Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... X... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté n° DDCS 2020-183 du 17 juillet 2020 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit d'exercer, contre rémunération ou à titre bénévole, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport.
Par un jugement n° 2006016 du 6 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2022, M. X..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la violation des principes fondamentaux des droits de la défense en raison de l'anonymisation de l'ensemble du rapport d'enquête administrative et de l'absence de communication de l'ensemble des comptes-rendus d'audition et témoignages ;
- le jugement attaqué doit être annulé en raison de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, en ce que les premiers juges se sont uniquement fondés sur des témoignages anonymes pour considérer que les faits qui lui sont reprochés sont établis ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en ce qu'il fait mention de faits d'une extrême gravité sans apporter la moindre précision sur la période et la fréquence des faits reprochés, ni le nombre de victimes ; cet arrêté fait référence à des comptes-rendus d'audition et témoignages qui ne lui ont pas été communiqués ;
- en l'absence de communication des comptes-rendus d'audition des victimes et du fait de l'anonymisation du rapport d'enquête, le principe du caractère contradictoire de la procédure administrative préalable a été méconnu ;
- l'interdiction définitive d'exercer les fonctions visées à l'article L. 212-1 du code du sport, qui emporte de lourdes conséquences sur sa vie professionnelle, ne pouvait être prononcée à son encontre alors qu'il n'avait pas fait l'objet d'une condamnation pénale ; le préfet ne pouvait prendre cette mesure, au seul motif de l'ouverture d'une procédure pénale, sans méconnaître la présomption d'innocence ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2022 et 19 juillet 2023, la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. X..., président du Club athlétique de l'Ouest (CAO 78), entraîneur bénévole d'athlétisme et salarié du club " Les Foulées de Saint-Germain-en-Laye ", mis en cause pour des faits d'attouchements sexuels et de harcèlement moral, physique et sexuel, a fait l'objet d'une décision du 17 juillet 2020 du préfet des Yvelines lui faisant interdiction d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport. Il relève appel du jugement du 6 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "
3. En relevant que M. X... avait pu prendre connaissance du rapport administratif d'enquête comportant les témoignages anonymisés des treize personnes auditionnées, les premiers juges ont énoncé, au point 6 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels ils ont estimé que l'intéressé devait être regardé comme ayant reçu communication de l'ensemble des pièces qu'il était en droit d'obtenir, préalablement à l'intervention de la décision en litige. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté. Si M. X... conteste le bien-fondé de ces motifs, ce moyen relève de l'appréciation de la légalité de l'arrêté contesté et est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Il en est de même du moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu les droits de la défense et le droit à un procès équitable, en se fondant sur des témoignages anonymes pour considérer que les faits qui lui sont reprochés sont établis.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. - Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, (...), les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (...) ". Aux termes de l'article L. 212-13 du même code, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 (...) ".
5. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions du code du sport dont il fait application, ainsi que l'arrêté du 4 janvier 2020, lui-même motivé quant aux faits en litige, par lequel le préfet des Yvelines avait prononcé à l'encontre de M. X... une interdiction temporaire d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, et mentionne notamment les plaintes enregistrées aux commissariats de Saint-Germain-en-Laye et de Caen, les signalements effectués auprès du procureur de la République de Versailles au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, les courriers de dénonciation anonymes auprès de la ville de Saint-Germain-en-Laye, les signalements réalisés auprès de la fédération française d'athlétisme et du ministère des sports, le rapport de l'enquête administrative menée par la direction départementale de la cohésion sociale des Yvelines et la procédure judiciaire dont M. X... fait l'objet auprès du tribunal de grande instance de Versailles, ainsi que la procédure disciplinaire en cours devant la fédération française d'athlétisme. En se référant à ces procédures, le préfet des Yvelines a nécessairement fondé sa décision sur les faits reprochés à M. X... dans le cadre de ces poursuites et a, ainsi, suffisamment motivé sa décision, alors même que n'étaient pas précisés la nature des faits reprochés, la date de leur commission, leur fréquence, ni le nombre des victimes. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté manque en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Ces dispositions sont applicables, en vertu de l'article L. 211-2 du même code, aux " décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ", telles que les décisions par lesquelles le préfet interdit d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport.
7. Ni ces dispositions, ni celles du code du sport, non plus qu'aucun principe général du droit n'impose à l'autorité administrative, avant de prendre une décision d'interdiction d'exercice des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, de communiquer à l'intéressé l'intégralité des documents au vu desquels il entend fonder sa décision. En outre, lorsque la communication de témoignages et de comptes-rendus d'audition est de nature à porter gravement préjudice aux personnes entendues, il incombe à l'administration, non de les communiquer dans leur intégralité, mais d'informer l'intéressé de leur teneur, de telle sorte que, tout en veillant à la préservation des autres intérêts en présence, l'intéressé puisse se défendre utilement. En l'espèce, la communication à M. X... des trente-deux attestations de témoins et treize comptes-rendus d'audition recueillis au cours de l'enquête administrative était susceptible de porter préjudice aux déclarants et aux témoins entendus. En permettant à M. X... de consulter le dossier lors d'un entretien, le 18 février 2020, et en lui communiquant le rapport d'enquête qui reprend et cite de larges passages de ces témoignages sous une forme anonymisée, le préfet a informé l'intéressé des motifs de sa décision et mis celui-ci à même de les discuter. Dans ces conditions, les droits de la défense et le principe du contradictoire n'ont pas été méconnus.
8. En troisième lieu, la procédure administrative d'interdiction d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport est indépendante de la procédure pénale. Dans l'hypothèse où c'est à raison des mêmes faits que sont engagées parallèlement les deux procédures, l'autorité investie du pouvoir de police ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence en prononçant une mesure d'interdiction, fût-elle définitive, sans attendre que les juridictions répressives aient statué sur les poursuites.
9. En quatrième lieu, pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'enquête administrative diligentée par la direction départementale de la cohésion sociale des Yvelines, et des témoignages concordants qui y sont reproduits, que M. X... a entretenu des relations sexuelles simultanées avec plusieurs adhérentes du club, dont certaines mineures ; qu'il a, par menaces, chantage, propos humiliants, exigences en matière d'alimentation, de sorties et de fréquentations, et par son immixtion dans la vie personnelle de ses élèves et dans leur choix de vie, y compris leur orientation scolaire, exercé une pression psychologique relatée par plusieurs témoins ; que ceux-ci ont également dénoncé leur isolement du monde extérieur, de la fédération, des autres clubs, du monde médical et même de leur famille, M. X... interdisant notamment à ses athlètes de discuter avec les membres d'autres club ou leurs entraîneurs. En se bornant à contester de manière générale les faits qui lui sont reprochés, au motif que les témoignages ont été anonymisés et qu'il n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale, M. B..., qui admet avoir eu des relations sexuelles consenties avec des adhérentes du club, ne remet en cause ni l'authenticité de ces témoignages, ni la véracité des faits. Dans ces conditions, ces pratiques, notamment l'existence de relations sexuelles avec des mineures placées sous son autorité et l'emprise physique et psychologique exercée par M. X..., sous couvert de préparation mentale et de performance sportive, sont suffisamment établies et constituent un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants de nature à justifier la décision contestée.
10. En dernier lieu, l'interdiction faite à M. X... d'exercer les activités mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport ne présente pas un caractère définitif, dès lors que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, de l'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants. En l'espèce, eu égard à la gravité des faits portés à la connaissance de l'autorité préfectorale, la décision d'interdiction prise à l'encontre de M. X..., sans en préciser la durée, n'est pas disproportionnée.
11. Il résulte de ce tout qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... X... et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.
La rapporteure,
O. DORIONLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE00249