Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 juillet 2022, le 20 juillet 2022, le 28 avril 2023, le 26 septembre 2023, le 12 octobre 2023, deux mémoires enregistrés le 13 octobre 2023, et un mémoire récapitulatif enregistré le 13 novembre 2023, la société Auchan Hypermarché, représentée par Me Encinas, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le maire de Magnanville a délivré aux sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF, et Groupe Imestia un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble immobilier sur trois îlots, avec habitations, hôtel, résidence intergénérationnelle et commerces ;
2°) et de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Magnanville une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours n'est pas tardif et elle justifie d'un intérêt à agir ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que la procédure d'envoi des convocations à la commission nationale d'aménagement commercial, fixée par l'article R. 752-35 du code de commerce, a bien été respectée ;
- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'erreurs d'appréciation, dès lors que le projet est incompatible avec les orientations du Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) tendant à la limitation de l'imperméabilisation des surfaces, à l'intégration de locaux d'activités de proximité destinés à accueillir des entreprises artisanales et de service, et à la limitation de l'implantation de nouvelles zones commerciales diffuses ;
- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'erreurs d'appréciation des effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, sur les flux de transport, sur son accessibilité par les transports collectifs et les modes doux de circulation, sur la préservation et la revitalisation du tissu commercial de centre-ville, sur sa qualité environnementale, sur son accessibilité par les consommateurs en termes de proximité par rapport aux lieux de vie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 octobre 2022, le 2 juin 2023 et le 13 octobre 2023, les sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF, et Groupe Imestia, représentées par Me Guinot, avocat, concluent à titre principal au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer afin de permettre l'obtention d'un permis de construire modificatif intégrant un nouvel avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial, délivré au vu d'un dossier régularisant les éventuels vices que la cour aurait constatés, ou à titre infiniment subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer afin de permettre l'obtention d'un permis de construire modificatif autorisant un projet de construction ne portant plus sur des surfaces commerciales, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Hypermarché en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les sociétés soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention volontaire, enregistrés le 9 novembre 2022 et le 13 octobre 2023, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, avocat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en vue d'une éventuelle régularisation, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en observation, enregistré le 12 octobre 2023, la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixéeavec effet immédiat en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2013-1241 du 27 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Le Fouler, substituant Me Encinas, pour la société Auchan hypermarché, de Me Mazet, substituant Me Guinot, pour les sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF, et Groupe Imestia, et de Me Juliac-Degrelle, substituant Me Bozzi, pour la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. Les sociétés Demathieu et Bard Immobilier, Altarea Cogedim IDF et le Groupe Imestia ont été désignées en avril 2019 lauréates du concours organisé par la communauté urbaine " Grand Paris Seine et Oise " et la commune de Magnanville, en vue de résorber une friche située au Nord-Est de la ville de Magnanville, précédemment occupée par un ensemble de bâtiments commerciaux. Ces sociétés ont déposé une demande de permis de construire, enregistrée le 23 décembre 2020 sous le numéro PC n°78 354 200003, afin de réaliser un complexe immobilier développant une surface de plancher totale de 16.491 m², composé d'une résidence intergénérationnelle de 72 logements, d'un hôtel d'environ 86 chambres, d'un ensemble immobilier de 68 logements en accession et 29 logements locatifs sociaux, de commerces en rez-de-chaussée d'environ 2.770 m² de surface de vente composés de 7 cellules commerciales et d'une moyenne surface alimentaire d'enseigne "Lidl", et de 345 places de stationnement, dont 124 places en extérieur. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) a délivré, le 22 avril 2021, un avis favorable au projet de création d'un " ensemble commercial Lidl situé avenue de l'Europe à Magnanville ". Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire par la société Auchan Hypermarché, qui exploite une grande surface à Buchelay, à environ 1,9 km du projet, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis défavorable au projet, le 16 septembre 2021, " avec faculté de revoyure ", en relevant en particulier l'insuffisance de l'étude d'impact sur les effets de la création de sept cellules commerciales sur les centres-villes des communes de la zone de chalandise, ainsi que sur la commune de Mantes-la-Ville, l'impossibilité de mesurer les effets du projet sur la préservation et la revitalisation du tissu commercial des centres-villes, ainsi que les conflits de circulation sur le site entre les véhicules de livraison et ceux des clients. Les sociétés pétitionnaires ont saisi directement la CNAC le 21 décembre 2021, qui a rendu, le 7 avril 2022, un avis favorable sur le projet modifié. Par un arrêté n° 2022-44 du 17 mai 2022, le maire de Magnanville a accordé aux sociétés Demathieu et Bard Immobilier, Altarea Cogedim IDF et Groupe Imestia, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Par sa requête, enregistrée le 11 juillet 2022, la société Auchan Hypermarché demande à la cour d'annuler cet arrêté du 17 mai 2022.
Sur l'intervention de la SNC Lidl et de la CNAC :
2. La société Lidl a été retenue pour exploiter la surface de vente de 1 500 m2 comprise dans le projet, et la CNAC a rendu l'avis du 7 avril 2022 dont la société Auchan hypermarché conteste la légalité par voie d'exception. Elles ont en conséquence toutes deux intérêt au maintien de l'arrêté en litige. Leurs interventions respectives, présentées par des mémoires distincts, au soutien des conclusions présentées en défense par les sociétés Demathieu et Bard Immobilier, Altarea Cogedim IDF et le Groupe Imestia sont ainsi recevables.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 mai 2022 :
En ce qui concerne la procédure devant la commission nationale d'aménagement commercial :
3. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences réglementaires précisées ci-dessus, l'ensemble des membres de la CNAC ont été simultanément destinataires, le 21 mars 2022, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation adressée à leur adresse électronique en vue de la 523ème séance de la commission, tenue le 7 avril 2022, au cours de laquelle a été examiné le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que, conformément à l'article R. 752-35 du code de commerce, les dossiers relatifs à chaque affaire seraient disponibles au moins cinq jours avant la tenue de la séance sur la plateforme de téléchargement, comprenant l'avis ou la décision de la commission départementale, le procès-verbal de la réunion de la commission départementale, le rapport des services instructeurs départementaux, le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision, ainsi que le rapport du service instructeur de la commission nationale. Il ressort également de deux copies d'écran de la plateforme de téléchargement " SOFIE ", versées au dossier par la CNAC, qu'un fichier intitulé " CNAC 523 et 524 du 7 avril " a été mis à disposition des membres de la commission à compter du 21 mars 2022 à 6 heures, et que certains de ces membres l'ont téléchargé. Ces éléments sont corroborés par une attestation de la sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration au sein de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, assurant le secrétariat de la CNAC, qui certifie que l'ensemble des membres de la commission ont bien reçu la convocation à la séance du 7 avril 2022 et que l'ensemble des documents ont été mis à leur disposition via la plateforme d'échanges de fichiers " SOFIE " le 21 mars 2022. Par suite, en l'absence d'éléments circonstanciés de nature à remettre en cause les pièces justificatives fournies par la CNAC, qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres devant la CNAC doit être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation portée par la commission nationale d'aménagement commercial dans son avis du 7 avril 2022 :
S'agissant de la compatibilité avec le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble, y compris ceux se présentant formellement comme régissant des actes distincts des autorisations d'exploitation commerciale, tels que par exemple des documents d'urbanisme.
6. En premier lieu, les orientations réglementaires du Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), adopté par la délibération du conseil régional n° CR97-13 de 18 octobre 2013 et approuvé par le décret n° 2013-1241 du 27 décembre 2013 disposent que : " La surface et la continuité des espaces imperméabilisés doivent être limitées. Il est nécessaire de faire progresser la surface d'espaces publics non imperméabilisée. On visera une gestion des eaux pluviales intégrée à l'aménagement urbain (toiture végétale, récupération, noues, etc.). L'infiltration (des eaux non polluées) et la rétention de l'eau à la source doivent être privilégiées. La gestion alternative des eaux pluviales visera à optimiser la maîtrise du ruissellement et à limiter les rejets dans les réseaux de collecte ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet dont s'agit s'insère dans la zone d'activité des Brosses, où se trouvent déjà diverses enseignes commerciales, plus précisément sur un espace devenu une friche à la suite de la fermeture d'un magasin en 2011 et de sa démolition en septembre 2019 et de la fermeture en 2016 d'un centre commercial, incendié en 2021. Il n'est pas contesté que le site en friche est imperméabilisé à 79,1%, et que ce taux devrait être abaissé à 77,7% avec la réalisation du projet. Il ressort également des pièces du dossier que 15% de la superficie du terrain d'assiette du projet est constitué d'espaces verts de pleine terre, alors que le règlement du PLU opposable exige seulement un taux de 10% dans la zone. Il ressort également des pièces du dossier et il n'est pas contesté, que le projet prévoit l'installation d'un réservoir sous le parking aérien, déjà drainant, afin de permettre une meilleure infiltration des eaux pluviales, la végétalisation de plusieurs terrains et des toitures-terrasses des deux bâtiments, afin d'assurer la rétention des eaux pluviales, l'aménagement d'une noue végétalisée afin de recueillir les eaux pluviales, ainsi que l'utilisation de revêtements aux sols le moins imperméabilisant possible. Eu égard aux caractéristiques du projet, la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que celui-ci serait incompatible avec les dispositions des orientations du SDRIF relatives à la limitation des surfaces imperméabilisées.
8. En deuxième lieu, les orientations réglementaires du SDRIF disposent que : " Les projets urbains doivent intégrer des locaux d'activités de proximité aptes à recevoir les entreprises artisanales et de services, PME-PMI, accessibles et n'induisant pas de nuisances incompatibles avec la proximité de l'habitat. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société Auchan Hypermarché, le projet en cause prévoit la création de locaux au profit d'entreprises artisanales. En particulier sept cellules commerciales ont vocation à accueillir des commerces de proximité, tels que des bouchers-traiteurs, cavistes, fromagers, boulangers, fleuristes, pressing, coiffeurs. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le projet en cause serait incompatible avec les dispositions du SDRIF relatives au renforcement de l'offre de locaux pour les petites et moyenne entreprises dans l'agglomération.
10. En troisième lieu, les orientations réglementaires du SDRIF prévoient que : " Les nouvelles implantations commerciales diffuses, en particulier le long des axes routiers, doivent être évitées et la multiplication des zones commerciales enrayée. Les implantations nouvelles seront donc orientées vers les zones existantes et déjà dédiées aux commerces. (...) "
11. S'il est constant que le projet en cause est implanté le long de plusieurs axes routiers, il ressort des pièces du dossier que ledit projet s'insère dans une zone économique déjà existante, sur un espace devenu une friche il y a plusieurs années, à la suite de la fermeture et de la démolition d'anciens magasins. Ce projet a donc pour objectif de réinvestir un espace qui était déjà occupé par des activités commerciales, au sein d'une zone plus large dédiée à l'activité économique. Eu égard à ces circonstances, la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que le projet serait incompatible avec les dispositions précitées des orientations réglementaires du SDRIF.
12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le projet en cause n'est pas incompatible avec le SDRIF.
S'agissant des erreurs d'appréciation alléguées au regard des objectifs et critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
13. Aux termes de L. 752-6 code de commerce : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes (...) ; (...) 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie (...) ".
14. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
Quant à l'objectif d'aménagement du territoire :
15. En premier lieu, pour contester l'appréciation portée par la CNAC sur l'impact du projet sur l'animation de la vie urbaine, la société requérante soutient que l'offre en grandes surfaces alimentaires est déjà pleinement satisfaite à l'intérieur de la zone de chalandise, et qu'il n'est donc pas opportun d'y voir s'installer une nouvelle grande surface de 1 500 m2, sachant que la zone de chalandise exclut une partie du centre-ville de Mantes-la-Ville, laquelle accueille déjà plusieurs enseignes de grandes surfaces alimentaires. La société requérante précise encore que les cellules commerciales envisagées sont d'une dimension qui serait davantage attendue en centre-ville et que ces cellules commerciales vont entrer en concurrence avec les commerces des centres-villes des communes de la zone de chalandise. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet en litige comporte non seulement la création d'espaces commerciaux, mais également celle de 170 logements et d'un hôtel de 86 chambres, ce qui représente une clientèle nouvelle susceptible de profiter des nouveaux services proposés dans la zone d'activité, qui rassemble déjà plusieurs enseignes commerciales et emploie plus de 700 salariés. En outre le projet en cause doit permettre la réimplantation de commerces de même nature que ceux existant avant la fermeture en 2016 du centre commercial qui se trouvait implanté sur le site du nouveau projet. Il est constant que la grande surface de 1 500 m2 doit accueillir l'enseigne Lidl, qui était présente sur le site depuis le début des années 1990 jusqu'à la fermeture du centre commercial " MAG 2000 " en 2016 et que les sept cellules commerciales d'activité artisanale et de service devraient compenser la fermeture de l'enseigne " Beau Marché ", qui proposait des services de primeur, boucherie, charcuterie et fromager. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il existe peu de cellules commerciales vacantes sur le territoire des communes de la zone de chalandise, carencées en commerces de proximité, et dont la population dépasse pourtant les 28 000 habitants, et alors que plusieurs de ces communes, notamment Magnanville, sont dépourvues de centre-ville structuré. Au regard de ces éléments, et en dépit de ce que la société Auchan Hypermarché exploite une enseigne sur le territoire d'une commune voisine, à moins de 2 km du projet, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait sur ce critère entaché d'une erreur d'appréciation.
16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se trouve à proximité d'axes routiers très fréquentés, notamment au niveau du carrefour situé entre la RD928 et la RD110, qui dessert le projet, présentant, selon l'étude du trafic réalisée en février 2021 une réserve de capacité de seulement 2% le soir, pour 17% le matin, qui devrait être abaissée à -2% le soir et 12% le matin du fait de la réalisation du projet. Il ressort toutefois également des pièces du dossier qu'un projet de réaménagement de ce carrefour, dont le programme et l'enveloppe financière des travaux, qui devraient durer cinq mois, ont déjà été votés par le conseil départemental des Yvelines, devrait augmenter la réserve de capacité du carrefour qui devrait passer à +12% le soir et +27% le matin. Eu égard en particulier au caractère certain de ce projet d'aménagement et à ses effets sur le trafic routier aux abords du site d'implantation du projet, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait entaché d'une erreur d'appréciation quant à l'effet du projet sur les flux de transport.
17. En troisième lieu, la société Auchan Hypermarché soutient que le projet risque de favoriser l'usage de la voiture au détriment d'autres modes de déplacement. S'il ressort des pièces du dossier que la zone dans laquelle se trouve situé le lieu d'implantation du projet est peu desservie par les transports en commun, à raison de deux bus par heure et qu'aucune piste cyclable n'a été envisagée pour desservir le site, il ressort également des pièces du dossier que les commerces de proximité intéresseront la population locale et particulièrement les habitants des logements du projet, qui pourront se déplacer à pied sur le site, sur lequel des aménagements piétons ont été prévus afin de sécuriser et d'agrémenter leurs déplacements. De ce fait, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait entaché d'une erreur d'appréciation quant à l'accessibilité du projet par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.
18. En quatrième lieu, la société requérante soutient que le projet en cause est de nature à accentuer la fragilité du tissu commercial de la commune de Magnanville et des centres-villes des communes de la zone de chalandise, il ressort des pièces du dossier que la commune de Magnanville n'est pas organisée autour d'un centre-ville et que seules deux cellules commerciales vacantes y ont été identifiées. En outre le projet en cause devrait permettre la réimplantation d'une enseigne commerciale qui était présente sur ce même site pendant plus de vingt ans, ainsi que de commerces de proximité, qui font actuellement défaut sur le territoire de la commune. La société Auchan Hypermarché n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant de la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes.
Quant à l'objectif de développement durable :
19. La société Auchan Hypermarché soutient que le projet en cause " manque d'ambition " dès lors qu'il ne recourt pas aux énergies renouvelables, et que l'emploi du végétal dans le projet est à relativiser, dès lors qu'il existe des doutes sur ce qui est qualifié d'espaces verts. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet en cause prévoit des dispositifs de réduction de la consommation d'énergie notamment par la minimisation des ilots de chaleur, les performances de l'isolation thermique et le recours à une " architecture bioclimatique ". Il prévoit en outre l'installation de toitures végétalisées, ainsi que la limitation de l'imperméabilisation des sols par la création d'une noue dans les espaces verts de pleine terre du site et d'un revêtement perméable pour les stationnements extérieurs. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait entaché d'une erreur d'appréciation quant à la qualité environnementale du projet.
Quant à l'objectif de protection des consommateurs :
20. S'il est constant que le projet en cause n'est desservi par aucune piste cyclable, il ressort des pièces du dossier que les déplacements des piétons sur le site sont suffisamment sécurisés par divers aménagements prévus par les concepteurs du projet modifié. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'aménagement du carrefour par le département des Yvelines, programmé par une délibération du conseil départemental du 28 mai 2021, doit permettre l'amélioration du trafic automobile sur cette zone et ainsi renforcer la sécurité des déplacements, alors que l'espace commercial envisagé devrait particulièrement être investi par les habitants des espaces résidentiels du projet. Dès lors, la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la CNAC serait entaché d'une erreur d'appréciation quant à l'accessibilité du projet, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le maire de Magnanville a délivré aux sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF et Groupe Imestia un permis de construire valant exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble immobilier sur trois îlots, avec habitations, hôtel, résidence intergénérationnelle et commerces sur le territoire de cette commune.
Sur les frais liés au litige :
22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Auchan Hypermarché sur ce fondement. Ces mêmes dispositions s'opposent également à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées sur ce même fondement par la SNC Lidl qui, étant intervenante, n'est pas partie à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, la société Auchan Hypermarché versera une somme globale de 2 000 euros aux sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF et Groupe Imestia en application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la SNC Lidl et celle de la commission nationale d'aménagement commercial sont admises.
Article 2 : La requête de la société Auchan hypermarché est rejetée.
Article 3 : La société Auchan hypermarché versera une somme globale de 2 000 euros ux sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF et Groupe Imestia en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les demandes présentées par la SNC Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans ses mémoires en intervention sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan hypermarché, aux sociétés Demathieu et Bard immobilier, Altarea Cogedim IDF et Groupe Imestia, à la SNC Lidl, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
Le rapporteur,
H.COZIC
Le président,
B. EVEN
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01687