La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2024 | FRANCE | N°23VE00903

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 09 avril 2024, 23VE00903


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Godart a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté n° DDCS 2020-002 du 4 janvier 2020 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit d'exercer, contre rémunération ou à titre bénévole, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, pour une durée de six mois, et la décision du même jour le mettant en demeure de mettre fin à son activité d'exploitant d'établissement dans un délai d'une semaine.



Par un jugement n° 2001155 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Godart a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté n° DDCS 2020-002 du 4 janvier 2020 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit d'exercer, contre rémunération ou à titre bénévole, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, pour une durée de six mois, et la décision du même jour le mettant en demeure de mettre fin à son activité d'exploitant d'établissement dans un délai d'une semaine.

Par un jugement n° 2001155 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2022 sous le n° 22VE00249 et régularisée le 28 avril 2023, M. Godart, représenté par Me Arvis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont, à tort, considéré qu'il existait une situation d'urgence justifiant le non-respect du principe du contradictoire ; les deux jours au cours desquels des informations ont été recueillies auraient permis de mettre en œuvre une procédure contradictoire ; les pièces que l'administration a pris le temps de recueillir ne lui ont pas été communiquées ;

- à la date des décisions contestées, les seuls éléments portés à la connaissance de l'administration ne pouvaient justifier les décisions contestées.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2023, la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. Godart, président du Club Athlétique de l'Ouest (CAO 78), entraîneur bénévole d'athlétisme et salarié du club " Les Foulées de Saint-Germain-en-Laye ", mis en cause pour des faits d'attouchements sexuels et de harcèlement moral, physique et sexuel, a fait l'objet d'une décision du 4 janvier 2020 du préfet des Yvelines lui faisant interdiction temporaire d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, pour une durée de six mois, et d'une seconde décision du même jour le mettant en demeure de mettre fin à son activité d'exploitant d'établissement, dans le délai d'une semaine. Il relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R.741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que le greffier d'audience. Le moyen tiré du défaut de signature de la minute de la décision attaquée ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité des décisions contestées :

4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. - Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, (...), les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues à l'article L. 6113-5 du code du travail. / (...) ". Aux termes de l'article L. 212-13 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1. / L'autorité administrative peut, dans les mêmes formes, enjoindre à toute personne exerçant en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-2 de cesser son activité dans un délai déterminé. / Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'État, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. / (...) ".

5. En premier lieu, les décisions contestées visent les dispositions du code du sport dont elles font application et mentionnent les " faits d'attouchements sexuels envers des athlètes et notamment des jeunes filles mineures ", de " harcèlements moral, physique et sexuel " dont se sont plaints plusieurs athlètes du club, de " relations sexuelles (dont certaines avec des mineures) imposées et obtenues dans un contexte d'emprise psychologique " et de " pression psychologique sur les athlètes inadaptée à un cadre éducatif ", qui en constituent les motifs de fait. Ces décisions sont, ainsi, suffisamment motivées alors même qu'elles ne précisent ni les périodes auxquelles ces faits se seraient produits, ni leur fréquence. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque par conséquent en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Ces dispositions sont applicables, en vertu de l'article L. 211-2 du même code, aux " décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ", telles que les décisions par lesquelles le préfet interdit d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport. Toutefois, l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ".

7. En l'espèce, la gravité des faits portés à la connaissance du préfet, confirmée par les premiers éléments de l'enquête administrative, notamment des témoignages concordants de sportifs membres du club et de parents, confirmant le caractère de vraisemblance des faits dénoncés et faisant état de six plaintes déposées au commissariat de Saint-Germain-en-Laye, et l'imminence de la reprise des entraînements dispensés par M. Godart, le 6 janvier 2020, étaient de nature à caractériser une situation d'urgence et à justifier que les décisions contestées soient prises sans mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées au point précédent, qui n'imposent pas la communication préalable à l'intéressé de son dossier, peut être écarté.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le président de la Ligue d'Ile-de-France d'athlétisme et le maire de Saint-Germain-en-Laye, ont été alertés, le 2 janvier 2020, sur une " situation grave au CAO 78 " mettant en cause M. Godart, président et unique entraîneur du Club athlétique de l'Ouest, pour des faits de harcèlement moral, physique et sexuel. Dans son signalement adressé au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale, le maire de Saint-Germain-en-Laye a indiqué avoir reçu le témoignage d'une athlète l'informant de ce qu'elle avait déposé plainte et de ce que quatre ou cinq athlètes feraient de même sur la douzaine d'athlètes concernées. Les premières auditions de membres du club et de parents, recueillis dans le cadre de l'enquête administrative ouverte le 4 janvier 2020, ont confirmé le caractère de vraisemblance des faits d'attouchements sexuels sur mineures dans un contexte d'emprise psychologique. Dans ces conditions, à la date des décisions contestées, le préfet disposait d'éléments précis, circonstanciés et concordants, permettant de suspecter que le maintien en activité de M. Godart constituait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, et justifiant qu'il lui soit fait, temporairement, interdiction d'exercer les fonctions d'éducateur sportif et d'exploitant d'établissement.

9. Il résulte de ce tout qui précède que M. Godart n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Godart est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Godart et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.

La rapporteure,

O. DORIONLa présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23VE00903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00903
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05 Sports et jeux. - Sports.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET ARVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23ve00903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award