Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2216097 du 21 août 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Calvo Pardo, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, dès lors que le préfet ne pouvait fonder sa décision sur la seule circonstance qu'elle a fait l'objet d'une condamnation pénale ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que les faits ayant justifié sa condamnation pénale sont anciens, qu'elle s'est conformée aux obligations de son contrôle judiciaire, que le risque de récidive est exclu, qu'elle justifie d'une insertion professionnelle stable et ancienne et que la mesure d'expulsion prise à son encontre est disproportionnée au regard des faits isolés pour lesquels elle a été sanctionnée ;
- eu égard à l'ancienneté de sa présence en France et de sa vie familiale avec un ressortissant français, et à la stabilité de son insertion professionnelle, la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion ;
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Calvo Pardo pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 5 décembre 1969, entrée irrégulièrement en France le 27 juillet 2010 a, à la suite de la conclusion le 27 août 2012 d'un pacte civil de solidarité (pacs) avec un citoyen français, été mise en possession d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " du 12 avril 2013 au 24 avril 2021. Dans le cadre de l'instruction de sa demande, présentée le 24 février 2021, de renouvellement de sa dernière carte de séjour pluriannuelle, après avis favorable de la commission d'expulsion, le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé son expulsion du territoire français par un arrêté du 20 octobre 2022. Mme A... relève appel du jugement du 21 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public (...) ".
3. En premier lieu, les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes mêmes de la décision contestée que le préfet ne s'est pas borné à prendre acte de sa condamnation pénale, mais a pris en compte l'ensemble des circonstances de sa situation, notamment le comportement de l'intéressée au regard du risque de récidive, ainsi que la condamnation de son concubin, pour estimer que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public. Le moyen manque par conséquent en fait.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été condamnée par un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Bordeaux du 19 octobre 2020, à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis pour des faits de proxénétisme aggravé commis à Toulouse entre le 1er janvier 2015 et le 29 février 2016. Si Mme A... minimise la gravité des infractions qui ont motivé cette condamnation, il ressort du jugement correctionnel, dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité de la chose jugée par le juge répressif, que Mme A... a, au moins au cours de la période de prévention, activement participé à un réseau de prostitution comportant plusieurs salons de massage dans toute la France, en procédant personnellement au recrutement de plusieurs prostituées, a délivré aux clients qui contactaient le salon après avoir vu des annonces sur internet des informations sans aucune ambiguïté sur la pratique des " finitions manuelles ", a fixé le tarif de cette prestation, dont l'une des masseuses précisait qu'elle était demandée par 80 % des clients, a organisé l'activité du salon de massage dont elle était la gérante et a perçu les produits de son activité illicite. Ces faits d'une particulière gravité, commis en 2016 et condamnés en 2020, étaient encore relativement récents à la date de l'arrêté contesté du 20 octobre 2022. Si Mme A... se prévaut de son insertion professionnelle, la poursuite de son activité de masseuse, en qualité de salariée de septembre 2016 à septembre 2020, puis à titre individuel, et de sa vie commune avec son partenaire de pacs, également condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont un an avec sursis pour proxénétisme aggravé, n'est pas de nature à prévenir le risque de récidive. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité de ces faits qui se sont déroulés sur une période d'au moins une année, alors même que l'intéressée s'est conformée aux obligations de son contrôle judiciaire, en considérant que la présence de Mme A... sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public à la date de sa décision, conformément d'ailleurs à l'avis du 16 septembre 2022 de la commission d'expulsion, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. L'arrêté contesté porte atteinte à la situation de Mme A..., compte tenu de la durée de sa présence en France depuis 2010, dont presque dix années de séjour régulier à la date de cet arrêté, et de son concubinage stable depuis 2012 avec son partenaire de pacs, qui souffre de problèmes de santé. Toutefois, eu égard à la gravité de la menace à l'ordre public que constitue sa présence en France et à la fragilité de son insertion professionnelle, alors que Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans et où résident ses deux enfants majeurs, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée et au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23VE02118