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07/05/2024 | FRANCE | N°22VE00906

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22VE00906


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) DW Promotion a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n°1906576 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur a

joutée correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation à la marge pour les ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) DW Promotion a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1906576 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation à la marge pour les cessions de terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon, à concurrence d'une somme de 31 002 euros, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 avril 2022, 18 août 2022 et 30 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement et de rejeter la demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation sur la marge pour les cessions de terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société DW Promotion pouvait prétendre à l'application du régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 268 du code général des impôts, pour les cessions des terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon réalisées en 2014 dès lors que ces terrains avaient, lors de leur acquisition, le caractère d'un terrain bâti ; la circonstance que le maire de la commune n'ait pas fait opposition, avant cette acquisition, à la déclaration préalable en vue de la division parcellaire du terrain est sans incidence, dès lors que cette division n'avait pas été réalisée à la date de l'acquisition des terrains ;

- la société ne saurait invoquer une doctrine administrative postérieure à la période d'imposition.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet 2022 et 22 juin 2023, la SARL DW Promotion, représentée par Me Desmorieux, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société fait valoir que :

- le régime de taxation sur la marge est applicable aux cessions des terrains situés à Saint-Germain-lès-Arpajon dès lors que ces terrains issus de la division parcellaire déclarée le 18 février 2011 n'étaient pas bâtis à la date de leur acquisition ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles des 17 mai et 12 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) DW Promotion, qui exerce une activité de marchand de biens et de lotisseur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service lui a adressé une proposition de rectification en date du 26 juin 2017, portant notamment sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation sur la marge pour les cessions réalisées dans les communes de Saint-Germain-lès-Arpajon et Longjumeau en 2014 et 2015. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé, à l'article 1er de ce jugement, la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation à la marge pour les cessions de terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon et a rejeté le surplus de la demande de la société. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

4. Il résulte de l'instruction que la société DW Promotion a acquis, le 30 mars 2011, un bien situé dans la commune de Saint-Germain-lès-Arpajon comprenant une maison d'habitation, une dépendance, un abri de jardin et un terrain, correspondant aux parcelles AP 46 et AP 242, d'une surface respective de 1 923 m² et de 442 m². La société avait auparavant déposé, le 18 février 2011, une déclaration préalable en vue de la division parcellaire de ce terrain en quatre lots (A, B, C et D), à laquelle le maire de la commune avait indiqué ne pas faire opposition par un arrêté du 22 mars 2011. Ainsi qu'en atteste le procès-verbal dressé par le centre des impôts fonciers et transmis à la conservation des hypothèques de Corbeil Essonnes le 21 juin 2011, la parcelle AP 46 a ensuite été divisée en deux parcelles : une parcelle AP 351, située 118 route de Leuville, d'une surface de 443 m², et une parcelle AP 352, située au n°120 de la même rue, d'une surface de 1 465 m². La société DW Promotion a vendu, le 24 juin 2011, la parcelle AP 351, correspondant à une maison d'habitation de plain-pied et un terrain, d'une surface totale de 443 m², à un particulier. Cette parcelle correspond au lot D du projet de division parcellaire déposé le 18 février 2011, lequel n'a pas, pour les autres lots prévus, été appliqué. En revanche, la société DW Promotion s'est vue délivrer, le 27 juin 2012, un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement de quatorze lots de terrains à bâtir sur les parcelles AP 471, AP 352 et AP 242. Ces trois parcelles ont ensuite été réunies en une parcelle intermédiaire, qui a été subdivisée en quinze nouvelles parcelles, numérotées AP 473 à AP 487, au vu d'un document d'arpentage établi par le service du cadastre le 14 juin 2013 publié au service de la publicité foncière le 17 juin suivant. La société DW Promotion a acquis le 14 décembre 2012 la parcelle AP 471, située 122 route de Leuville, d'une surface de 1 631 m², constituée d'un terrain à bâtir, provenant de la division de la parcelle AP 258 en deux lots, la parcelle AP 470 étant conservée par le vendeur. Enfin, la société DW Promotion a cédé en 2014 six des quatorze lots du lotissement, dont cinq provenant de l'acquisition du 30 mars 2011 (parcelles 475, 476, 479, 477 et 474).

5. Ainsi, bien que la société DW Promotion ait déposé, dès le 18 février 2011, une déclaration préalable en vue de la division parcellaire de l'unité foncière correspondant aux parcelles AP 46 et 242 et que le maire de la commune de Saint-Germain-lès-Arpajon n'y ait pas fait opposition par une décision du 22 mars 2011, l'acte d'acquisition de ce bien ne mentionne pas cette division et concerne un unique terrain comportant deux bâtiments, lequel constitue ainsi un terrain bâti. Si une partie de la parcelle AP 46, nouvellement désignée sous le n° 351, et correspondant au lot D du projet de division parcellaire déposé le 18 février 2011, a été vendue le 24 juin 2011, cette circonstance est postérieure à l'acquisition du terrain initial et est donc sans incidence sur la qualification de terrain bâti de l'ensemble de l'unité foncière au 30 mars 2011. Par suite, les opérations de cessions effectuées par la société DW Promotion en 2014 portant sur des terrains à bâtir issus de la division parcellaire d'un bien qui présentait le caractère, lors de son acquisition, de terrain bâti, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne saurait s'appliquer à ces cessions en l'absence d'identité juridique entre les biens achetés et les biens revendus.

6. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir était applicable pour les cessions de terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société DW Promotion devant le tribunal administratif de Versailles et devant la cour.

8. Si la société DW Promotions soutient que l'administration fiscale s'est fondée sur les paragraphes 10 et suivants de l'instruction BOI-TVA-IMM-10-20-10 pour procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et que leurs énonciations seraient illégales, celles-ci ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui figure au point 3 du présent arrêt.

9. Enfin, la société DW Promotion n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir des réponses ministérielles n° 96679 du 20 septembre 2016 faite à M. C..., n° 4171 du 17 mai 2018 faite à M. B... et n°4071 du 12 juin 2018 faite à M. A..., qui sont postérieures à la période d'imposition en cause et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société DW Promotion, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause de l'application du régime de la taxation à la marge pour les cessions de terrains à bâtir situés à Saint-Germain-lès-Arpajon. L'article 1er de ce jugement doit dès lors être annulé et les impositions correspondantes doivent être remises à la charge de la société DW Promotion.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société DW Promotion demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°1906576 du tribunal administratif de Versailles du 16 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : Le surplus de la demande présentée par la SARL DW Promotion devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL DW Promotion.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

E. TROALEN La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 22VE00906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00906
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL AURELIA SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22ve00906 ?
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