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18/06/2024 | FRANCE | N°22VE02075

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 18 juin 2024, 22VE02075


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme F... et C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2004253 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête enregistrée le 19 août 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Guillaumin, avocat, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... et C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2004253 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Guillaumin, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.

Ils soutiennent que :

- la procédure de taxation d'office des revenus regardés par l'administration comme d'origine indéterminée est irrégulière, faute pour l'administration fiscale d'avoir répondu à leur demande de prorogation du délai de réponse à la mise en demeure du 5 octobre 2017 ;

- les réponses qu'ils ont apportées aux demandes de justifications ne peuvent être assimilées à un défaut de réponse ;

- les sommes perçues par Mme E..., à raison de l'occupation par ses parents d'un logement lui appartenant, correspondent à des remboursements de charges et diverses dépenses et non à un loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative, au 15 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les conclusions A... Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., qui exerce l'activité de taxi, et Mme E... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, à l'issue duquel l'administration fiscale les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités et intérêts de retard, au titre de ces deux années d'imposition, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée et selon la procédure contradictoire en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux, les revenus de capitaux mobiliers et les revenus fonciers. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. " L'article L. 16 A du même livre dispose : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de manière insuffisante aux demandes d'éclaircissements et de justification, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. " Aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. "

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Pour les sommes au sujet desquelles il a apporté des éléments de réponse jugés insuffisants, l'administration est en revanche tenue de lui adresser, préalablement, la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, dont l'objet principal est d'informer le contribuable sur la nature exacte des précisions qui sont exigées de lui, sur le délai complémentaire de trente jours qui lui est imparti pour apporter ces précisions et sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de réponse de sa part.

4. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande d'éclaircissements et de justifications adressée à M. et Mme E... le 25 juillet 2017, qu'ils ont reçue le lendemain, concernant 67 crédits financiers enregistrés sur leurs comptes bancaires au cours de l'année 2014, pour un montant total de 173 204,72 euros, et sur 81 crédits bancaires enregistrés en 2015, pour un montant de 137 691,31 euros, M. et Mme E... ont produit par courrier du 26 septembre 2017 des informations générales sur une partie de ces crédits assorties d'une trentaine de justificatifs. Estimant cette réponse insuffisante, l'administration a adressé aux contribuables le 5 octobre 2017 une mise en demeure de compléter leur réponse, reçue le 7 octobre, leur demandant de justifier de l'origine et du caractère non imposable de 122 crédits bancaires demeurant injustifiés, pour un montant total de 160 570,13 euros sur l'année 2014 et de 75 071,70 euros sur 2015. Dans leur réponse du 6 novembre 2017, les requérants ont fourni un certain nombre d'explications et de justificatifs complémentaires et demandé un délai supplémentaire de quinze jours pour produire les éléments manquants. Une mise en demeure complémentaire leur a été adressée le 26 mars 2018, portant sur les chèques et virements émanant de Mme D... reçus en 2015, à laquelle ils ont répondu le 26 avril 2018. Les revenus dont l'origine n'a pu être déterminée ont été taxés d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, par trois propositions de rectification du 19 décembre 2017 pour l'année 2014 et des 6 mars et 9 mai 2018 pour l'année 2015.

5. En premier lieu, si la demande de justifications du 25 juillet 2017 portait sur un grand nombre de crédits bancaires, ce n'est que la veille de l'expiration du délai de trente jours de réponse à la mise en demeure, le 6 novembre 2017, que les requérants ont demandé la prolongation de ce délai, sans faire état ni de difficultés particulières pour répondre aux questions posées, ni des démarches entreprises pour rassembler les renseignements demandés, alors qu'ils ont bénéficié d'un délai de plus de trois mois entre la demande de justifications du 25 juillet 2017, reçue le 26, et l'expiration, le 7 novembre 2017, du délai de trente jours de la mise en demeure reçue le 7 octobre. Ils ont encore bénéficié d'un délai d'un mois et demi entre leur demande de prolongation et la première proposition de rectification du 19 décembre 2017 relative à l'année 2014, au cours duquel ils n'ont pas produit d'éléments complémentaires. M. et Mme E... font valoir qu'un délai supplémentaire était nécessaire pour produire des attestations de membres de leur famille résidant en Tunisie, qui devaient être traduites. Cependant, les attestations qui figurent au dossier ont été produites à l'appui des réponses du 26 septembre et du 6 novembre 2017, sans que les requérants n'apportent ultérieurement de nouveaux documents. Dans ces conditions, l'administration fiscale était fondée à considérer que la demande de délai du 6 novembre 2017 présentait un caractère dilatoire. Il s'ensuit que le refus opposé à cette demande n'a, en l'absence de circonstances particulières, pas entaché d'irrégularité la procédure de rectification des revenus d'origine indéterminée.

6. En second lieu, M. et Mme E... ont répondu, le 26 septembre 2017, à la demande de justifications du 25 juillet 2017 et, le 6 novembre 2017, à la mise en demeure du 5 octobre 2017. En ce qui concerne les revenus taxés d'office restant en litige, pour des montants de 110 485 euros perçus en 2014 et de 18 334 euros en 2015, correspondant principalement à des versements d'espèces et quelques remises de chèques et virements, les requérants soutiennent que ces sommes provenaient de cadeaux de mariage ou de naissance, de prêts de proches, de cadeaux divers, de remboursements de dépenses faites par une tierce personne et de la vente de biens sur un site commercial, et qu'ils ont précisé l'identité des personnes à l'origine de ces versements, et produit à l'appui de leurs allégations des pièces, essentiellement constituées d'attestations de ces personnes. Cependant, l'administration fiscale fait notamment valoir, sans être contredite, que pour justifier des remises d'espèces pour des montants de 37 850 euros en 2014 et 9 100 euros en 2015 et de chèques pour 25 005 euros en 2014 et 3 114 euros en 2015, que les requérants ont attribuées à un prêt sans intérêt A... B... E..., ils n'ont produit qu'une attestation de celui-ci et un extrait de compte bancaire mentionnant un solde créditeur, sans justifier des retraits correspondant aux crédits constatés, ni même de leur lien de parenté, et qu'il s'est d'ailleurs avéré que les chèques déposés avaient été émis par des entreprises tierces. Concernant les cadeaux de mariage et de naissance, l'administration fiscale relève qu'aucune corrélation n'a pu être établie entre les dates et montants des versements selon les attestations des parents A... et Mme E... et les remises d'espèces sur les comptes bancaires des appelants qui se sont étalées sur une période de deux ans après le mariage, et que les autres crédits n'ont pas davantage été assortis de justificatifs probants. De plus, certaines explications données ont varié au cours de la procédure d'imposition. Dans ces conditions, compte tenu de l'absence de justifications probantes jointes aux réponses apportées par les contribuables et au caractère invérifiable de leurs allégations, ces réponses sont assimilables à une absence de réponse. L'administration fiscale a ainsi pu estimer que M. et Mme E... devaient être regardés comme s'étant abstenus de répondre à ses demandes de justifications et procéder à la taxation d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, des crédits bancaires demeurés injustifiés.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". L'article 29 du même code dispose : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires (...) ".

8. Le service vérificateur a regardé les sommes de 6 800 euros en 2014 et 14 700 euros en 2015, reçues des parents de Mme E... en contrepartie de l'occupation d'un logement appartenant à celle-ci, comme des revenus fonciers. M. et Mme E... soutiennent que ces sommes ne peuvent être qualifiées de loyers, dès lors qu'elles correspondent à des remboursements de charges à hauteur de 6 800 euros en 2014 et 10 700 euros en 2015 et à des dépenses de travaux d'aménagement pour 4 000 euros versés en 2015. Toutefois, alors que les requérants ont reçu des parents de Mme E..., à compter de juillet 2014, des versements mensuels réguliers de 800 euros, ils n'ont produit pour justifier de leurs allégations que les avis de taxe foncière 2014 et 2015, des relevés de charge de copropriété au titre des années 2014 et 2015 et l'assurance habitation pour 2014, pour des montants d'ailleurs sans rapport avec les prétendus remboursements. De plus, en application de l'article 29 du code général des impôt, le remboursement par l'occupant des charges de copropriété et taxes foncières qui incombent normalement au propriétaire est constitutif pour ce dernier de revenus fonciers. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a compris ces sommes dans le revenu imposable A... et Mme E..., dans la catégorie des revenus fonciers.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête A... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... et C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

No 22VE02075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02075
Date de la décision : 18/06/2024

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office - Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art - L - 16 et L - 69 du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : GUILLAUMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22ve02075 ?
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