Pour estimer que M. et Mme A... devaient être regardés comme ayant bénéficié du report de leurs droits d'usufruitiers sur le prix de cession et bénéficiaient ainsi d'un quasi-usufruit, l'administration s'est fondée sur le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Viveris en date du 24 décembre 2008 actant le rachat des titres et donnant mandat irrévocable à l'usufruitier par le nu-propriétaire de percevoir seul le prix de base. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, ce document ne saurait toutefois être regardé comme leur ayant attribué des droits de quasi-usufruitiers sur le prix de cession, lesquels ne peuvent résulter que d'un accord des parties. Dans ces conditions, la plus-value résultant de la cession conjointe par le nu-propriétaire et l'usufruitier de leurs droits démembrés respectifs est imposable dans le chef de chacun des titulaires, au prorata de la valeur respective de leurs droits sur le prix de cession. Par suite, l'imposition entre les mains de M. et Mme A... de la plus-value de cession en litige doit donc être limitée à la fraction correspondant à la valeur des droits d'usufruit qu'ils détenaient sur les parts sociales cédées.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) ".

8. M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la fiche n° 1 de l'instruction 5 C-1-01 du 13 juin 2001 relative au démembrement de valeurs mobilières et de droits sociaux, dont les énonciations ne donnent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application dans le présent litige. De même, ils ne peuvent utilement invoquer au soutien de leur requête, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B de ce livre, les avis n° 2005-8 et n° 2005-21 du comité consultatif pour la répression des abus de droit, lesquels concernent un autre contribuable.

En ce qui concerne la catégorie d'imposition des gains tirés du rachat, non motivé par des pertes, des droits des époux A... :

9. Les sommes attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions en vue de leur attribution à des salariés ne sont pas considérées comme des revenus distribués, selon le 6° de l'article 112 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2009. Ces mêmes dispositions énoncent que le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est applicable. En revanche, les sommes attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, non motivé par des pertes, sont considérées comme des revenus distribués en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Elles sont imposées selon les modalités de l'article 161 du code général des impôts et du 8 ter de l'article 150-0 D du même code, dans leurs rédactions applicables.

10. Par une décision n° 2014-404 QPC en date du 20 juin 2014, le Conseil Constitutionnel, après avoir déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 6° de l'article 112 du code général des impôts, aux termes duquel ne sont pas considérées comme revenus distribués " Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable ", au motif qu'elles introduisaient, entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants, pour l'imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, une différence de traitement ne reposant ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat, ni sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi, a décidé de reporter au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution et a prévu, afin de préserver l'effet utile de sa décision, notamment à la solution des instances en cours, que les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat a été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne seraient pas considérées comme des revenus distribués et seraient imposées selon le régime des plus-values de cession prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts.

11. Il est constant que les gains tirés du rachat, non motivé par des pertes, des droits des consorts A..., perçus dans le cadre précité, ont été imposés à tort dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° de l'article 109 du code général des impôts, alors qu'ils auraient dû, en application de la décision précitée du Conseil constitutionnel, faire l'objet d'une taxation selon le régime des plus-values de cession. En l'absence de toute demande de substitution de base légale de l'administration fiscale, les requérants sont donc fondés à obtenir la décharge de la différence entre le montant des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à l'application de ce régime et celui des revenus de capitaux mobiliers appliqué à tort.

Sur les conclusions aux fins de réclamation pour autrui :

12. Les conclusions tendant à ce qu'il soit tenu compte du fait que les sommes en litige ont été imposées entre les mains des trois enfants de G... et Mme A... sont irrecevables dès lors qu'elles concernent des foyers fiscaux distincts de celui des requérants et que ces derniers n'ont pas reçu mandat de leurs enfants pour les représenter. Au surplus, ainsi que le souligne l'administration, la réclamation présentée par M. et Mme A..., en date du 28 octobre 2013, portait sur les seules impositions mises à leur charge à l'exclusion de celles acquittées par MM D... A..., F... A... et B... A.... Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de l'irrecevabilité de ces conclusions.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne leur a pas accordé la réduction des impositions en litige.

Sur les frais de l'instance :

14. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 à concurrence de la fraction excédant l'imposition de la plus-value de cession correspondant à leur part d'usufruitiers.

Article 2 : La fraction des gains tirés du rachat non motivé par des pertes, des actions des époux A..., est imposée entre leurs mains selon le régime applicable aux plus-values de l'article 150-0 A du code général des impôts.

Article 3 : M. et Mme A... sont déchargés de la différence entre le montant des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, à raison de la modification du fondement légal d'une partie des impositions mentionnée à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1405907 du 10 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

I. DanielianLa présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

T. Tollim

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00583
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ve00583 ?
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