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30/05/2024 | FRANCE | N°22VE00141

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 30 mai 2024, 22VE00141


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande enregistrée sous le n° 1908380, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 29 juin 2018 par laquelle la commune de Clichy-la-Garenne a mis fin à ses fonctions à compter du 5 septembre 2018, d'enjoindre à la commune de Clichy-la-Garenne de procéder à sa réintégration, dans un délai d'un mois, ou de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros p

ar jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1908380, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 29 juin 2018 par laquelle la commune de Clichy-la-Garenne a mis fin à ses fonctions à compter du 5 septembre 2018, d'enjoindre à la commune de Clichy-la-Garenne de procéder à sa réintégration, dans un délai d'un mois, ou de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une demande enregistrée sous le n° 1913107, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 29 060 euros ou, à défaut, la somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices nés de son éviction illégale, ainsi que la somme de 14 167 euros à parfaire en réparation des préjudices nés du recours abusif à des contrats à durée déterminée, avec intérêts à compter de la réclamation préalable et capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1908338, 1913107 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 20 janvier 2022 et le 12 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Courteille, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 29 juin 2018 par laquelle la commune de Clichy-la-Garenne a mis fin à son contrat à compter du 5 septembre 2018 ;

3°) de condamner la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser, à titre principal, la somme de 29 060 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de son éviction, ainsi que la somme de 14 167 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du recours abusif par la commune à des contrats à durée déterminée, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 5 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) de mettre à la charge de la commune les éventuels dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant que la décision du 29 juin 2018 était constitutive d'un refus de renouvellement et non d'une décision de licenciement dès lors que son contrat a été renouvelé tacitement jusqu'au 31 juillet 2019 ; la poursuite du contrat entre le 1er août 2018 et le 5 septembre 2018 s'analyse en un nouveau contrat pour une durée d'un an et non comme la prorogation du précédent contrat ;

- c'est à tort que les juges de première instance ont estimé que la commune pouvait fixer unilatéralement une date de rupture du contrat un mois et cinq jours après l'échéance du précédent contrat ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en retenant que l'échéance du contrat était fixée au 31 août 2018 au lieu du 31 juillet 2018 ;

- la décision de licenciement du 29 juin 2018 est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucun entretien préalable n'a eu lieu, que la commission administrative paritaire n'a pas été saisie et qu'elle n'a pas été mise à même de consulter son dossier ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 39-3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 dès lors que le licenciement n'est justifié par aucun des motifs prévus par cet article ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa manière de servir était satisfaisante et que ce n'est qu'à l'approche de la fin de la période de six ans permettant la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée que des reproches sur son travail ont commencé à lui être adressés ;

- à titre subsidiaire, si la décision attaquée devait être requalifiée en décision de non-renouvellement du contrat, elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'est pas justifiée par sa manière de servir mais par l'anticipation d'une éventuelle requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- le recours aux contrats à durée déterminée présente un caractère abusif dès lors qu'elle a bénéficié de vingt-et-un contrats durant près de six années et que son recrutement répondait à un besoin permanent de la commune ;

- les contrats conclus à compter du 1er juillet 2017 étaient illégaux, ce qui lui a causé un préjudice ;

- le recours illicite à des contrats à durée déterminée successifs alors que son activité répondait à un besoin permanent l'a privée du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ou d'une titularisation et l'a maintenue dans une précarité économique et sociale, lui causant ainsi un préjudice ;

- elle peut prétendre à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 3 982 euros ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 185 euros au titre des congés annuels non pris ;

- elle est fondée à solliciter la somme de 4 893 euros, à parfaire, au titre de la perte de rémunération entre le 5 septembre 2018 et le 1er juillet 2019 ;

- elle est fondée à solliciter la somme de 20 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence nés de son éviction irrégulière ;

- à titre subsidiaire, elle doit être indemnisée à hauteur de 20 000 euros au titre des préjudices nés de l'illégalité du refus de renouvellement de son contrat ;

- elle est fondée à solliciter la somme de 14 167 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant du recours abusif aux contrats à durée déterminée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, la commune de Clichy-la-Garenne, représentée par Me Diss et Me Marcantoni, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 29 juin 2018 est fondée sur la manière de servir de l'intéressée et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- Mme A... ne pouvait pas prétendre au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ;

- la décision du 29 juin 2018 n'est pas une décision de licenciement mais une décision de non-renouvellement de la relation contractuelle ; il ne peut y avoir de renouvellement tacite ;

- cette décision ne constituant pas un licenciement, les garanties procédurales prévues par le décret n° 88-145 ne sont pas applicables ;

- la décision du 29 juin 2018 n'étant pas illégale, sa responsabilité ne peut être engagée sur ce fondement ; à titre subsidiaire, les sommes sollicitées par la requérante à ce titre sont excessives ;

- Mme A... ne démontre pas avoir été privée des congés annuels lui étant dus ;

- la responsabilité de la commune exposante ne peut pas être engagée du fait du recours abusif aux contrats à durée déterminée ; à titre subsidiaire, les préjudices invoqués par la requérante à ce titre ne sont pas justifiés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles du 20 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Moal Renaudeau, substituant Me Courteille, pour Mme A... et de Me Diss pour la commune de Clichy-la-Garenne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée comme agent d'entretien non titulaire par la commune de Clichy-la-Garenne, fait appel du jugement du 22 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Clichy-la-Garenne du 29 juin 2018 de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée et à la condamnation de la commune de Clichy-la-Garenne à lui verser la somme de 29 060 euros ou, à défaut, la somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices nés de son éviction illégale, ainsi que la somme de 14 167 euros en réparation des préjudices nés du recours abusif par la collectivité à des contrats à durée déterminée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Il résulte de ce qui précède que la requérante ne peut utilement se prévaloir des erreurs de fait et d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la nature de la décision attaquée :

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été recrutée par la commune de Clichy-la-Garenne pour occuper les fonctions d'agent d'entretien dans ses établissements scolaires par un premier contrat du 5 décembre 2011 et, en dernier lieu, par un contrat courant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018. Par un courrier du 29 juin 2018, dont l'objet indique " fin de contrat au 5 septembre 2018 ", le maire de la commune de Clichy-la-Garenne a informé Mme A... qu'au regard " de l'évaluation de [sa] hiérarchie quant à [sa] manière de servir, qui ne correspond plus à ce jour aux exigences de la collectivité (...) [celle-ci avait] décidé de ne pas renouveler [son] contrat " et que leur " collaboration cessera[it] le 5 septembre 2018 au soir ". Mme A... soutient qu'en prorogeant son contrat au-delà du 31 juillet 2018, pour une durée d'un mois et cinq jours, le maire de la commune de Clichy-la-Garenne doit être regardé comme ayant tacitement renouvelé ce contrat pour une durée correspondant à la durée de son dernier contrat, soit un an. Toutefois, la décision attaquée, qui est antérieure au terme du contrat de Mme A..., fixé au 31 juillet 2018, informe expressément l'intéressée, ainsi qu'il vient d'être dit, que son contrat ne sera pas renouvelé sans qu'il n'en résulte d'ambiguïté sur l'intention de la commune de mettre fin à la relation contractuelle au 5 septembre 2018. Elle ne peut ainsi être regardée que comme une décision prorogeant, pour une durée limitée et précisément fixée par le courrier, le contrat en cours et refusant de renouveler ce contrat, mettant ainsi fin, à la date du 5 septembre 2018, à la relation contractuelle. Par suite, la décision attaquée constitue non pas un licenciement en cours de contrat, mais une décision de ne pas procéder au renouvellement du contrat de l'intéressée. Il en résulte que l'ensemble des moyens de Mme A... tendant à critiquer la légalité d'une décision de licenciement sont inopérants et doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité de la décision de non-renouvellement du contrat :

4. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, de l'absence de communication du dossier de l'intéressée et de l'absence de saisine de la commission administrative paritaire, à supposer qu'ils soient soulevés contre la décision de non-renouvellement du contrat, sont inopérants à l'encontre d'une telle décision et doivent, par suite, être écartés.

5. En deuxième lieu, à supposer que Mme A... ait entendu soutenir qu'elle aurait dû bénéficier d'un entretien préalable avant toute décision de non-renouvellement de son contrat, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que l'absence d'un tel entretien, qui ne constitue pas une garantie pour l'intéressée, aurait été en l'espèce de nature à exercer une influence sur le sens de la décision. Par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En troisième lieu, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

7. En l'espèce, il ressort des termes précités de la décision attaquée qu'elle a été fondée sur la manière de servir de Mme A... et l'incompatibilité de celle-ci avec les intérêts de la collectivité. Si la requérante a vu ses contrats régulièrement renouvelés à compter du 10 septembre 2012, il ressort des pièces du dossier que l'évaluation de ses performances en vue du renouvellement de son contrat, établie le 25 juin 2016, indiquait déjà que ses compétences étaient toutes inférieures aux attentes et faisait état d'un manque " d'implication et de rigueur " de l'agent ainsi que de difficultés à respecter les consignes. Pour cette raison, le maire de Clichy-la-Garenne avait alors décidé, par un courrier du 24 juin 2016, de ne renouveler son contrat que pour une durée de six mois. L'évaluation établie le 2 janvier 2017 fait ensuite état d'une amélioration de l'attitude professionnelle de Mme A... tout en relevant toujours quatre compétences inférieures aux attentes. Enfin, l'évaluation établie le 29 mai 2018, après avoir relevé, cette fois, huit compétences inférieures aux attentes, notamment en matière d'efficacité et d'investissement au travail, émet un avis défavorable au renouvellement du contrat de Mme A.... Dans ces conditions, nonobstant les attestations produites par Mme A..., qui ne revêtent pas un caractère suffisamment probant pour remettre en cause ces évaluations, réparties sur trois années et qui font état de manière récurrente d'un manque d'investissement et d'efficacité au travail, l'insuffisance de la manière de servir de l'intéressée est établie, Mme A... ayant au surplus admis quelques manquements dans le relevé des températures des chambres froides et le nettoyage de l'office. Si Mme A... soutient que ces évaluations ne visaient qu'à faire obstacle à la conversion de son contrat en un contrat à durée indéterminée, il ne ressort pas des pièces du dossier et des faits précédemment exposés que la décision attaquée serait motivée par la volonté de contourner une obligation légale en ce sens, ni, au surplus, qu'elle aurait pu prétendre à un tel contrat. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 juin 2018.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

En ce qui concerne l'illégalité de la décision du 29 juin 2018 :

9. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 8 du présent arrêt, que Mme A... n'établit pas que la décision du 29 juin 2018 refusant le renouvellement de son contrat serait entachée d'une illégalité fautive. Par suite, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant d'une telle faute doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'illégalité des contrats et le recours abusif à des contrats à durée déterminée :

S'agissant de la responsabilité :

10. Aux termes de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable aux contrats concernés : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé de maternité ou pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. / Les contrats établis sur le fondement du premier alinéa sont conclus pour une durée déterminée et renouvelés, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence du fonctionnaire ou de l'agent contractuel à remplacer (...). ". Aux termes de l'article 3-2 de cette même loi, dans sa rédaction applicable aux contrats concernés : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. / Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Il ne peut l'être que lorsque la communication requise à l'article 41 a été effectuée. / Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir. ". Aux termes de l'article 3-3 de cette même loi, dans sa rédaction applicable aux contrats litigieux : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; / 3° Pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants et de secrétaire des groupements composés de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil ; / 4° Pour les emplois à temps non complet des communes de moins de 1 000 habitants et des groupements composés de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 % ; / 5° Pour les emplois des communes de moins de 2 000 habitants et des groupements de communes de moins de 10 000 habitants dont la création ou la suppression dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité ou à l'établissement en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public. / Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Enfin, aux termes de l'article 3-4 de cette loi, dans sa rédaction en vigueur à l'échéance du dernier contrat de la requérante : " II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. (...) ".

11. En premier lieu, Mme A..., qui n'établit pas entrer dans les cas prévus à l'article 3-3 précité de la loi du 26 janvier 1984, n'apporte aucun élément de nature à établir que la commune l'aurait illégalement privée du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée ou d'une titularisation, cette circonstance ne résultant pas du seul fait que la requérante aurait été employée au-delà de la durée de deux ans prévue par les dispositions précitées de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984.

12. En second lieu, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

13. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été recrutée de façon continue par la commune de Clichy-la-Garenne par vingt-et-un contrats pour assurer les fonctions d'agent de restauration et d'entretien du 10 septembre 2012 au 31 décembre 2014, en remplacement d'un agent indisponible ou absent, sur le fondement de l'article 3-1 précité, puis, du 1er janvier 2015 au 5 septembre 2018, dans l'attente du recrutement d'un fonctionnement titulaire, sur le fondement de l'article 3-2 susmentionné. Dans ces conditions, eu égard à la nature des fonctions occupées par Mme A..., la durée de ses contrats, ainsi qu'à son recrutement continu à compter du 10 septembre 2012, la commune de Clichy-la-Garenne a fait un recours abusif aux contrats à durée déterminée. En outre, la commune de Clichy-la-Garenne ne pouvait, conformément aux dispositions précitées de l'article 3-2, recruter un agent en contrat à durée déterminée dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire titulaire que pour une durée d'un an renouvelable une fois, soit, en ce qui concerne Mme A..., jusqu'au 31 décembre 2016. La commune de Clichy-la-Garenne a donc eu recours, de manière abusive, aux contrats à durée déterminée et a commis, à cet égard, une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant des préjudices :

14. En cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné peut se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

15. En premier lieu, aux termes de l'article 45 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. (...) / Lorsque le dernier traitement de l'agent est réduit de moitié en raison d'un congé de maladie ou de grave maladie, le traitement servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est sa dernière rémunération à plein traitement. Il en est de même lorsque le licenciement intervient après un congé non rémunéré. ". Selon l'article 46 de ce même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. (...) ".

16. Il résulte de l'instruction que Mme A... a travaillé pendant six ans au sein des services de la commune de Clichy-la-Garenne. En application des dispositions précitées du décret du 15 février 1988 et eu égard à sa dernière rémunération nette déduction faites des diverses prestations et indemnités visées par la deuxième phrase de l'article 45 précité, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... du fait du renouvellement abusif des contrats à durée déterminée en mettant à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne la somme de 1 650 euros.

17. En deuxième lieu, si Mme A... soutient qu'il lui restait trois jours de congés annuels à se faire payer, ce fait, contesté par la commune en défense, n'est pas établi par les pièces du dossier. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation de ce préjudice doivent être rejetées.

18. En dernier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de Mme A... résultant de son maintien dans des contrats à durée déterminée et de la précarité en résultant en l'évaluant à la somme de 2 500 euros.

S'agissant des intérêts et de leur capitalisation :

19. D'une part, Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 4 150 euros à compter du 1er juillet 2019, date de réception de sa demande par la commune de Clichy-la-Garenne.

20. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. En l'espèce, la capitalisation des intérêts ayant été demandée le 17 octobre 2019, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 1er juillet 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur les dépens :

22. L'instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme A... présentées à ce titre.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur ce fondement. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Clichy-la-Garenne le versement de la somme 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Courteille renonce à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Clichy-la-Garenne est condamnée à verser à Mme A... la somme de 4 150 euros, assortie des intérêts à compter du 1er juillet 2019. Les intérêts échus à la date du 1er juillet 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 2 : Le jugement nos 1908338, 1913107 du 22 novembre 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La commune de Clichy-la-Garenne versera à Me Courteille la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de Clichy-la-Garenne et à Me Xavier Courteille.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

La rapporteure,

S. HoullierLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00141
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : CABINET TESTARD COURTEILLE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;22ve00141 ?
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