Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2300839 du 9 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 5 avril et 25 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Lisita, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, en ce qui concerne l'ensemble des décisions qu'il contient ;
- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet des conclusions de la requête d'appel et fait valoir que les moyens invoqués par M. A... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Troalen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 11 avril 1988, relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui justifie de sa présence en France depuis la fin de l'année 2017, s'est marié le 26 janvier 2019 à Bruyères-sur-Oise avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable du 19 juin 2015 au 18 juin 2025, avec laquelle il a eu deux enfants nés en France, le 29 mai 2018 et le 29 juin 2020. Les intéressés sont titulaires d'un logement à leur nom depuis le mois de septembre 2019. En outre, M. A..., qui a travaillé de façon discontinue depuis l'année 2018, s'investit bénévolement dans un club de football depuis le mois de septembre 2020. Ainsi, eu égard à la durée de la présence en France de M. A..., et à l'intensité et à la durée de ses liens familiaux en France, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions refusant à l'intéressé un délai de départ volontaire et lui interdisant de retourner sur le territoire français sont, par voie de conséquence, également illégales.
4. M. A... est donc fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Hauts-de-Seine réexamine la situation au regard du séjour de M. A.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300839 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 janvier 2023 est annulé.
Article 3 : Le préfet des Hauts-de-Seine réexaminera la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
E. TROALENLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE00702