Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes, et d'" annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau ".
Par un jugement n° 1405907 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier et 23 juin 2017, M. et Mme B... représentés par la Selarl Cornet-Vincent-Ségurel, prise en la personne de Me Lortat-Jacob, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;
3° d'" annuler en conséquence le rejet de la réclamation pour autrui, au regard de leurs enfants, représentés par avocat régulièrement inscrit au Barreau " ;
4° de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le protocole transactionnel conclu avec la société Viveris oblige les parties signataires ; l'absence de référence à ce protocole par le procès-verbal de l'assemblée générale ne fait pas obstacle à sa force obligatoire ;
- l'acte de donation-partage prévoit le remploi du produit de la cession des titres démembrés dans l'acquisition des titres de la société APN et Sons, obligeant l'ensemble des parties ; la fiche n° 1 de l'instruction 5 C-1-01, les avis nos 2005-8 et 2005-21 du comité consultatif pour la répression des abus de droit confirment cette analyse ; la différence entre les statuts produits et les statuts constitutifs de la SCI APN et Sons tient à une simple erreur matérielle qui a été corrigée et dont il doit être tenu compte ;
- l'alinéa 2 de l'article R. 197-1 du livre des procédures fiscales permet à leur avocat de présenter une réclamation pour autrui.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision du conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... détenaient 70 161 actions de la société Viveris. Par acte notarié du 28 octobre 2008, ils ont fait donation à leurs trois fils de la nue-propriété de 70 140 de ces actions. Par un pacte du 15 novembre 2008, les donateurs et les donataires ont convenu qu'en cas de cession intégrale, par M. et Mme B..., de leurs actions de la société Viveris, leurs fils cèderaient simultanément la nue-propriété des actions données, le prix devant être remployé par ces derniers dans une société civile immobilière à constituer avec leurs parents, avec subrogation réelle des droits démembrés sur les parts de cette société. Le 6 janvier 2009, les époux B... ont cédé 20 actions détenues en pleine propriété, ainsi que l'usufruit de 36 756 actions de la société Viveris, dans le cadre d'un rachat de titres non motivé par des pertes. Le 5 février suivant, ils ont cédé une action détenue en pleine propriété et l'usufruit de 33 384 actions de la même société, dans le cadre d'un rachat de titres en vue de leur attribution à des salariés. A l'issue du contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à raison, d'une part, de revenus de capitaux mobiliers dégagés lors de la cession du 6 janvier 2009, et, d'autre part, de plus-values de cession de droits sociaux nées lors l'opération du 5 février 2009. Par un jugement n° 1405907 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête des intéressés tendant à la décharge des sommes laissées à leur charge à l'issue de l'admission partielle de leur réclamation préalable. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne le principe d'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 578 du code civil : " L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ". En cas de cession simultanée pour un prix commun de titres dont la propriété est démembrée, le prix de cession commun se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf, d'une part, convention contraire des parties pour reporter l'usufruit sur le prix, l'imposition étant alors supportée par le seul quasi-usufruitier, ou d'autre part, remploi du produit de la vente, l'imposition étant alors supportée par le seul nupropriétaire.
3. En premier lieu, M. et Mme B... se prévalent du protocole transactionnel du 23 décembre 2008 conclu entre la société Viveris et M. B..., aux termes duquel, afin de mettre un terme au différend les opposant sur le devenir de l'une des filiales de la société, M. B... et son entourage s'engagent à céder leurs actions. Ce protocole précise les conditions de cette cession, et notamment stipule, en son article 1.1.2, que les usufruitiers donneront mandat aux nus-propriétaires pour percevoir le prix et le répartir entre eux. Les appelants soutiennent que cette stipulation fait obstacle à l'application, à leur situation, des clauses du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Viveris du 24 décembre 2008, selon lesquelles : " L'adoption de ces résolutions vaut enfin pour les actionnaires dont tout ou partie des titres est démembré, mandat irrévocable à l'usufruitier par le nu-propriétaire de percevoir seul le prix de base et l'éventuel complément de prix ; le nu-propriétaire et l'usufruitier déclarant faire leur affaire de la répartition entre eux du prix, de sorte que la société ne soit jamais inquiétée ". Toutefois, en l'absence d'éléments permettant d'établir l'antériorité de ce protocole à la tenue de l'assemblée générale ordinaire, seules les mentions du procès-verbal de cette assemblée font foi. Dans ces conditions, les époux B... ayant eu la disposition de l'intégralité des sommes résultant de la vente des 70 140 actions, c'est à bon droit que ces sommes ont été imposées entre leurs mains.
4. En second lieu, M. et Mme B... soutiennent qu'en application de l'article 3 du pacte du 15 novembre 2008 adjoint à l'acte de donation, leurs fils ont remployé le produit de cession des actions dont ils avaient la nue-propriété au sein de la société Viveris, en l'apportant à la SCI APN et Sons. Toutefois, d'après les statuts enregistrés au service des impôts des entreprises de Garges-lès-Gonesse Centre, ces derniers ont procédé, sur un apport total s'élevant à la somme 1 000 euros, à un apport de 200 euros chacun, en tout état de cause, sans rapport avec la somme de 700 698 euros qu'ils avaient perçue lors des opérations de rachats. Si les appelants font valoir que les statuts ainsi enregistrés comportent une erreur matérielle corrigée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 26 décembre 2013 de la SCI, il résulte, en tout état de cause, de l'article 6 des statuts rectifiés que les fils des appelants ont la nue-propriété de la somme de 999 euros " apportée à la société (et issue) du produit de la cession d'une partie des 70 140 actions de la société Viveris ". Dès lors, et faute pour M. et Mme B... d'établir que le reste de la somme perçue par leurs fils aurait fait l'objet d'un autre remploi dans la société, ces derniers n'ont pas satisfait à l'obligation leur incombant en vertu du pacte susmentionné. Il s'ensuit que les appelants ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'ils ne pouvaient être imposés à raison de la totalité de la somme perçue.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) ".
6. Les instructions référencées 5 C-1-01 du 3 juillet 2001 et 5 I-5-08 du 1er août 2008 ne donnant aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application dans le présent arrêt, les époux B... ne peuvent, en tout état de cause, utilement en opposer les énonciations à l'administration, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, et en tout état de cause, les avis n° 2005-8 et n° 2005-21 du comité consultatif pour la répression des abus de droit ne constituent pas une interprétation administrative de loi fiscale qui serait susceptible, le cas échéant, d'être opposée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B de ce livre.
En ce qui concerne la catégorie d'imposition des gains tirés du rachat, non motivé par des pertes, des droits des consorts B... :
7. Les sommes attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions en vue de leur attribution à des salariés ne sont pas considérées comme des revenus distribués, selon le 6° de l'article 112 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2009. Ces mêmes dispositions énoncent que le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est applicable. En revanche, les sommes attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, non motivé par des pertes, sont considérées comme des revenus distribués du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Elles sont imposées selon les modalités de l'article 161 du code général des impôts et du 8 ter de l'article 150-0 D du même code, dans leurs rédactions applicables.
8. Par une décision n° 2014-404 QPC en date du 20 juin 2014, le Conseil Constitutionnel, après avoir déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 6° de l'article 112 du code général des impôts, aux termes duquel " Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable ", au motif qu'elles introduisaient, entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants, pour l'imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, une différence de traitement ne reposant ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat, ni sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi, et décidé de reporter au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution, a prévu, afin de préserver l'effet utile de sa décision, notamment à la solution des instances en cours, que les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat a été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne seraient pas considérées comme des revenus distribués et seraient imposées selon le régime des plus-values de cession prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts.
9. Il est constant que les gains tirés du rachat, non motivé par des pertes, des droits des consorts B... ont été imposés selon les modalités mentionnées au point 7. En application de la décision précitée du Conseil constitutionnel, ils auraient dû être imposés selon le régime des plus-values de cession. Les requérants sont donc fondés à obtenir la décharge des sommes correspondant à l'application de ce régime.
Sur les conclusions aux fins de réclamation pour autrui :
10. La réclamation préalable déposée par les époux B... portait sur les seules impositions mises à leur charge. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de l'irrecevabilité des conclusions susvisées.
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme B... présentées sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La fraction des gains tirés du rachat des actions des consorts B... en vue de leur distribution à des salariés de la société Viveris, imposée par l'administration comme revenus de capitaux mobiliers est imposée entre les mains de M. et Mme B..., selon le régime applicable aux plus-values de l'article 150-0 A du code général des impôts.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés de la différence entre le montant des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, à raison des gains mentionnés à l'article 1er, et celui résultant de l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1405907 du 10 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
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N° 17VE00051