Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a informé de ce qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par une ordonnance n° 2308330 du 31 octobre 2023, la présidente du tribunal administratif de Versailles a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article R. 312-8 du code de justice administrative, la requête présentée par M. B....
Par un jugement n° 2314626 du 10 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Escuillié, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de mettre en œuvre toute mesure pour permettre son retour sur le territoire français ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 ou 6-4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans le délai d'un mois à compter de son retour sur le territoire français, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous la même astreinte ;
5°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions des 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, d'une part, il se trouvait en situation régulière à la date de cette décision et, d'autre part, il ne représente aucune menace pour l'ordre public ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégal dès lors qu'il se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 25 octobre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. B..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1988, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement n° 2314626 du 10 novembre 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 435-15-1 du même code : " Le dépôt d'une demande présentée au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 431-2 donne lieu à la délivrance immédiate d'une attestation dématérialisée de dépôt en ligne. Ce document ne justifie pas de la régularité du séjour de son titulaire. / Lorsque l'instruction d'une demande complète et déposée dans le respect des délais mentionnés à l'article R. 431-5 se poursuit au-delà de la date de validité du document de séjour détenu, le préfet est tenu de mettre à la disposition du demandeur via le téléservice mentionné au premier alinéa une attestation de prolongation de l'instruction de sa demande dont la durée de validité ne peut être supérieure à trois mois. Ce document, accompagné du document de séjour expiré, lui permet de justifier de la régularité de son séjour pendant la durée qu'il précise. Lorsque l'instruction se prolonge, en raison de circonstances particulières, au-delà de la date d'expiration de l'attestation, celle-ci est renouvelée aussi longtemps que le préfet n'a pas statué sur la demande. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., d'abord titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ", puis la mention " vie privée et familiale " pour la période allant du 12 août 2022 au 11 août 2023, a déposé une demande de renouvellement de son certificat de résidence. Si l'agent chargé de l'instruction a indiqué sur le logiciel de gestion des demandes de titre de séjour, le 5 septembre 2023 à 11h32, que la demande de M. B... faisait l'objet d'une " clôture ", estimant que le dossier ne pouvait être instruit en l'état, dès lors que l'identité de l'enfant de M. B... n'était pas renseignée correctement, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué qu'il aurait manqué à l'appui de cette demande de renouvellement l'un des documents ou l'une des pièces justificatives prévues aux articles R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier que la demande de l'intéressé a bien été enregistrée électroniquement le 1er août 2023, comme le précise l'attestation de prolongation d'instruction de la demande de renouvellement de certificat de résidence de M. B..., notifiée à ce dernier le 5 septembre 2023 en application des dispositions précitées de l'article R. 431-15-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et autorisant expressément la présence de l'intéressé en France du 5 septembre 2023 au 4 décembre 2023. La " décision de clôture " du 5 septembre 2023, à supposer même qu'elle ait été prise et notifiée postérieurement à l'attestation de prolongation d'instruction, ne précise nullement qu'elle retirerait ou abrogerait cette dernière, ni n'en fait d'ailleurs la moindre mention. Cette " décision de clôture " ne saurait en conséquence être assimilée ni à une décision de refus d'enregistrement de la demande de renouvellement du certificat de résidence de M. B..., ni à une décision de refus de délivrance du certificat de résidence sollicité. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé ne se maintenait pas irrégulièrement sur le territoire français. L'arrêté en litige est en conséquence entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
5. Il résulte des motifs retenus au point 3 du présent arrêt que M. B... ne pouvait être regardé comme ne résidant " pas régulièrement en France depuis plus de trois mois " au sens des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait fonder sur ces dispositions sa décision obligeant M. B... à quitter le territoire français sans entacher celle-ci d'une erreur de droit.
6. En dernier lieu, les décisions refusant d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant trois ans sont illégales par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation. Dès lors, ce jugement doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté en litige du 10 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. " Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
9. L'exécution du présent arrêt implique seulement, au regard des motifs d'annulation retenus par la Cour, que le préfet réexamine la situation du requérant. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2314626 du 10 novembre 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 25 octobre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de trois mois et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02666