Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, la présidente du tribunal administratif de Melun a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Versailles les requêtes présentées le 14 novembre 2019 par la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Razel-Bec.
Par ces requêtes distinctes n°1909239 et n°1909240, la SASU Razel-Bec a demandé au tribunal de prononcer la décharge, en droits et majorations, respectivement, d'une part, de la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 et de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, majorée des intérêts moratoires au taux légal et, d'autre part, de la cotisation foncière des entreprises mise à la charge de la SEP Razel-Sobea-GTM, dont elle est la gérante, au titre des années 2013 à 2016.
Par un jugement n°s 1909239, 12909240, 1909241, 1909242 et 1910006 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 avril 2022 et 20 juillet 2022, sous le n° 22VE00910, la société Razel-Bec, représentée par Me Chatel et Me Pronier, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1909240 tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises mise à la charge de la SEP Razel-Sobea-GTM, dont elle est la gérante, au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les entreprises de travaux publics ne sont pas susceptibles d'être imposées en matière de cotisation foncière des entreprises (CFE), à raison des chantiers sur lesquels elles exercent leur activité dès lors que les installations temporaires de chantier en cause ne constituent pas des biens passibles de taxe foncière, au sens de l'article 1381 du code général des impôts ; les entreprises de travaux publics, chargées de la réalisation concrète des différentes phases du chantier, ne disposent d'aucun bien foncier puisque les équipements qu'elles installent temporairement ne sont pas constitutifs de réelles constructions, quand bien même ils nécessitent des aménagements et des engins de levage pour être déplacés et sont à très court terme enlevés puisqu'ils permettent la réalisation de l'ouvrage commandé par le client mais ne constituent pas des biens fixés au sol à perpétuelle demeure ; ils sont d'ailleurs dispensés de permis de construire en vertu du c) de l'article R. 421-5 du code de l'urbanisme ;
- ces installations ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant à la disposition privative et exclusive de la SEP Razel-Sobea-GTM et ne sont pas nécessaires à la réalisation de son activité proprement dite et, en tout état de cause, ledit chantier ne pouvait pas constituer un établissement taxable à la CFE, au sens de l'article 310 HA de l'annexe II au code général des impôts et ainsi qu'il résulte de la doctrine administrative (CVAE-LIEU-10-2010701 § 210) ;
- la valeur locative foncière imposable des bungalows de chantier devrait être déterminée non pas selon la méthode comparative prévue à l'article 1498 du code général des impôts mais selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du même code, dans la mesure où l'activité de chantier est une activité qui nécessite la mise en œuvre d'installations techniques, matériels et outillages dont le rôle est prépondérant ;
- la circonstance que les bungalows pris en location n'aient pas fait l'objet d'une imposition atteste de la faiblesse du raisonnement de l'administration.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juin 2022 et les 6 février et 12 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par courrier du 14 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête de première instance, faute pour la société d'avoir, en réponse à la demande de régularisation adressée par la cour, justifié de l'habilitation de Mme A... B... pour introduire la demande de première instance au nom de la SASU Razel Bec, le mandat produit devant le tribunal administratif ne lui donnant pas une telle habilitation.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été produites pour la société Razel-Bec le 22 février 2024 et communiquées.
Par courrier du 14 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'erreur sur le redevable des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 dès lors que les avis d'impositions ont été établis au nom de la " STEP RAZEL SOBEA GTM ", société en participation dépourvue de la personnalité morale, et non au nom de sa gérante, la SASU Razel Bec, en méconnaissance des dispositions de l'article 1476 du code général des impôts.
Par courrier du 26 mars 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de désigner d'office la SASU Razel-Bec, en sa qualité de gérante de la SEP Razel-Sobea-GTM, comme redevable des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016, en application des dispositions des articles 1476 et 1478 du code général des impôts.
II) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 avril 2022 et 8 mars 2023, sous le n° 22VE00911, la société Razel-Bec, représentée par Me Chatel et Me Pronier, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande n°1909239 tendant à la décharge, en droits et majorations, de la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 et de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- l'article 231 ter du code général des impôts instituant une taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France ne s'applique en principe qu'aux bâtiments ; les installations mises en place par la SEP Razel-Sobea-GTM dans le cadre du chantier de construction relatif à la refonte du prétraitement de l'usine d'épuration Seine-Aval ne peuvent être considérées comme des bâtiments ou des constructions fixées au sol à perpétuelle demeure dès lors qu'elles sont posées à même le sol ou sur des parpaings, qu'elles sont destinées à être déplacées en fonction de la durée et de l'évolution du chantier et que leur nombre a vocation à varier durant la réalisation du chantier ; les éléments modulaires litigieux sont par ailleurs destinés à disparaître définitivement à la fin du chantier et présentent donc un caractère temporaire ;
- c'est à tort que le tribunal a indiqué que la SEP était propriétaire des installations temporaires de chantier, ce qui justifiait l'assujettissement à la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France et à la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement de ladite SEP, alors que les impositions contestées par la requérante ont été appelées à son égard et non à l'encontre de la SEP ; la qualification de propriétaire retenue à l'encontre de la SEP, laquelle n'a pas de personnalité morale, est, en tout état de cause, erronée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juin 2022 et les 2 février et 12 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par courrier du 14 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête de première instance, faute pour la société d'avoir, en réponse à la demande de régularisation adressée par la cour, justifié de l'habilitation de Mme A... B... pour introduire la demande de première instance au nom de la SASU Razel Bec, le mandat produit devant le tribunal administratif ne lui donnant pas une telle habilitation.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été produites pour la société Razel-Bec le 22 février 2024 et communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Danielian,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société en participation (SEP) RAZEL-SOBEA-GTM a été créée le 4 janvier 2011 entre la société Razel-Bec, la société Sobea Environnement et la société GTM IDF, devenue Chantiers modernes construction, avec pour objet la conception et la réalisation de la refonte du prétraitement de l'usine d'épuration Seine-Aval, ainsi que sa mise en service dans le cadre d'un marché public conclu le 5 juillet 2010 avec le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP). La SEP Razel-Sobea-GTM a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Estimant que les ensembles modulaires (base de vie) et les parkings attenants installés par la société pour la durée du chantier étaient passibles de l'impôt, le service vérificateur a notifié à la société Razel-Bec, en sa qualité de gérante de la SEP, des rectifications en matière de cotisation foncière des entreprises pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016. Des impositions supplémentaires en matière de taxe sur les bureaux pour les années 2014, 2015 et 2016, de taxe sur les surfaces de stationnement pour les années 2015 et 2016, ainsi qu'en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'année 2016 ont été également mises à la charge des sociétés Razel-Bec et Chantiers modernes constructions, en leur qualité d'associées redevables des impositions en cause. La société Razel-Bec fait appel du jugement n°s 1909239, 12909240, 1909241, 1909242 et 1910006 du tribunal administratif de Versailles du 15 février 2022, en tant qu'il a rejeté ses demandes de décharge, en droits, intérêts et majorations, de la cotisation foncière des entreprises pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016, de la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 et de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, majorée des intérêts moratoires au taux légal.
Sur la jonction :
2. Les requêtes précitées n° 22VE00910 et n° 22VE00911, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête n° 22VE00910 relative à la contribution foncière des entreprises :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1476 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes, sous les mêmes sanctions ou recours. / II. - Par exception aux dispositions du I, la cotisation foncière des entreprises est établie : a) Lorsque l'activité est exercée par des sociétés non dotées de la personnalité morale, au nom du ou des gérants ; (...) ".
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 ont été recouvrées par voie de rôle et que les avis d'imposition versés aux débats, extraits du rôle de la commune d'Achères, ont été établis au nom de la " STEP RAZEL SOBEA GTM ", société en participation dépourvue de la personnalité morale, et non au nom de sa gérante, la SASU Razel Bec, en méconnaissance des dispositions de l'article 1476 du code général des impôts. Compte tenu de l'erreur commise par le service sur la personne du redevable de l'impôt, il y a lieu de décharger la SEP Razel-Sobea-GTM des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2013 à 2016.
5. En deuxième lieu, aux termes du 3ème alinéa du I de l'article 1478 du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une année une cotisation foncière des entreprises a été émise au nom d'une personne autre que le redevable légal de l'impôt, l'imposition de ce dernier, au titre de la même année, est établie au profit de l'État dans la limite du dégrèvement accordé au contribuable imposé à tort. ". Il résulte de ces dispositions que le juge de l'impôt est tenu de désigner le redevable légal de l'imposition au vu des éléments portés à sa connaissance et ce après avoir mis en cause ce redevable, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, la circonstance qu'aucune demande n'ait été présentée en ce sens devant lui. Dans cette dernière hypothèse cependant, il revient au juge, lorsqu'il met en cause le redevable légal de l'imposition en litige, de lui faire connaître son intention de le désigner comme tel, afin de le mettre en mesure de contester cette qualité et, le cas échéant, le montant de l'imposition, en lui laissant un délai suffisant pour produire ses observations.
6. La SASU Razel-Bec a été mise en cause en sa qualité de gérante de la SEP Razel-Sobea-GTM mais n'a pas produit d'observations sur ce point. Par suite, il y a lieu de désigner la SASU Razel-Bec comme la redevable légale de l'imposition en litige et de mettre à sa charge les impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SEP Razel-Sobea-GTM a été assujettie au titre des années 2013 à 2016.
7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. ". Aux termes de l'article 1447 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. ". Aux termes de l'article 1467 de ce code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. ". Aux termes de l'article 1473 du même code : " La cotisation foncière des entreprises est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés. ". Il résulte de l'article 1467 du code général des impôts que les immobilisations dont la valeur locative est intégrée dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue.
8. D'autre part, aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / (...) / 4° Les sols des bâtiments de toute nature et les terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions à l'exception des terrains occupés par les serres affectées à une exploitation agricole : / (...) ".
9. Pour contester les impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises en litige, la société Razel-Bec fait valoir que les installations temporaires de chantier en cause ne constituent pas des biens passibles de taxe foncière, au sens de l'article 1381 du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'a relevé le tribunal, que pour la réalisation des travaux commandés par le SIAAP, la SEP Razel-Sobea-GTM a procédé, pour la durée du chantier, à l'installation d'ensembles modulaires (ou bungalows), reliés par une pergola en bois, formant une " base de vie " d'une superficie totale de 1 584 m², à laquelle ont été ajoutés des parkings d'une superficie de 2 140 m² et destinée à servir de bureaux, de salles de réunion, de sanitaires, de vestiaires et de réfectoires tant pour le personnel encadrant qu'ouvrier. Si ces ensembles modulaires sont seulement posés sur le sol ou sur des parpaings, ils sont reliés à l'ensemble des réseaux et des scellements en béton ont été réalisés. Ainsi, des marches en béton ont été construites à l'avant des bungalows et des allées bétonnées ont été réalisées entre chaque rangée d'ensembles modulaires. En outre, bien que démontables et réutilisables, il est constant que ces éléments nécessitent pour être déplacés un semi-remorque et une grue de 35 tonnes. Dans ces conditions, quand bien même ces ensembles modulaires ne nécessitent pas une autorisation d'urbanisme et devaient être retirés au terme du chantier, ne présentant ainsi qu'un caractère provisoire, ils ne pouvaient être regardés, ainsi réunis, compte tenu de leurs caractéristiques et de leur importance, comme ayant vocation à être déplacés. Ces ensembles doivent ainsi s'analyser, contrairement à ce qui est soutenu, comme une installation destinée à abriter des personnes présentant le caractère d'une véritable construction au sens des dispositions précitées de l'article 1381 du code général des impôts.
10. Par ailleurs, dès lors que les installations en cause étaient placées sous l'entier contrôle et la responsabilité de la SEP Razel-Sobea-GTM pour lui permettre de mener à bien son activité professionnelle dans le cadre du marché public de travaux conclu avec le SIAAP, la circonstance que la SEP Razel-Sobea-GTM n'était pas propriétaire des terrains sur lesquels ont été installées les baraques de chantier en cause est sans incidence sur la propriété des constructions édifiées pour les besoins de son activité professionnelle et n'ayant pas vocation à demeurer sur les terrains en cause à l'expiration du contrat. En outre, la circonstance alléguée par la société requérante et tirée de ce que les chantiers de construction ne constituent pas des établissements selon le § 210 de la doctrine référencée CVAE-LIEU-10-2010701 est par ailleurs sans incidence dès lors qu'une telle notion n'est pas prise en compte pour la détermination de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises.
11. En outre, s'il est constant qu'une partie des bungalows constitutifs de la base de vie ont été loués par la SEP Razel-Sobea-GTM auprès de la société Yves Cougnaud location, lesquels n'ont pas été retenus par le service pour déterminer la superficie de la base de vie imposable, la société Razel-Bec ne saurait utilement se prévaloir de cette circonstance insusceptible de lui préjudicier.
12. Enfin, à titre subsidiaire, la société Razel-Bec conteste la méthode d'évaluation de la valeur locative imposable des bungalows de chantier en soutenant que cette valeur devait être déterminée non pas selon la méthode comparative prévue à l'article 1498 du code général des impôts mais selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du même code, qui est applicable aux immobilisations industrielles.
13. Aux termes du premier alinéa de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
14. Le service a, en l'espèce, fait application de la méthode par comparaison du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, alors en vigueur, en retenant une valeur locative de 12,20€ /m² puis un coefficient de revalorisation de 2,995 en 2013 à 3,079 en 2016. La société Razel-Bec expose que l'activité de chantier est une activité qui nécessite la mise en œuvre d'installations techniques, matériels et outillages dont le rôle est prépondérant et que les bungalows de chantier sont en l'espèce situés sur le lieu même du chantier, le tout formant ainsi une unité topographique. Toutefois, la société n'apporte aucun élément quant à la nature et à l'ampleur des moyens techniques, des matériels ou des outillages mis en œuvre pour l'installation de ces ensembles modulaires, y compris quant à l'existence d'une même unité topographique et ne met ainsi pas la cour à même de pouvoir apprécier leur importance et leur rôle dans l'activité de chantier assurée pendant la durée des travaux par les sociétés titulaires du marché. Par suite, le moyen tiré de la contestation de la méthode d'évaluation de la valeur locative foncière imposable ne peut qu'être écarté.
Sur la requête n° 22VE00911 :
S'agissant des conclusions tendant à la décharge de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement :
15. D'une part, aux termes de l'article 1599 quater C du code général des impôts :
" I. - Il est institué, au profit de la région d'Ile-de-France, une taxe annuelle sur les surfaces de stationnement. Cette taxe est perçue dans les limites territoriales de cette région. Le produit de la taxe est affecté en section d'investissement du budget de la région, en vue de financer les dépenses d'investissement en faveur des transports en commun. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; (...) ".
16. La taxe annuelle sur les surfaces de stationnement prévue par les dispositions précitées de l'article 1599 quater C du code général des impôts étant perçue au profit de la région d'Ile-de-France, elle constitue un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il en résulte que le jugement a, dans cette mesure, été rendu en premier et dernier ressort et n'est susceptible d'être contesté que par la voie d'un pourvoi en cassation. Il y a lieu, dès lors, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre ces conclusions au Conseil d'État.
S'agissant de la taxe annuelle sur les bureaux :
17. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts : " I.- Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. / II.- Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables (...). / La taxe est acquittée par le propriétaire (...), au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable. / III.- La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées (...) / 4° Pour les surfaces de stationnement, qui s'entendent des locaux ou aires, couvertes ou non couvertes annexées aux locaux mentionnés aux 1° à 3°, destinés au stationnement des véhicules, qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. "
18. Dès lors que les ensembles modulaires aménagés par la SEP Razel-Sobea-GTM entraient dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour les motifs indiqués au point 8, et que la nature de locaux à usage de bureaux au sens de l'article 231 ter du code général des impôts n'est pas contestée, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assujetti la société Razel-Bec, en sa qualité de propriétaire indivis des installations en cause, à la taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France au titre des années 2014, 2015 et 2016.
19. Il résulte de ce qui précède que la SASU Razel-Bec est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises établie au nom de la SEP Razel-Sobea-GTM, dont elle est la gérante, au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, laquelle doit être établie à son nom.
Sur les frais de l'instance :
20. L'État n'étant pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par la société Razel-Bec et non compris dans les dépens. Enfin, en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions de la société Razel-Bec tendant à la condamnation de l'État à leur paiement ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la SASU Razel-Bec tendant à l'annulation du jugement du 15 février 2022 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, sont transmises au Conseil d'État.
Article 2 : La SEP Razel-Sobea-GTM est déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016.
Article 3 : La cotisation foncière des entreprises mentionnée à l'article 2 est établie au nom de la SASU Razel-Bec en sa qualité de gérante de la SEP Razel-Sobea-GTM.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Razel-Bec et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente-assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.
La rapporteure,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-LedeyLa greffière,
T. Tollim
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N°s 22VE00910, 22VE00911