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02/07/2024 | FRANCE | N°22VE01835

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 02 juillet 2024, 22VE01835


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a mis en demeure les personnes stationnées sur le terrain situé chemin des Abbesses, rue de l'Ouye à Dourdan (91410) de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures.



Par un jugement n° 2205670 du 26 juillet 2022 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa deman

de.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a mis en demeure les personnes stationnées sur le terrain situé chemin des Abbesses, rue de l'Ouye à Dourdan (91410) de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures.

Par un jugement n° 2205670 du 26 juillet 2022 la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 juillet 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, dès lors, d'une part, que le mémoire en défense du préfet lui a été communiqué au cours de l'audience publique, trois minutes avant que la clôture de l'instruction ne soit prononcée, d'autre part, qu'il est fondé sur un arrêté de délégation de signature publié dans un recueil qui n'a pas été versé au dossier ;

- il est irrégulier, dès lors qu'il se fonde sur un mémoire en défense signé par une personne dont la qualité pour représenter le préfet n'est pas justifiée ;

- il est encore irrégulier, faute pour le tribunal d'avoir statué sur le moyen tiré de ce que la mesure attaquée ne pouvait être prise en l'absence d'arrêté interdisant le stationnement des gens du voyage sur le territoire de la commune de Dourdan en dehors des aires aménagées émanant du président de la communauté de communes à laquelle appartient cette commune ou d'arrêté du maire de la commune de Dourdan portant opposition au transfert de la compétence en matière de réalisation des aires d'accueil des gens du voyage ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que la première juge a estimé que le préfet avait été saisi d'une demande de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, au sens des dispositions du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit, en l'absence d'arrêté interdisant le stationnement des gens du voyage sur le territoire de la commune de Dourdan en dehors des aires aménagées émanant du président de la communauté de communes à laquelle appartient cette commune ou d'arrêté du maire de la commune de Dourdan portant opposition au transfert de la compétence en matière de réalisation des aires d'accueil des gens du voyage ;

- c'est également à tort que la première juge a estimé que le stationnement de son groupe est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

Le préfet de l'Essonne, qui a été mis en demeure de produire des observations en défense, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 20 octobre 2022, n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 24 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 juillet 2022 pris sur le fondement des dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, le préfet de l'Essonne a mis en demeure les personnes stationnées sur le terrain situé chemin des Abbesses, rue de l'Ouye à Dourdan (91410) de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures. M. B... relève appel du jugement du 26 juillet 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 juillet 2022 :

2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 : " I.- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie. (...) 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil (...). / (...) II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I (...), le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques / (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " I. A (...) Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences. (...) / II. - Lorsque le président de l'établissement public de coopération intercommunale prend un arrêté de police dans les cas prévus au I du présent article, il le transmet pour information aux maires des communes concernées dans les meilleurs délais. A la date du transfert des pouvoirs mentionnés au I, le président de l'établissement public de coopération intercommunale est substitué aux maires concernés dans tous les actes relevant des pouvoirs transférés. / III. - Dans un délai de six mois suivant la date à laquelle les compétences mentionnées au A du I ont été transférées à l'établissement ou au groupement, un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition (...) ".

4. Il est constant que la commune de Dourdan est membre de la communauté de communes du Dourdannais en Hurepoix et que cet établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage. Il n'est pas allégué par le préfet que le maire de la commune de Dourdan se serait opposé au transfert à cette communauté de communes des pouvoirs de police dans ce domaine, dans les conditions prévues par le III de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Le président de la communauté de communes du Dourdannais en Hurepoix étant dès lors substitué au maire de la commune de Dourdan dans ce domaine, le maire de la commune de Dourdan n'était pas compétent pour interdire, par l'arrêté du 15 septembre 2021 produit en première instance ou par l'arrêté du 31 août 2007 visé dans l'arrêté attaqué, le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage sur l'ensemble du territoire de la commune en dehors de l'aire dédiée à l'accueil des gens du voyage. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait mettre en demeure les personnes de son groupe de quitter les lieux en l'absence d'un arrêté du président de la communauté de communes du Dourdannais en Hurepoix interdisant le stationnement des résidences mobiles des gens du voyages en dehors des aires aménagées sans méconnaître les dispositions du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2022.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205670 du tribunal administratif de Versailles du 26 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 22 juillet 2022 du préfet de l'Essonne est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22VE01835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01835
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-03 Police. - Polices spéciales. - Police des gens du voyage.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET ARVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22ve01835 ?
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