Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... et Mme F... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 23 mars 2022, par lesquels le préfet du Val-d'Oise a rejeté leurs demandes de titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits en cas d'exécution d'office.
Par deux jugements n° 2305715 et n° 2306762 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2023, sous le n° 23VE02391, M. C..., représenté par Me Msika, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305715 du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 mars 2022 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " santé " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de répondre au moyen tiré de l'erreur sur la personne du préfet compétent, la régularité de la publication de l'arrêté de délégation et la circonstance que le préfet était absent ou empêché ;
- le jugement attaqué a méconnu la dévolution de la charge de la preuve, s'agissant de la pertinence des éléments produits allant à l'encontre de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait sur la présence en France de son quatrième enfant ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire et est donc entaché d'un détournement de pouvoir ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 41-1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute d'avoir été pris dans un délai raisonnable, dès lors que neuf mois se sont écoulés entre sa demande et l'arrêté contesté ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute pour le préfet de l'avoir mis en mesure de savoir qu'il disposait du droit d'être entendu ;
- la décision portant refus de séjour contestée est insuffisamment motivée, faute pour le préfet d'avoir examiné la question de la disponibilité des soins nécessaires dans le pays d'origine et faute de préciser les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour lui refuser l'admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision portant refus de séjour contestée est entachée d'une erreur de fait, faute pour l'arrêté contesté de caractériser le séjour régulier en France de l'enfant majeur A... et Mme C... ;
- la décision portant refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'épilepsie sévère dont souffre son fils E... peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, tandis que toute amélioration de son état n'est possible que dans le cadre des structures de santé françaises, seules à même de réaliser l'intervention chirurgicale dont il a besoin ;
- la décision portant refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que des considérations humanitaires liées à l'état de santé de son fils E... justifient une admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, qui n'a pas été correctement transposée, faute pour le préfet de lui avoir proposé un départ volontaire ou un délai de départ volontaire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son retour au Maroc exposerait son fils E... à des traitements inhumains ou dégradants, du fait de son état de santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant sont infondés.
Le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations, enregistrées le 29 février 2024.
II. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2023 sous le n° 23VE02392, Mme C..., représentée par Me Msika, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2306762 du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 mars 2022 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " santé " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de répondre au moyen tiré de l'erreur sur la personne du préfet compétent ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire et est donc entaché d'un détournement de pouvoir ;
- le jugement attaqué a méconnu la dévolution de la charge de la preuve, s'agissant de la pertinence des éléments produits allant à l'encontre de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- le jugement attaqué et la décision portant refus de séjour contestée sont entachés d'erreur de fait, faute de mentionner le séjour régulier en France de son quatrième enfant majeur ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 41-1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute d'avoir été pris dans un délai raisonnable, dès lors que neuf mois se sont écoulés entre sa demande et l'arrêté contesté ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute pour le préfet de l'avoir mise en mesure de savoir qu'il disposait du droit d'être entendu ;
- la décision portant refus de séjour contestée est insuffisamment motivée, faute pour le préfet d'avoir examiné la question de la disponibilité des soins nécessaires dans le pays d'origine et faute de préciser les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour lui refuser l'admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision portant refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'épilepsie sévère dont souffre son fils E... peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, tandis que toute amélioration de son état n'est possible que dans le cadre des structures de santé françaises, seules à même de réaliser l'intervention chirurgicale dont il a besoin ;
- la décision portant refus de séjour contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que des considérations humanitaires liées à l'état de santé de son fils E... justifient une admission exceptionnelle au séjour ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des articles 7 et 8 de la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, qui n'a pas été correctement transposée, faute pour le préfet de lui avoir proposé un départ volontaire ou un délai de départ volontaire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son retour au Maroc exposerait son fils E... à des traitements inhumains ou dégradants, du fait de son état de santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par l'appelante sont infondés.
Le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations, enregistrées le 29 février 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport A... Tar ;
- et les observation de Me Msika, pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 23VE02391 et 23VE02392, présentées respectivement par M. C... et Mme C... qui ont demandé leur admission au séjour en se prévalant de leur situation commune de parents d'un enfant pris médicalement en charge en France, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. C... entré, en dernier lieu, sur le territoire français le 23 janvier 2020, et Mme C... entrée, en dernier lieu, sur le territoire français le 18 février 2020, ont demandé, le 6 juillet 2021, leur admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils relèvent chacun appel des jugements du 12 octobre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes aux fins d'annulation des arrêtés du 23 mars 2022 par lesquels le préfet du Val-d'Oise a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient renvoyés en cas d'exécution d'office.
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Si M. et Mme C... soutiennent que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur sur l'identité du préfet, leur argumentation, fondée sur l'erreur de plume figurant dans les arrêtés contestés, qui n'appelait pas de réponse spécifique de la part du tribunal, ne visait qu'à renforcer le moyen tiré de ce que ces arrêtés auraient été signés par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire, moyen auquel le tribunal a répondu de manière complète au point 2 des jugements attaqués. Les jugements sont suffisamment motivés.
4. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. et Mme C... ne peuvent donc pas se prévaloir utilement de l'erreur dans la dévolution dans la charge de la preuve ou des erreurs de fait qu'aurait commises le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
5. Comme l'a à juste titre relevé le tribunal, les arrêtés attaqués ont été signés par Mme B... H..., cheffe du bureau du contentieux des étrangers, qui disposait d'une délégation consentie à cet effet, par un arrêté n° 22-024 du 7 mars 2022 du préfet du Val-d'Oise par intérim, publié le 8 mars 2022 au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, accessible tant au juge qu'aux parties. Par suite, le moyen tiré de ce que ces arrêtés auraient été signés par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire manque en fait et doit être écarté, ainsi que celui tiré d'un détournement de pouvoir.
6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment: / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
7. A supposer que la circonstance qu'une décision portant refus de titre ou faisant obligation de quitter le territoire français ait été prise dans un délai qui devrait être regardé comme déraisonnable au sens des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pourrait être regardée comme de nature, malgré les dispositions relatives aux décisions implicites, à causer un préjudice à l'intéressé, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans effet sur la légalité de la décision dont il s'agit. Le moyen tiré de ce que le délai de neuf mois qui a séparé les demandes A... et Mme C... des arrêtés contestés serait excessif au vu de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de manière spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
9. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dans ces conditions, la seule circonstance que ni M. C... ni Mme C... n'ont été invités à formuler des observations avant l'édiction des obligations de quitter le territoire dont ils ont fait l'objet n'est pas de nature à permettre de les regarder comme ayant été privés de leur droit à être entendus, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
10. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Val-d'Oise a recherché si des pièces du dossier médical produit pour M. et Mme C..., relatif à l'état de santé de leur fils E..., seraient de nature à contredire les termes de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII. Le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par cet avis manque en fait et doit être écarté.
11. Il ressort des termes des arrêtés attaqués que ceux-ci, en premier lieu, visent les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comportent les éléments de fait qui ont permis au préfet de considérer que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, en deuxième lieu, visent les dispositions de l'article L. 435-1 et comportent les considérations de fait relatives aux conditions et à la durée des séjours A... et Mme C... en France qui fondent les décisions de ne pas leur faire application des dispositions de cet article et, en troisième lieu, visent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comportent les considérations de fait sur leur situation familiale qui fondent la décision de ne pas leur faire application des dispositions de cet article. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions leur refusant le séjour doit être écarté.
12. M. et Mme C... soutiennent que les décisions leur refusant le séjour seraient entachées d'une erreur de fait, dès lors que le refus de leur faire application des dispositions de l'article L. 423-23 se fonde sur la circonstance de fait que leur quatrième enfant résiderait au Maroc, alors qu'il résiderait régulièrement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait pris la même décision s'il avait retenu le séjour régulier de leur fils aîné en France. Le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.
13. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. /Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".
14. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis le 3 février 2022 un avis concernant l'état de santé de l'enfant A... et Mme C..., E..., qui précise que l'état de santé de cette enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que le fils A... et Mme C... a subi en 2014 une encéphalite herpétique qui a entraîné des séquelles, notamment un retard mental et une épilepsie. Il bénéficiait à la fin de l'année 2020 et au début de l'année 2021 d'un suivi par le Docteur G... D... ainsi qu'à l'hôpital Necker et il prenait, à la date de l'arrêté contesté un traitement pour l'épilepsie composé de trois médicaments (Valproate, Rufinamide, Lamotrigineine), complété par deux benzodiazépines (Clobazam, Clonazépam) ainsi qu'un antipsychotique (Cyamémazine). Si les intéressés soutiennent qu'une thérapeutique par stimulation du nerf vague, évoqué lors d'un compte-rendu de consultation à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, et une prise en charge dans un centre spécialisé seraient de nature à améliorer son état et ne seraient disponibles qu'en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de E... en cas d'absence de traitement, serait de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, en estimant que la pathologie du fils A... et Mme C... ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet du Val-d'Oise n'a ni méconnu ni les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché les décisions portant refus de titre de séjour opposées aux deux parents d'une erreur d'appréciation.
15. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
16. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour salarié, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord.
17. Toutefois, si l'accord franco-marocain ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
18. Si M. et Mme C... soutiennent que leur admission exceptionnelle au séjour se justifierait au regard de motifs exceptionnels ou répondrait à des considérations humanitaires, pour les mêmes raisons que ceux cités au point 14 ci-dessus, le seul état de santé de leur fils E... ne saurait constituer un tel motif exceptionnel ou leur permettre d'invoquer des considérations humanitaires. Par ailleurs, à supposer que certains membres de leur famille séjournent régulièrement en France, les requérants ont vécu dans leur pays d'origine, respectivement, jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans et quarante-deux ans, et pendant cinq ans après la survenance de la maladie qui a frappé leur fils. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le préfet du Val-d'Oise leur refuse l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
19. Aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. ". Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".
20. Tout justiciable peut demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.
21. Il résulte des exigences de la directive du 16 décembre 2008 qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à tente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article. Les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , qui prévoient que l'autorité administrative peut prolonger, à titre exceptionnel, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, pour en faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, ne sont pas incompatibles avec les objectifs précités de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008, ni avec ceux de l'article 8 de cette directive, relative aux délais d'éloignement. Dès lors, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de ce que les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait contraire aux articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE en ce qu'il aurait permis de priver M. et Mme C... d'un délai de départ volontaire, ce qui, au demeurant, manque en fait, doit être écarté.
22. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui ne précisent pas le pays de destination vers lequel M. et Mme C... seraient éloignés en cas d'exécution, ne peuvent être regardées comme exposant leur fils à des traitements inhumains et dégradants. Le moyen tiré de ce que ces décisions méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de leurs requêtes, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 23VE02391 et 23VE02392 A... et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... et Mme F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au directeur général de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Le rapporteur,
G. TAR La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02391...