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28/05/2024 | FRANCE | N°22VE01474

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22VE01474


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2016.



Par un jugement n° 2002892 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 20 juin 2022,

M. B..., représenté par Me Coudert, avocat, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement attaqué ;



2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2016.

Par un jugement n° 2002892 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2022, M. B..., représenté par Me Coudert, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- ni la proposition de rectification, ni la réponse aux observations du contribuable ne font apparaître la mise à disposition d'avances financières par la SC Comartin à son profit ;

- les sommes de 11 074 euros et de 34 635 euros ne constituent pas des revenus distribués par la SARL RC Comm au sens du a de l'article 111 du code général des impôts ;

- l'administration fiscale n'a pas recherché s'il avait effectivement appréhendé au cours de l'année 2014 le solde débiteur de son compte courant au 31 mars 2014, ni une éventuelle variation positive de ce solde sur la période correspondant à l'année civile 2014 ;

- bien que restant débiteur de 90 euros au 31 décembre 2016, son compte courant, qui était débiteur de 30 096,27 euros au 31 décembre 2015, n'a pas connu d'accroissement au cours de l'année 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application du a de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que M. B... n'est pas associé de la société distributrice SARL RC Comm.

Par un mémoire en réponse au moyen soulevé d'office, enregistré le 5 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut comme précédemment.

Il soutient que l'imposition peut être maintenue sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, sans que le contribuable soit privé d'aucune garantie, et demande à la cour d'opérer une substitution de base légale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) RC Comm, qui exerce une activité de négoce et courtage de bois et dont l'associée unique est la société civile (SC) Comartin, elle-même détenue à 99,99 % par M. B.... La SARL RC Comm a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices clos au 31 mars 2014, 2015 et 2016, au cours de laquelle le service a constaté des avances en compte courant faites à M. B... par la SARL RC Comm et remboursées par la SC Comartin, qu'il a regardées comme des revenus distribués sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts, à hauteur de 11 074 euros en 2014 et 34 635 euros en 2016. L'administration fiscale en a tiré les conséquences en ce qui concerne l'imposition sur le revenu du foyer fiscal de M. B... sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts. Celui-ci relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2016.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification, adressée le 7 décembre 2017 à M. et Mme B..., mentionne l'impôt concerné ainsi que les années et la base d'imposition, indique qu'elle fait suite à la vérification de comptabilité de la SARL RC Comm et précise, après avoir rappelé les dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts, les motifs pour lesquels les avances inscrites au compte courant détenu par M. B... dans la SARL RC Comm, prises en charge par la SC Comartin, devaient être regardées comme des revenus lui ayant été distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Elle est, ainsi, suffisamment motivée. Il en est de même de la réponse du 13 mars 2018 aux observations présentées le 9 février 2018 par le contribuable.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes. / (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a fondé les rectifications, au titre des deux années d'imposition en litige, sur la prise en charge par la SC Comartin des avances en compte courant correspondant à des dépenses personnelles consenties par la SARL RC Comm à M. B..., en 2014, pour le montant de 11 074 euros, par une écriture de transfert de charge à la SC Comartin au 1er avril 2014 et, en 2016, pour un montant total de 34 635 euros, du fait de remboursements effectués les 23 mars et 17 novembre 2016 par lesquels la SC Comartin a comblé le solde débiteur du compte courant de M. B... dans les comptes de la SARL RC Comm.

6. En premier lieu, les rectifications telles qu'elles ressortent de la proposition de rectification, qui portent sur la prise en charge par la SC Comartin des dettes en compte courant de M. B... dans la comptabilité de la SARL RC Comm, ne peuvent être légalement fondées sur le a de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que l'administration n'établit pas que le transfert de charge constaté dans la comptabilité de la SARL RC Comm au 1er avril 2014 et les remboursements opérés par la SC Comartin en 2016 ont été consentis par cette dernière société à M. B... à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.

7. En second lieu, si le ministre soutient en défense que les rectifications portent sur les avances en compte courant faites par la SARL RC Comm à M. B..., les sommes en litige ne peuvent pas davantage être regardées comme ayant été mises à disposition d'un porteur de parts au sens du a de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que M. B... n'est pas associé de la SARL RC Comm, dont l'intégralité des parts est détenue par son associée unique, la SC Comartin.

8. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.

9. L'administration fiscale demande que l'imposition de M. B... sur le montant des avances sans contrepartie correspondant à des dépenses personnelles, qui lui ont été consenties par la société RC Comm, soit maintenue sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Toutefois, les rectifications en litige résultent, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, de la prise en charge par la SC Comartin des dettes de M. B..., et non des avances en compte courant consenties à celui-ci par la SARL RC Comm. Dans ces conditions, l'écriture de transfert de charge du 1er avril 2014 et les remboursements effectués les 23 mars et 17 novembre 2016 par la SC Comartin ne sont pas susceptibles d'être regardés comme des avantages occultes distribués à M. B... par la SARL RC Comm.

10. En outre, à supposer même que la rectification puisse être regardée comme ayant porté sur les avances consenties par la SARL RC Comm à M. B..., en se bornant à constater la situation de son compte courant à la clôture de l'exercice social, au 31 mars des années 2014 et 2016, et les dates auxquelles les dettes de M. B... ont été prises en charge par la SC Comartin, l'administration fiscale n'établit pas que ces avances ont été mises à la disposition de M. B... par la SARL RC Comm au cours de ces deux années d'imposition, alors qu'il ressort notamment des extraits du grand livre comptable de la SARL RC Comm produits à l'appui de la demande que le compte courant du requérant était déjà débiteur au 31 décembre 2015 de la somme de 30 096,27 euros. Au surplus, les avances litigieuses ont été enregistrées par la SARL RC Comm au débit du compte courant d'associé de M. B... sous des libellés permettant d'identifier l'objet réel de la dépense et son bénéficiaire, ce qui ne permet pas non plus de regarder les avantages ainsi consentis comme présentant un caractère occulte. Il s'ensuit que la demande de substitution de base légale présentée par l'administration ne peut être accueillie.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir partielle soulevée en défense par le ministre, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, à hauteur des impositions supplémentaires et majorations résultant du rehaussement de ses bases d'imposition de 11 074 euros au titre de 2014 et de 34 635 euros au titre de 2016.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base d'imposition des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti est réduite de 11 074 euros au titre de l'année 2014 et de 34 635 euros au titre de l'année 2016.

Article 2 : M. B... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et majorations auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2016 correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 2002892 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE01474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01474
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22ve01474 ?
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