Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des prélèvements sociaux afférents aux plus-values en report, mis à leur charge au titre de l'année 1998, pour un montant de 1 569 130,14 euros en principal et de 156 911,77 euros en pénalités, et de condamner l'administration à leur rembourser les frais de radiation des hypothèques légales du Trésor inscrites sur leurs immeubles situés à Ségur-le-Château, Feytiat et Paris.
Par un jugement n° 1702990 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 mars 2019, 13 janvier, 6 mars et 16 mars 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Morey et Me Kilic, avocats, ont demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux afférents aux plus-values en report, mis à leur charge au titre de l'année 1998, ainsi que la restitution des pénalités et majorations afférentes à ces prélèvements sociaux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le condamner aux dépens.
Ils soutenaient que l'action en recouvrement au titre des prélèvements sociaux de l'année 1998, afférents à une plus-value en report, placée en sursis d'imposition était prescrite, dès lors qu'ils n'ont plus produit de déclaration ni l'état mentionnés au II-2 de l'article 167 bis du code général des impôts à compter de 2003, sans que l'administration ne les mettent en demeure de le faire et que ni l'articles 91 sexdecies de l'annexe II au code général des impôts, qui a été abrogé au 1er janvier 2005, ni l'article 91 quaterdecies de cette même annexe, qui est entré en vigueur au 3 novembre 2011, ne faisaient obstacle au jeu de la prescription.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 août 2019, 24 février et 11 mai 2020, D... de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête et à la suppression de passages injurieux, outrageants ou diffamatoires en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Il soutenait que :
- la demande de M. et Mme C... tendant au versement de dépens n'est pas justifiée ;
- le moyen soulevé par M. et Mme C... n'est pas fondé ;
- le passage du mémoire du 13 janvier 2020 commençant par les mots " l'analyse de Monsieur D... " et se terminant par " sans doute partisane " doit être supprimé en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Une note en délibéré a été produite, le 17 novembre 2020, pour M. et Mme C....
Par un arrêt n° 19VE00857 du 24 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre ce jugement.
Par une décision n° 449038 du 20 mai 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme C..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le même jour sous le n° 21VE01585.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires enregistrés les 4 juillet 2022 et 12 juillet 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Morey et Kilic, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2019 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la restitution des prélèvements sociaux afférents aux plus-values en report, mis à leur charge au titre de l'année 1998, pour un montant de 1 569 130,14 euros en principal et de 156 911,77 euros en pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le condamner aux dépens.
M. et Mme C... font valoir que :
- le Conseil d'Etat a confirmé que la renonciation à la prescription ne pouvait être tacite compte tenu du dépôt d'une réclamation préalablement au paiement des sommes dues et que l'inscription d'hypothèques légales, privant les propriétaires de la libre disponibilité des biens, avaient bien la nature de mesures contraignantes ; que n'ayant pas renoncé tacitement à la prescription de l'action en recouvrement, ils sont bien fondés à obtenir la restitution des sommes indûment payées ;
- la cour a constaté sans ambigüité la prescription de l'action en recouvrement ; l'imposition est redevenue exigible dès 2003 et la prescription de l'action en recouvrement acquise au plus tard le 1er janvier 2009.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juin et 19 juillet 2022, D... de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la réclamation du 24 décembre 2014, qui a été rejetée par décision du 12 décembre 2016 et suivie du paiement des prélèvements sociaux par virement effectué au cours du même mois, relevait du contentieux de l'assiette des prélèvements sociaux et non de celui de leur recouvrement ; les requérants ont d'ailleurs sollicité la décharge des impositions litigieuses devant les premiers juges ; ces derniers étaient donc saisis d'une demande relevant du contentieux de l'assiette de l'impôt, rendant inopérant le moyen invoqué par les requérants et tiré de la prescription de l'action en recouvrement ;
- les conclusions à fin de mainlevée de l'hypothèque légale du Trésor ressortissent de la compétence du juge judiciaire ;
- l'inscription d'une hypothèque sur un immeuble constitue une mesure de sûreté qui ne rend pas le bien concerné indisponible ;
- le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement n'est pas fondé dès lors qu'ils ne justifient de la réalisation d'aucun événement de nature à mettre fin au sursis de paiement, et ne peuvent ainsi sérieusement alléguer de l'exigibilité de l'imposition correspondante ; ce paiement a été réalisé alors que l'exigibilité des impositions concernées était suspendue permettant uniquement la prise de mesures conservatoires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Danielian,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., qui ont transféré leur domicile fiscal en Suisse le 8 décembre 1998, ont bénéficié, en application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, d'un sursis de paiement de l'imposition due à raison de plus-values latentes et de plus-values en report d'imposition relative aux parts sociales qu'ils détenaient dans la société SMA. Ayant cessé de reporter le montant de l'impôt relatif à ces plus-values sur leur déclaration de revenus à compter de 2011, M. et Mme C... ont reçu une demande de renseignements de l'administration fiscale. Celle-ci a estimé que les plus-values en report sur les titres émis par la société SMA bénéficiaient toujours du sursis de paiement, dès lors que la baisse de la valeur nominale des parts sociales intervenues en décembre 2011 ne constituait pas un événement susceptible de mettre un terme à ce sursis, et leur a demandé de constituer des garanties pour pouvoir continuer à bénéficier du sursis de paiement sur cette plus-value. N'ayant pas souhaité constituer ces garanties, M. et Mme C... ont, toutefois, réglé l'impôt sur le revenu relatif à cette plus-value le 10 octobre 2014, mais ont, par un courrier du 24 décembre 2014, demandé la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux correspondants, au motif que l'action en recouvrement de ces impositions était prescrite. En l'absence de paiement des sommes restant dues et de constitution de garanties, le comptable public a fait inscrire au bénéfice du Trésor des hypothèques sur plusieurs biens immobiliers appartenant aux contribuables en 2016. M. et Mme C... ont procédé, le 23 décembre 2016, au règlement des sommes dues au titre des prélèvements sociaux et saisi, le 5 avril 2017, le juge de l'impôt aux fins de contester le bien-fondé de cette obligation de payer. Par un jugement n° 1702990 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les prélèvements sociaux au titre de l'année 1998 pour la fraction correspondant aux plus-values en report sur les titres de la société SMA, à la restitution des sommes versées à ce titre et au titre des pénalités et majorations y afférentes, ainsi qu'à la condamnation de l'administration à leur rembourser les frais de radiation des hypothèques légales du Trésor inscrites sur plusieurs de leurs immeubles. Par un arrêt du 24 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté leur requête en annulation du jugement tribunal administratif de Montreuil. Le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par D... de l'économie, des finances et de la relance, a, par une décision du 20 mai 2022, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée le même jour sous le n° 22VE01225.
Sur les conclusions à fin de restitution :
2. Pour solliciter la restitution des prélèvements sociaux afférents aux plus-values en report, mis à leur charge au titre de l'année 1998, pour un montant de 1 569 130,14 euros en principal et de 156 911,77 euros en pénalités, M. et Mme C... se prévalent d'un unique moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement. Ce faisant, les intéressés, qui ne remettent pas en cause l'assiette ou le calcul de l'impôt, ont fait porter leur contestation sur l'exigibilité de la créance fiscale acquittée, et introduit une action en répétition de l'indû, laquelle relève ainsi du contentieux du recouvrement et non, comme le soutient pour la première fois D..., d'un contentieux de l'assiette.
3. Aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - 1. Le paiement de l'impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu'au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés. / Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. / Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'événement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208, L. 255 et L. 279 du même livre. / (...) 2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l'article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l'administration faisant apparaître le montant de l'impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n'est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis. / (...) 4. Le défaut de production de la déclaration et de l'état mentionnés au 2 ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement. / (...) IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des plus-values constatées ainsi que les obligations déclaratives des contribuables et les modalités du sursis de paiement. ". Aux termes des dispositions de l'article 91 sexdecies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version issue du décret n°99-590 du 6 juillet 1999, applicable aux contribuables transférant leur domicile hors de France à compter du 9 septembre 1998 : " Pour l'application du 4 du II de l'article 167 bis du code général des impôts, l'exigibilité de l'impôt en sursis de paiement est rétablie lorsque la situation du contribuable n'a pas été régularisée dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure adressée à son représentant. ".
4. Pour invoquer la prescription de l'action en recouvrement, acquise selon eux au plus tard le 1er janvier 2009, les appelants se prévalent de l'absence de l'indication du montant afférent à la plus-value en report au titre des prélèvements sociaux, sur l'état mentionné au II du 2 de l'article 167 bis du code général des impôts et ce dès 2003, et de ce que cette omission entraînerait l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement, d'autant que l'administration ne les a pas mis en demeure de régulariser leur situation.
5. Il résulte des termes du dernier alinéa de l'article 91 sexdecies de l'annexe II au code général des impôts, applicable jusqu'au 1er janvier 2005, et en vigueur l'année au cours de laquelle les contribuables ont cessé de déclarer le montant des contributions sociales en sursis d'imposition, que, pour l'application de l'article 167 bis du code général des impôts, l'exigibilité de l'impôt en sursis de paiement est rétablie lorsque le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations déclaratives dans les trente jours suivant la notification d'une mise en demeure. Or il est constant, ainsi que l'a relevé le tribunal, qu'aucune mise en demeure n'a été adressée aux contribuables ou à leurs représentants à la suite de la cessation du report du montant des contributions sociales en sursis d'imposition au sein de leurs déclarations. Dans ces conditions et contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., l'exigibilité des contributions sociales en litige n'a jamais été rétablie, et les paiements réalisés par eux ont concerné des impositions non prescrites, faute pour la prescription d'avoir recommencé à courir. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère contraint ou non de leur renonciation à une prescription qui n'était pas acquise, M. et Mme C... ne sont pas fondés à solliciter la restitution des impositions litigieuses.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
7. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
8. Le passage dont la suppression est demandée par D... n'excède pas les limites de la simple polémique juridique et ne présente pas un caractère diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme C... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Aucun dépens n'ayant été exposé, les conclusions tendant à leur remboursement ne peuvent être que rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.
La rapporteure,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-LedeyLa greffière,
T. Tollim
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 22VE01225