Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... et la société Audit LDC ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération n° 6 du 22 novembre 2019, par laquelle le conseil communautaire de la communauté des communes giennoises a autorisé la cession des parcelles cadastrées BR n° 31 et n° 32, situées sur le territoire de la commune de Gien, à l'association dénommée " Valorisons Nos Ressources " et de mettre à la charge de la communauté des communes giennoises la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000990 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 septembre 2022, le 7 octobre 2022 et le 20 octobre 2023, M. A... B... et la société Audit LDC, représentés par Me Mattiussi-Poux puis par Me Wolock, avocats, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'enjoindre avant dire-droit au président de la communauté des communes giennoises (CDCG) de communiquer les documents suivants nécessaires à la solution du litige : la déclaration de sinistre et le rapport d'expertise de la compagnie d'assurance GMF, la demande effectuée auprès du comptable public sur l'octroi d'un prêt sans intérêt à l'acquéreur et la réponse obtenue, ainsi que la liste des actions menées par la CDCG annoncées dans la délibération du 22 novembre 2019, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cette délibération ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit et commettre un expert avec pour mission de déterminer le montant des coûts pris en charge dans l'opération d'achat-revente réalisée par la communauté de communes sur les immeubles en cause ;
5°) et de mettre à la charge de la communauté des communes giennoises le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'erreurs d'appréciation ;
- la délibération en litige méconnait l'article L. 5211-37 du code général des collectivités territoriales dès lors que l'avis de France domaine n'a pas été préalablement soumis aux conseillers communautaires ;
- elle méconnait l'article L. 5211-1 du même code dès lors que les conseillers communautaires ont été insuffisamment informés des conditions essentielles à la vente du terrain et que la note de synthèse qui leur a été transmise était insuffisante ;
- la vente a eu lieu à un prix inférieur à la valeur du bien vendu dès lors que les éléments du dossier ne permettent pas d'apprécier que la vente n'a pas eu lieu à vil prix ;
- la cession n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général et n'est assortie d'aucune contrepartie justifiant une vente à vil prix.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 avril 2023 et le 2 février 2024, la communauté des communes giennoises, représentée par Maître Benjamin, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de M. B... et de la société Audit LDC la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Diallo-Le Camus, pour la communauté des communes giennoises.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté des communes giennoises est propriétaire de deux parcelles, cadastrées BR 31 et 32 d'une superficie de 6370 m², situées rue de la Bosserie, lieu-dit " Vallée du Buisson ", à Gien, sur lesquelles est édifié un bâtiment anciennement à usage commercial. Le conseil communautaire de la communauté des communes giennoises a, par une délibération du 22 novembre 2019, autorisé la cession de ces parcelles à l'association " Valorisons Nos Ressources ". M. B... et la société Audit LDC demandent à la Cour d'annuler le jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a refusé de faire droit à leurs conclusions à fin d'annulation de cette délibération.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur d'appréciation s'agissant de la transmission de l'avis du service des domaines et d'une erreur manifeste d'appréciation sur le caractère suffisant des informations fournies aux conseillers communautaires, qui relèvent du fond du litige, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-37 du code général des collectivités territoriales : " (...) Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers envisagée par un établissement public de coopération intercommunale donne lieu à délibération (...). La délibération est prise au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'État. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de cette autorité. (...). ".
4. Si ces dispositions n'imposent pas que le document lui-même établi par le service des domaines soit remis aux membres du conseil municipal avant la séance sous peine d'irrégularité de la procédure d'adoption de cette délibération, la teneur de cet avis doit en revanche, préalablement à la séance du conseil municipal durant laquelle la délibération relative à la décision de cession doit être prise, être portée utilement à la connaissance de ses membres, notamment par la note de synthèse jointe à la convocation qui leur est adressée.
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. La consultation de l'autorité compétente de l'Etat prévue par les dispositions précitées de l'article L. 5211-37 du code général des collectivités territoriales préalablement à la délibération de l'établissement public de coopération intercommunale portant sur la cession d'un immeuble ou de droits réels immobiliers ne présente pas le caractère d'une garantie. Il appartient en revanche au juge saisi d'une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée.
7. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers communautaires de la communauté des communes giennoises ont été destinataires, avant la réunion du conseil communautaire du 22 novembre 2019, d'une note de synthèse présentant les objectifs et le contexte de la cession inscrite à l'ordre du jour de cette séance. Si cette note faisait état d'un prix de vente envisagé de 276 000 euros hors taxe, et indiquait que les démarches obligatoires auprès des services de la direction de l'immobilier de l'Etat pour obtenir la valeur foncière de ce bien ont été réalisées, il est constant que ni l'avis rendu le 15 novembre 2019, ni la teneur de cet avis n'ont été communiqués aux élus. Dans ces conditions, la procédure ne satisfait pas aux exigences des dispositions de l'article L. 5211-37 du code général des collectivités territoriales citées au point 3. Toutefois, cette absence d'information sur la teneur de l'avis de la direction de l'immobilier de l'Etat, qui ne constituait pas une garantie pour les conseillers communautaires, n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas eu d'influence sur le sens de la décision prise, le prix retenu par le conseil communautaire étant supérieur à celui estimé par cette direction.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) ". L'article L. 2121-13 de ce code prévoit en outre : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". Enfin, aux termes de L. 5211-37 de ce code : " (...) Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers envisagée par un établissement public de coopération intercommunale donne lieu à délibération motivée de l'organe délibérant portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que le président du conseil communautaire est tenu de communiquer aux membres du conseil communautaire les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la communauté de communes, soumises à leur délibération. La convocation des élus doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points à l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le président du conseil n'ait fait parvenir aux membres de ce conseil, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de la solliciter, conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
10. Il ressort des pièces du dossier que la note mentionnée au point 7 rappelle le contexte de la première tentative de vente du bien, qui n'a pas abouti, et le but poursuivi par la communauté de communes, dans le cadre de sa compétence en matière de développement économique, de soutien d'un projet d'économie sociale et solidaire. Les caractéristiques, la localisation et le coût d'achat de ce bien sont rappelés, ainsi que les informations sur l'acquéreur envisagé, sur son projet de valorisation du bien cédé, sur le prix de vente, les modalités de paiement consenties par la communauté des communes giennoises et les frais, droits et taxes pris en charge par le vendeur. Si cette note ne fait pas état du montant estimé des travaux de remise en état du bien, suite aux dégradations dont il a été l'objet, que la communauté de communes s'engage à prendre en charge, elle comporte des éléments permettant d'apprécier le montant estimé de ces travaux lesquels sont détaillées comme devant permettre de rétablir le " clos et le couvert " " dans la limite de la couverture garantie par la police d'assurance " ainsi que " le nettoyage des locaux ". Dans ces conditions, et alors que le président de la communauté de communes n'était pas tenu de communiquer aux conseillers communautaires une justification détaillée du bien-fondé de la proposition de cession qui leur a été soumise et qu'il était loisible à ces derniers de solliciter des informations complémentaires, l'information donnée aux conseillers communautaires était suffisante pour leur permettre de se prononcer utilement et satisfaisait, dès lors, aux exigences prévues par les articles précités du code général des collectivités territoriales.
11. En troisième lieu, la cession par une collectivité publique d'un bien immobilier à des personnes privées pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d'illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d'intérêt général. Si tel est le cas, il lui appartient ensuite d'identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c'est-à-dire les avantages que, eu égard à l'ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s'assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité. Il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé.
12. Il ressort de l'avis de la direction immobilière de l'Etat établi le 19 novembre 2019 que la valeur du bien en litige était estimée à 185 000 euros hors taxe. Le prix de cession envisagé dans la délibération litigieuse s'élève à 276 000 euros hors taxe, soit un prix supérieur de 91 000 euros à la valeur vénale estimée. Si les requérants soutiennent que les travaux de réhabilitation de l'immeuble cédé, concernant notamment le clos et le couvert, ont été réalisés aux frais de la communauté de communes, que les frais de notaire et autres frais et taxes étaient également mis à sa charge et que la communauté des communes giennoises a consenti un avantage à l'association acheteuse en prévoyant un paiement échelonné du prix de cession à hauteur de 1 533,33 euros pendant une durée de quinze ans avec versement de la première échéance deux ans après la date de cession, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dépenses et avantages auraient eu pour effet d'augmenter la valeur vénale du bien à un prix supérieur au prix de cession. Ainsi, le bien en litige n'a pas été cédé par la communauté des communes giennoises à un prix inférieur à sa valeur. En tout état de cause, à supposer même que cela soit le cas, d'une part, les avantages précités consentis par la communauté de communes, lesquels peuvent être pour partie atténués par l'insertion d'une clause prévoyant la réintégration du bien dans le patrimoine de la communauté de communes en cas de défaut de paiement de trois échéances consécutives, trouvent leur contrepartie suffisante dans l'intérêt général que présente l'opération dès lors que celle-ci a pour but de valoriser un bâtiment en état de friche commerciale et de permettre le développement d'un projet sur le long terme, au minimum 15 années, en lien avec l'économie sociale et solidaire.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire avant-dire droit une mesure d'instruction ni d'ordonner une expertise, que M. B... et la société Audit LDC ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté des communes giennoises, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... et la société Audit LDC demandent à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 2 000 euros à verser à la communauté des communes giennoises, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et de la société Audit LDC est rejetée.
Article 2 : M. B... et la société Audit LDC verseront solidairement une somme de 2 000 euros à la communauté des communes giennoises en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Audit LDC et à la communauté des communes giennoises
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
B. AVENTINOLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22VE02250