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14/06/2024 | FRANCE | N°22VE01993

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 14 juin 2024, 22VE01993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B..., la SCI Australia et la SAS La Cerisaie ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel la maire de Montmorency a accordé une permission de voirie référencée sous le n° 142, ainsi que la décision du 15 mai 2019 par laquelle elle a rejeté leur recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montmorency la somme de 2 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.



Par un jugement n° 1908961 du 16 juin 2022, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., la SCI Australia et la SAS La Cerisaie ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel la maire de Montmorency a accordé une permission de voirie référencée sous le n° 142, ainsi que la décision du 15 mai 2019 par laquelle elle a rejeté leur recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montmorency la somme de 2 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908961 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2019, ainsi que la décision du 15 mai 2019 rejetant le recours gracieux en tant qu'elle porte sur cet article, et a mis à la charge de la commune de Montmorency une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 11 août 2022 et le 13 février 2024, la commune de Montmorency, représentée par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B..., de la SCI Australia et de la SAS la Cerisaie ;

3°) et de mettre à la charge solidaire de M. B..., de la SCI Australia et de la SAS la Cerisaie une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait, de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- le mur de clôture en litige, séparant la voie publique et le terrain de la SCI Australia, appartient à cette dernière ; des titres de propriété l'établissent, tout comme un faisceau d'indices concordants ; en conséquence la commune a pu légalement autoriser l'utilisation du domaine public du fait de la pose des étais maintenant la propriété privée de la SCI Australia ;

- ce mur n'a pas été édifié pour assurer la sécurité des passants mais pour délimiter la propriété de la SCI Australia, avant que l'escalier ne soit réalisé, et n'a donc pas vocation à prévenir la chute de matériaux sur la voie publique ; il ne constitue donc pas un accessoire indissociable de la voie publique.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2023, la SCI Australia, la SAS la Cerisaie et M. A... B..., représentés par Me Oulad-Bensaïd, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Montmorency une somme globale de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- le jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est déjà prononcé sur l'appartenance du mur séparatif au domaine public de la commune ; l'autorité absolue de la chose jugée s'attache tant aux motifs qu'au dispositif de ce jugement.

Par une ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mars 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Giraudat pour la commune de Montmorency et de Me Oulad-Bensaïd pour la SCI Australia, la SAS La Cerisaie et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobiliaire (SCI) Australia, dont M. B... est le gérant, est propriétaire de la parcelle cadastrée AB n° 368 située sur le territoire de la commune de Montmorency (95160), et sur laquelle se trouve un établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) exploitée par la société par actions simplifiée (SAS) La Cerisaie. Le 24 janvier 2016, le mur longeant cette parcelle s'est effondré sur l'escalier situé en contrebas, constituant une voie d'accès publique, en décroché, menant de la rue du Temple vers la rue Daval. Des travaux de sécurisation immédiate du site ont alors été engagés par la SCI Australia, qui en a demandé le remboursement à la commune, le 24 mai 2016. Par un jugement n° 1611194-1708203-1708526 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par M. B..., la SCI Australia et la SAS la Cerisaie, de demandes tendant à l'annulation de la demande de remboursement des 8 542 euros de frais de travaux, à la réparation d'un préjudice d'image, à l'annulation d'un avis des sommes à payer du 27 juillet 2017 pour les droits de voirie de juillet à décembre 2016 et à l'annulation de la mise en demeure de procéder à une vérification de la solidité des étais installés devant l'escalier et à garantir la sécurité publique, a annulé l'avis des sommes à payer du 27 juillet 2017, a déchargé M. B... de payer la somme de 1 996,80 euros, et a annulé l'arrêté d'autorisation d'occupation du domaine public édicté par le maire de la commune de Montmorency le 23 mars 2017, en tant seulement qu'il fixe un droit de voirie. Par un nouvel arrêté du 31 janvier 2019, le maire de la commune de Montmorency a autorisé M. B... à occuper 16 m2 de son domaine public jusqu'à la réfection du mur situé rue du Temple, tout en fixant, notamment, en son article 5, un droit de voirie de 0,82 euros par m2 et par jour dont le permissionnaire devait s'acquitter auprès du trésorier principal de Montmorency. La commune de Montmorency demande à la cour d'annuler le jugement n° 1908961 du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2019, ainsi que la décision du 15 mai 2019 rejetant le recours gracieux en tant qu'elle porte sur cet article.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune de Montmorency ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de droit, de fait ou d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 31 janvier 2019 :

3. Alors même que la légalité d'un acte administratif s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de prendre acte de l'autorité de la chose jugée s'attachant, d'une part, à l'annulation juridictionnelle devenue définitive d'un acte ayant le même objet, délivré postérieurement et, d'autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation.

4. L'arrêté en litige, délivré par le maire de la commune de Montmorency le 31 janvier 2019, a pour objet d'autoriser M. B... à occuper le domaine public de la commune, sur une emprise de 16 m2, nécessaire pour la mise en place d'un étaiement le long de la partie du mur situé en surplomb de la voie reliant la rue du Temple et la rue Daval à Montmorency, jusqu'à ce que les travaux de réfection définitive du mur soient achevés. L'article 5 de cet arrêté met à la charge du permissionnaire une redevance d'un montant de 0,82 euros par mètre carré et par jour.

5. L'arrêté du 31 janvier 2019 en litige a le même objet qu'un précédent arrêté délivré par le maire de la commune de Montmorency, en date du 23 mars 2017. Ces deux arrêtés fixent à l'identique l'emprise de domaine public dont l'occupation est autorisée, la finalité de cette occupation, l'identité du permissionnaire ainsi que le montant de la redevance due par le permissionnaire.

6. L'article 5 de l'arrêté du 23 mars 2017, fixant le montant de la redevance d'occupation du domaine public, a été annulé par un jugement n° 1611194-1708203-1708526 du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, au motif que le mur qui s'est effondré, surplombant les escaliers de la voie située au droit de la rue du Temple et reliant celle-ci à la rue Daval, constitue " un accessoire " de la voie publique et, " en l'absence de titre en attribuant la propriété à la SCI Australia ou à un tiers, comme appartenant au domaine public de la commune de Montmorency, qui doit donc en assurer l'entretien, alors même qu'il n'aurait pas été construit par cette dernière ", par application du principe dégagé par l'arrêt du Conseil d'Etat, du 15 avril 2015, n° 369339.

7. L'appel formé contre ce jugement du tribunal a été rejeté par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Versailles n° 19VE03067 du 15 juillet 2021, qui a été l'objet d'un pourvoi en cassation qui n'a pas été admis, par une décision du Conseil d'Etat n° 456754 du 3 juin 2022. Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 juin 2019 est ainsi devenu définitif et l'autorité absolue de la chose jugée s'attache tant à son dispositif qu'à ses motifs qui en constituent le support nécessaire. Le motif du jugement, rappelé au point 6 du présent arrêt, implique que, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, il convient d'annuler l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2019 et la décision de rejet du recours gracieux du 15 mai 2019.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Montmorency n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 2019, fixant à 0,82 euros par m2 et par jour la redevance d'occupation du domaine public dont le permissionnaire devait s'acquitter, jusqu'à la réfection définitive du mur situé rue du Temple à Montmorency.

Sur les frais de justice :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., de la SCI Australia et la SAS la Cerisaie, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Montmorency au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Montmorency une somme globale de 2 000 euros à verser au titre des frais exposés par M. B..., de la SCI Australia et à la SAS la Cerisaie et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montmorency est rejetée.

Article 2 : La commune de Montmorency versera à M. B..., à la SCI Australia et à la SAS la Cerisaie une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montmorency, à M. B..., à la SCI Australia et la SAS la Cerisaie.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.

Le rapporteur,

H. COZIC

Le président

B. EVEN

La greffière,

I. SSZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01993
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel - Voies publiques et leurs dépendances.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : AARPI FRECHE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;22ve01993 ?
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