Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Issy-les-Moulineaux et son mandataire, la société Seine Ouest Aménagement, ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner in solidum les sociétés Mikou Design Studio, Intégrale 4 et Sletec Ingénierie à verser à la commune la somme de 240 287,12 euros HT en réparation des préjudices occasionnés lors de leur mission de maîtrise d'œuvre et de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 4 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1712212 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné les sociétés Mikou Design Studio, Intégrale 4 et Sletec Ingénierie à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme de 221 569,12 euros HT, a mis à la charge de ces sociétés la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 11 avril 2021, 7 février 2024 et 1er avril 2024, les sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4, représentées par Me Megherbi, avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il les a condamnées à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme de 221 569,12 euros HT et a mis à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Issy-les-Moulineaux devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme de 5 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ne sauraient se voir opposer les termes de la sentence arbitrale du 15 septembre 2016 dès lors qu'elles n'ont pas participé à cette procédure d'arbitrage et n'y ont assisté qu'en tant que conseil de la commune, et non comme parties ; en fondant son jugement sur la procédure d'arbitrage, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; l'action de la commune d'Issy-les-Moulineaux est la conséquence directe de la sentence arbitrale ; la sentence arbitrale ne saurait lier les juridictions ;
- l'entreprise ETPO ne peut se prévaloir d'un bouleversement de l'économie du contrat et n'a, ainsi, pas droit à l'indemnisation de travaux supplémentaires ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a exclu la notion de marché à forfait ;
- aucune faute contractuelle ne peut leur être reprochée dès lors que le dépassement des coûts est resté inférieur au seuil de tolérance de 3 % prévu par les stipulations contractuelles ; le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et de droit à cet égard ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en l'absence de toute faute contractuelle de la maîtrise d'œuvre et de surcoûts nets à la charge de la maîtrise d'ouvrage ; le montant des réclamation ne représente que 1,61 % du montant du marché global ;
- chacune des prestations réalisées a été soumise à l'approbation du maître d'ouvrage et de son mandataire ;
- aucune faute de conception de la maîtrise d'œuvre ne peut être relevée s'agissant du choix du béton architectonique dès lors que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) mentionne l'adjonction de pigments de coloration, notamment de couleur bleue, et laisse au maître d'œuvre le soin de choisir la couleur ;
- le rattrapage de pente résulte d'un défaut de synthèse de la part de la société ETPO et non d'une erreur de conception du maître d'œuvre ;
- la pose d'une seconde couche de dalles pour répondre à l'esthétique souhaitée par le maître d'œuvre relève de la société ETPO qui a insuffisamment analysé les stipulations contractuelles qui lui étaient applicables ;
- aucune erreur de conception ne peut être imputée à la maîtrise d'œuvre s'agissant du revêtement du bassin d'apprentissage ;
- à supposer que la maîtrise d'œuvre ait commis une faute, il n'en est résulté aucun surcoût pour la commune ; le jugement est ainsi entaché d'une erreur de droit en ce qu'il permet un enrichissement sans cause de la commune ;
- les moyens tirés de ce que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté l'appel en garantie formé à l'encontre du maître d'ouvrage délégué sont abandonnés ;
- aucune faute de la maîtrise d'œuvre ne peut être relevée s'agissant de la réalisation des faux-plafonds pour un montant de 18 718 euros HT ; aucun surcoût net ne peut être identifié à cet égard.
Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 3 février 2022, 29 février 2024 et 19 avril 2024, la commune d'Issy-les-Moulineaux et la société publique locale (SPL) Seine Ouest Aménagement, représentées par Me Bodin, avocat, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leur demande de condamnation des sociétés requérantes à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme supplémentaire de 18 718 euros HT ;
3°) de condamner les sociétés requérantes à verser cette somme de 18 718 euros HT à la commune d'Issy-les-Moulineaux ;
4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 6 000 euros à verser à chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- aucune responsabilité fautive du maître d'ouvrage délégué ne peut être retenue ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a exclu le poste de préjudice relatif à la modification des bords des dalles de faux-plafonds et la création d'un plafond non-démontable à hauteur de 18 718 euros HT dès lors que la pose de ces faux-plafonds vise à compenser une exécution non-conforme par l'entreprise ETPO et résulte ainsi d'un mauvais suivi de l'exécution des travaux par la maîtrise d'œuvre ; la maîtrise d'œuvre aurait dû appliquer une réfaction sur ce défaut d'exécution par l'entreprise ETPO ;
- si la maîtrise d'œuvre avait correctement exécuté sa mission de suivi, il n'en serait pas résulté un surcoût net de 18 718 euros HT pour la maîtrise d'ouvrage ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Azerou pour la commune d'Issy-les-Moulineaux et la société publique locale Seine Ouest Aménagement.
Considérant ce qui suit :
1. Les sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4 font appel du jugement du 11 février 2021 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise les a condamnées à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme totale de 221 569,12 euros hors taxe (HT) au titre des travaux supplémentaires réalisés dans le cadre des travaux d'aménagement d'une piscine dans l'enceinte du " Fort d'Issy " et a mis à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Issy-les-Moulineaux demande à la cour de réformer ce jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des sociétés requérantes à lui verser la somme de 18 718 euros HT au titre des travaux supplémentaires liés à la pose de faux plafonds dans les vestiaires et sanitaires.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérantes ne peuvent donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, les sociétés appelantes soutiennent qu'en fondant son jugement sur la sentence arbitrale rendue le 15 septembre 2016, le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors qu'elles ne sauraient se voir opposer cette sentence faute d'avoir été parties à la procédure d'arbitrage qui ne concernait que le règlement d'un différend entre la commune d'Issy-les-Moulineaux, maître d'ouvrage, et l'entreprise de travaux ETPO, au sujet du règlement des travaux supplémentaires. Toutefois, pour les motifs rappelés au point précédent, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir d'une telle erreur de droit. Au demeurant, il ne résulte ni de l'instruction, ni du jugement attaqué, que l'action introduite par la commune d'Issy-les-Moulineaux devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait eu pour objet de faire appliquer aux sociétés appelantes la sentence arbitrale du 15 septembre 2016, la commune ayant uniquement entendu se fonder sur les stipulations contractuelles l'unissant à ces sociétés pour solliciter leur condamnation à lui verser la somme de 240 287,12 euros HT eu égard aux préjudices résultant pour elle de certains manquements à leurs obligations contractuelles.
4. Enfin, à supposer que les sociétés requérantes soulèvent un moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et de la violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que le tribunal administratif se serait fondé sur cette sentence arbitrale, il ne résulte pas des termes du jugement attaqué que les juges de première instance se seraient bornés à transposer le contenu de cette sentence arbitrale au présent litige. Au contraire, il ressort du jugement attaqué, notamment son point 14, que le tribunal administratif a uniquement accepté, conformément à son office, de porter une appréciation sur le caractère probant des conclusions factuelles et techniques de l'arbitre au vu de l'ensemble des autres éléments de l'instruction. Dans ces conditions, les sociétés requérantes, qui ont participé comme conseil technique de la commune à la procédure d'arbitrage, et pouvaient produire, devant le tribunal administratif, toutes pièces ou éléments de preuve de nature à contredire les constatations techniques de l'arbitre, ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué méconnaîtrait le principe du contradictoire et les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Au fond :
5. Même dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, l'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires s'ils ont été prescrits par ordre de service ou s'ils sont indispensables à la réalisation d'un ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. Toutefois, le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à engager la responsabilité de ce dernier. Il en va ainsi lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n'est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d'une mauvaise évaluation initiale par le maître d'œuvre, et qu'il établit qu'il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s'il en avait été avisé en temps utile. Il en va de même lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.
S'agissant du principe de la responsabilité des sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4 :
6. En premier lieu, si les requérantes soutiennent qu'en l'absence de bouleversement de l'économie du marché, l'entreprise de travaux n'est pas fondée à demander le paiement des travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la demande de la commune d'Issy-les-Moulineaux dirigée à leur encontre dès lors que la demande résultait non pas de sujétions imprévues mais de travaux prévus par ordre de service ou de travaux indispensables à l'exécution de l'ouvrage dans les règles de l'art.
7. En second lieu, selon l'article 9 du cahier des clauses particulières du marché conclu avec le groupement de maîtrise d'œuvre : " " 9.1. Coût de réalisation des travaux / Le maître d'œuvre s'engage sur un coût de réalisation des travaux. Celui-ci est le coût qui résulte des marchés de travaux passés par le maître de l'ouvrage pour la réalisation du projet. Il est égal à la somme des montants initiaux des marchés de travaux. / Le coût de réalisation est notifié par le maître d'ouvrage délégué au maître d'œuvre. Ce dernier s'engage à le faire respecter. (...) / 9.3. Tolérance sur le coût de réalisation des travaux / Le coût de réalisation des travaux est assorti d'un taux de tolérance. Ce taux de tolérance est de 3,00%. / 9.4. Seuil de tolérance sur le coût de réalisation des travaux / Le seuil de tolérance est égal au coût de réalisation des travaux majoré du produit de ce coût par le taux de tolérance indiqué ci-dessus. / 9.5. Non respect du seuil de tolérance / Le coût constaté déterminé par le maître d'ouvrage après achèvement de l'ouvrage est le montant, en prix de base, des travaux réellement exécutés dans le cadre des contrats, marchés, avenants, commandes hors marchés intervenus pour la réalisation de l'ouvrage et hors révisions de prix. / Si le coût constaté est supérieur au seuil de tolérance tel que défini ci-dessus, il sera procédé comme suit : / - Si le coût constaté à l'issue des opérations de réception définitive de l'ensemble des travaux est compris dans une fourchette allant entre -5% et +5% par rapport au seuil de tolérance, la rémunération du Maître d'œuvre reste identique. / - Si le coût constaté à l'issue des opérations de réception définitive de l'ensemble des travaux est supérieur de plus de 5% au seuil de tolérance et sous réserve que cet écart est justifiable et justifié, notamment par des demandes supplémentaires du Maître d'ouvrage délégué, le Maître d'œuvre et le Maître d'ouvrage délégué négocieront le montant de la réévaluation de sa rémunération. (...) / - En revanche, si l'écart est imputable au seul maître d'œuvre et est dû aux carences de ce dernier notamment dans le suivi de l'exécution des travaux, il sera procédé à une réévaluation de la rémunération du maître d'œuvre via une négociation entre les deux parties au contrat. (...) ".
8. Les requérantes soutiennent que dès lors que les surcoûts en litige restent dans la limite du taux de tolérance défini par les stipulations précitées, le maître d'ouvrage n'est pas fondé à en demander l'indemnisation. Toutefois, il résulte de ces stipulations que la notion de taux de tolérance, qui est destinée à déterminer la rémunération des maîtres d'œuvre, n'a pas vocation à couvrir le préjudice résultant pour le maître d'ouvrage des dépassements de prix constatés lors de l'exécution du marché. Par suite, ce moyen doit être écarté.
S'agissant des travaux supplémentaires :
9. Selon l'article 5 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, dans sa version alors en vigueur : " Les études de projet ont pour objet : / a) De préciser par des plans, coupes et élévations, les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre ; / b) De déterminer l'implantation, et l'encombrement de tous les éléments de structure et de tous les équipements techniques ; / c) De préciser les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides ; / d) D'établir un coût prévisionnel des travaux décomposés par corps d'état, sur la base d'un avant-métré ; / e) De permettre au maître de l'ouvrage, au regard de cette évaluation, d'arrêter le coût prévisionnel de la réalisation de l'ouvrage et, par ailleurs, d'estimer les coûts de son exploitation ; / f) De déterminer le délai global de réalisation de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 3.3 du cahier des clauses particulières : " La mission de maîtrise d'œuvre est constituée des éléments suivants : / - Esquisse (ESQ) ; / - Avant-projet sommaire (APS) ; / - Avant-projet définitif (APD) ; / - Projet (PRO) ; / - Assistance aux contrats de travaux (ACT) ; / - Visa avec synthèse architecturale (VISA) ; / - Direction de l'exécution des travaux (DET) ; / - Assistance lors des opérations de réception et garantie de parfait achèvement (AOR) ; (...) ". Selon l'article 3.3.4 de ce même cahier : " (...) Le maître d'œuvre est chargé notamment de la constitution du dossier de consultation des entreprises, sur la base de l'APD approuvé par le maître d'ouvrage. A ce titre : / - il établit les documents graphiques ; / - il établit les pièces écrites du dossier et notamment le devis descriptif tous corps d'état ; / - il rassemble les autres documents nécessaires à la constitution du dossier. (...) / Ces documents, et notamment le devis descriptif, doivent être suffisamment précis et détaillés ne donner lieu à aucune erreur d'interprétation et comporter les énumérations complètes définissant la totalité des ouvrages ainsi que l'obligation de résultat pour l'obtention éventuelle des différents labels demandés par le maître d'ouvrage ". Selon l'article 3.3.6 de ce cahier des charges : " Visa (VISA) / Le maître d'œuvre fait procéder par la (ou les) entreprise(s) titulaire(s) du (des) marché(s) de travaux aux études d'exécution afin que la phase DET soit menée conformément au cahier des charges défini par le présent contrat. / (...) Le maître d'œuvre dirige et contrôle les études d'exécution des entreprises puis assurer la direction des travaux en phase DET. / A ce titre, il réalise la phase VISA consistant à donner son accord et à viser les plans et documents techniques élaborés par l'entreprise titulaire du marché. Le fait de viser les plans d'exécution réalisés par l'entreprise rend le maître d'œuvre responsable solidairement avec l'entreprise de leur conception et du suivi d'exécution. (...) ".
10. En premier lieu, les requérantes soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif les a condamnées à verser la somme de 34 131,60 euros HT au titre du surcoût lié au choix d'un béton architectonique de teinte bleu cobalt. Il résulte de l'instruction que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n°1 prévoyait un béton teinté avec un choix possible entre trois couleurs, sur la base d'un ciment gris et d'un dosage compris entre 30 et 60 kg / m3. Le maître d'œuvre a retenu la couleur bleu cobalt, ce choix étant le plus onéreux, sur la base d'un ciment blanc afin de permettre un rendu plus clair, ce qui, malgré une réduction du dosage à 1,8 kg/m3, a provoqué un surcoût estimé à 34 131,60 euros HT. Si les requérantes soutiennent que cette augmentation de prix était prévue par le CCTP dès lors que ce dernier prévoyait un dosage surévalué afin d'absorber toute éventuelle hausse de prix, ce point n'était pas clairement explicité par le CCTP et a ainsi pu ne pas être compris par l'entreprise titulaire du lot. Dans ces conditions, le maître d'œuvre, en rédigeant un CCTP peu explicite et en modifiant ensuite les conditions d'exécution, notamment en prévoyant une base de ciment blanc plutôt que la base de ciment gris prévue par les stipulations contractuelles, a méconnu ses obligations au titre de la conception et du suivi des travaux. Il résulte de l'instruction qu'il en est résulté un surcoût évalué à 34 131,60 euros HT qui n'aurait pas eu lieu en l'absence de toute faute du maître d'œuvre. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné les sociétés requérantes à verser cette somme à la commune d'Issy-les-Moulineaux.
11. En deuxième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif les a condamnées à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux la somme de 180 737,52 euros HT au titre du surcoût lié au rattrapage de pente et au cheminement en toiture. Il résulte du CCTP du lot n°3 qu'il existait un écart de pente entre l'ossature de la terrasse et le platelage de protection, ce dernier n'étant pas explicité ou précisé par les autres documents contractuels dès lors que ni les pièces écrites, ni les documents graphiques ne faisaient expressément apparaître la nécessité de prévoir un rattrapage du différentiel de pente. En outre, il résulte de l'instruction que la proposition du maître d'œuvre s'agissant du cheminement en platelage en bois a fait l'objet d'un avis négatif du contrôleur technique en raison de son incompatibilité avec les DTU 43.1 et 51.4, ce qui impliquait, comme le relève expressément la maîtrise d'œuvre dans les pièces contractuelles, de modifier l'article 2.5.2 du CCTP. Néanmoins, aucune modification de cet article, ni aucune autre solution n'a été proposée par le maître d'œuvre. Dans ces conditions, le maître d'œuvre a commis plusieurs fautes dans la conception de l'ouvrage qui sont de nature à engager sa responsabilité. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont condamné les sociétés requérantes à verser, à la commune d'Issy-les-Moulineaux, la somme de 180 737,52 euros HT qui correspond aux travaux supplémentaires réalisés pour réparer les erreurs de conception du maître d'œuvre.
12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre a demandé, en cours d'exécution du chantier, le carrelage intégral du fond de bassin. Si les sociétés requérantes soutiennent que cette demande pouvait être satisfaite sans coût supplémentaire en supprimant le carrelage prévu sous les podiums du solarium, il résulte de l'instruction, et notamment des documents graphiques du marché, que les pièces contractuelles ne prévoyaient pas expressément, ni implicitement, la réalisation d'un carrelage sous le podium en bois du solarium. Par conséquent, l'entreprise titulaire du lot n'a pu, sur la base des documents contractuels, prévoir un volume de carrelage suffisant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les juges de première instance ont estimé que ces travaux résultaient d'une faute de conception du maître d'œuvre et que le maître d'ouvrage était fondé à demander à être indemnisé du surcoût en résultant, évalué à 6 700 euros HT.
13. En dernier lieu, si les sociétés requérantes soutiennent que le remboursement des travaux supplémentaires en litige aboutirait à un enrichissement sans cause de la commune d'Issy-les-Moulineaux, il résulte de l'instruction que ces travaux, qui étaient nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, résultent d'une faute contractuelle de la maîtrise d'œuvre. Par suite, ce moyen doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise les a condamnées à verser la somme de 221 569,12 euros HT à la commune d'Issy-les-Moulineaux.
Sur l'appel incident de la commune d'Issy-les-Moulineaux :
15. La commune d'Issy-les-Moulineaux et la société publique locale Seine Ouest Aménagement soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la condamnation des sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4 à verser à la commune la somme de 18 718 euros HT au titre de la réalisation des faux plafonds dans les vestiaires et sanitaires. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces faux-plafonds, s'ils résultent d'un défaut d'exécution des réseaux au plafond par l'entreprise, n'étaient pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art dès lors qu'ils visent à couvrir des réseaux circulants seulement inesthétiques, sans conséquences pour la structure ou le fonctionnement de l'ouvrage, et n'ont pas été prescrits par ordre de service. Par suite, les conclusions d'appel incident de la commune d'Issy-les-Moulineaux doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Issy-les-Moulineaux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les sociétés requérantes demandent à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Mikou Design Studio, la société Sletec Ingénierie et la société Intégrale 4 la somme de 700 euros chacune à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux sur le fondement des mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société publique locale Seine Ouest Aménagement tendant à l'application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune d'Issy-les-Moulineaux et de la société publique locale Seine Ouest Aménagement sont rejetées.
Article 3 : Les sociétés Mikou Design Studio, Sletec Ingénierie et Intégrale 4 verseront, chacune, la somme de 700 euros à la commune d'Issy-les-Moulineaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société publique locale Seine Ouest Aménagement tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mikou Design Studio, à la société Sletec Ingénierie, à la société Intégrale 4, à la commune d'Issy-les-Moulineaux et à la société publique locale Seine Ouest Aménagement.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
S. HoullierLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE01026