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04/04/2024 | FRANCE | N°22VE00794

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 04 avril 2024, 22VE00794


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Cromology services a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire lui a infligé une amende administrative de 562 694 euros, ou à titre subsidiaire, de réformer cette décision.



Par un jugement n° 1909636 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené la sanction pro

noncée à l'encontre de la société Cromology services le 21 juin 2019 à un montant de 281 347 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cromology services a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire lui a infligé une amende administrative de 562 694 euros, ou à titre subsidiaire, de réformer cette décision.

Par un jugement n° 1909636 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené la sanction prononcée à l'encontre de la société Cromology services le 21 juin 2019 à un montant de 281 347 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par cette société.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, la société Cromology services, représentée par Me Grinfogel, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire lui a infligé une amende administrative de 562 694 euros ;

3°) d'ordonner le remboursement de toute somme mise en recouvrement avant l'annulation des décisions attaquées, assortie des intérêts au taux légal ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que l'instruction n'a pas été rouverte en dépit de la production d'un mémoire enregistré le 7 janvier 2022 contenant des éléments de droit et de fait nouveaux, qu'elle n'était pas en mesure de produire avant la clôture de l'instruction ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en matière de plein contentieux des sanctions administratives en faisant application des nouvelles dispositions de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement à la place de celles de l'article L. 541-10-11 du même code, dans leur version applicable à la date de la sanction attaquée ;

- il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée ;

- les premiers juges ont méconnu son droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas tenu compte de certaines pièces qu'elle a produites devant eux ;

- il est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;

- il est irrégulier en tant que les premiers juges ont dénaturé l'un des moyens qu'elle a soulevé devant eux, tiré de la critique du calcul de l'amende retenue par l'administration ;

- l'amende administrative est entachée d'irrégularité en raison de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée ;

- elle méconnaît le principe d'impartialité ;

- elle est irrégulière en ce qu'elle méconnaît les garanties procédurales prévues par l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement et par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que les droits de la défense ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne les manquements reprochés à la société, ainsi que sur le montant de l'amende ;

- elle est entachée d'irrégularité en ce qu'elle ne mentionne pas le délai et les modalités de paiement de l'amende ;

- elle méconnaît le principe de non-rétroactivité de la loi répressive la plus sévère ;

- elle méconnaît les principe de légalité des délits et des peines, ainsi que le principe d'application immédiate de la loi répressive la plus douce ;

- elle méconnaît le principe de nécessité des délits et des peines ;

- elle méconnaît l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, notamment en ce qui concerne le nombre d'unités, le montant de l'amende par unité de produit concerné, les avantages retirés, le fait que l'exposante a été sanctionnée en sa qualité d'administrateur de la société EcoDDS, et le facteur de gravité retenu ;

- elle méconnaît les articles 10-1, 10-2 et 13-1 de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoirs ;

- elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

La requête a été communiquée le 12 juillet 2022 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire en défense ou d'observations.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 septembre 2022, la société Cromology services a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement dans sa version antérieure à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement issu de la recodification de l'article L. 541-10-11 opérée par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, puis modifié par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de l'article L. 541-10 II du code de l'environnement dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et, enfin, de l'article L. 541-10 I et II du code de l'environnement dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2020-105.

Par une ordonnance n° 22VE00793-22VE00794 du 30 juin 2023, le premier vice-président de la Cour, président de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement dans sa version antérieure à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et de rejeter le surplus.

Par une décision n° 475737 du 29 septembre 2023, le Conseil d'Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Grinfogel pour la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cromology services, spécialisée dans le secteur de la fabrication de peintures et de produits de décoration, a une activité génératrice de " déchets diffus spécifiques ménagers " (DDS ménagers). Conformément au principe de la responsabilité élargie des producteurs énoncé par les dispositions figurant au II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement, cette société a choisi de participer à la mise en place d'un éco-organisme nommé " EcoDDS ". A la suite de l'expiration de son agrément, survenue le 31 décembre 2018, et dans l'attente d'un nouvel agrément, cette société EcoDDS a temporairement suspendu la collecte des DDS ménagers à compter du 11 janvier 2019. Par une décision du 21 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a infligé à la société Cromology services une amende administrative d'un montant de 562 694 euros motivée par le manquement à ses obligations découlant de sa responsabilité élargie en tant que producteur de DDS ménagers, au cours de la période allant du 11 au 29 janvier 2019. La société Cromology services fait appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est borné à ramener la sanction prononcée à son encontre à la somme de 281 347 euros.

2. Aux termes de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " En cas d'inobservation d'une prescription définie par la présente section ou les textes réglementaires pris pour son application, le ministre chargé de l'environnement avise la personne intéressée des faits qui lui sont reprochés et de la sanction qu'elle encourt. La personne intéressée est mise à même de présenter ses observations, écrites ou orales, dans le délai d'un mois, le cas échéant, assistée d'un conseil ou représentée par un mandataire de son choix. / Au terme de cette procédure, le ministre chargé de l'environnement peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. Ce montant ne peut excéder, par unité ou par tonne de produit concerné, 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale. La décision mentionne le délai et les modalités de paiement de l'amende. / Les sanctions administratives mentionnées au présent article sont recouvrées comme des créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 541-9-5 du même code : " En cas d'inobservation d'une prescription définie à la présente section, le ministre chargé de l'environnement avise la personne intéressée des faits qui lui sont reprochés et de la sanction qu'elle encourt. La personne intéressée est mise à même de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois et peut être, le cas échéant, assistée d'un conseil ou représentée par un mandataire de son choix. / Au terme de cette procédure, le ministre chargé de l'environnement peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. Ce montant ne peut excéder, par unité ou par tonne de produit concerné, 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale. La décision mentionne le délai et les modalités de paiement de l'amende. Le ministre chargé de l'environnement peut également, dans les mêmes conditions, ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 20 000 € à compter d'une date fixée par la décision jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites. / Lorsque le manquement concerne l'inobservation de l'obligation de responsabilité élargie du producteur prévue à l'article L. 541-10, les montants mentionnés au deuxième alinéa du présent article sont déterminés en tenant compte, d'une part, de la quantité annuelle moyenne estimée de produits mis sur le marché par le producteur rapportée à la durée du manquement et, d'autre part, de la contribution financière unitaire maximale établie par les éco-organismes agréés de la filière concernée et, le cas échéant, des coûts de gestion des déchets supportés par les systèmes individuels agréés sur la même filière. (...) ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fixé la date de clôture de l'instruction au 16 décembre 2020, puis jugé l'affaire après une audience qui s'est tenue le 18 janvier 2022, par un jugement mis à disposition le 1er février 2022.

5. La société Cromology services soutient, d'une part, que si les premiers juges ont bien visé son mémoire enregistré le 7 janvier 2022, ils ont entaché leur décision d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction à la suite de sa production dès lors qu'il contenait selon elle un moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère et à la nécessité d'appliquer immédiatement la loi répressive la plus douce, ainsi qu'un autre moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales portant sur le droit à un procès équitable, c'est-à-dire des éléments de fait et de droit nouveaux qu'elle n'était pas en mesure de produire avant la clôture et qui étaient susceptibles d'exercer une influence sur le sens du jugement. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces moyens comportaient une circonstance de fait ou un élément de droit dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui étaient susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

6. Si la société requérante soutient, d'autre part, que son mémoire du 7 janvier 2022 fait pour la première fois référence à un arrêté rectificatif publié le 24 janvier 2019 par lequel l'administration a modifié la méthode de calcul de la dotation aux provisions pour charges futures applicable aux éco-organismes, cette référence ne constitue pas un élément de droit nouveau dans la mesure où il se rapporte à un acte antérieur à la décision attaquée. En outre il résulte de l'instruction que cet élément figurait déjà à la page 15 de son mémoire en duplique récapitulatif, enregistré le 30 novembre 2020, préalablement à la clôture de l'instruction, qui a été communiqué.

7. Si la société requérante fait observer, en outre, que son mémoire du 7 janvier 2022 fait référence à des jugements de tribunaux administratif autres que celui de Cergy-Pontoise intervenus postérieurement à la clôture, il ne s'agit pas là de décisions analogues à un arrêt du Conseil d'Etat qui aurait pour conséquence que le juge doive régler le litige sur un autre terrain juridique que celui sur lequel les parties ont débattu.

8. Si la société requérante affirme, par ailleurs, avoir pour la première fois dans son mémoire du 7 janvier 2022 indiqué que les nouveaux critères de calcul de l'amende imposés par le nouvel article L. 541-9-5 du code de l'environnement entré en vigueur le 25 août 2021 qui se réfèrent à la quantité annuelle moyenne de produits donnant lieu à DDS ménagers mis sur le marché et non à la quantité exacte observée au cours de la période litigieuse pour faire échec à des jugements émanant de plusieurs tribunaux administratifs, ces nouvelles dispositions plus précises que celles applicables au moment de l'édiction de la décision attaquée, qui ne prohibaient pas le recours à la moyenne, ne pouvaient en tout état de cause s'appliquer et ne constituaient donc pas une circonstance de droit nouvelle.

9. Enfin, si la société requérante affirme avoir pour la première fois dans son mémoire du 7 janvier 2022 invoqué la circonstance que le régime de sanctions défini par l'article L. 541-10-11 que l'administration a appliqué pour fonder la sanction litigieuse a été transféré au sein du nouvel article L. 541-9-5 institué par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, dont l'entrée en vigueur est intervenue le 1er janvier 2021, et qu'entre le 13 février et le 31 décembre 2020 ce régime n'était plus en vigueur, cette simple affirmation ne constitue pas une circonstance de droit nouvelle dès lors qu'elle concerne une période postérieure à la décision attaquée et qu'elle n'est en tout état de cause plus le reflet du droit positif. Ce moyen doit donc être écarté en toutes ses branches.

10. En deuxième lieu, la société Cromology services soutient que les premiers juges ont méconnu leur office de juge du plein contentieux des sanctions administratives dès lors qu'ils ont fait application des nouvelles dispositions de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement, alors qu'elles sont plus sévères que celles de l'article L. 541-10-11 du même code dans sa version applicable à la date de la décision attaquée. Cependant, nonobstant le fait que ces nouvelles dispositions ont institué une sanction complémentaire permettant au ministre d'infliger le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 20 000 euros à compter d'une date fixée par la décision, jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites, l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement a encadré davantage l'usage du pouvoir de sanction de l'administration en définissant de nouvelles modalités de calcul de l'amende infligée en cas d'inobservation de l'obligation de responsabilité élargie du producteur. Dès lors, à supposer même que les premiers juges aient appliqué les nouvelles dispositions de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement, ce qui ne ressort d'ailleurs pas des termes du jugement attaqué, il résulte de l'instruction que les dispositions plus sévères énoncées par cet article n'ont pas été appliquées à l'amende contestée.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la sanction en litige, les premiers juges ont indiqué, au point 3 de leur jugement, que les articles 1er et 3 du décret n° 2017-1148 du 10 juillet 2017 relatif aux attributions de la secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, délèguent à Mme Brune Poirson la compétence pour traiter de toutes les affaires confiées par le ministre de la transition écologique et solidaire, qu'en " l'absence de circonstance révélant une opposition [du ministre], elle était compétente pour prendre la décision de sanction attaquée, sans que cette délégation ne puisse être regardée comme trop générale ou imprécise " et, enfin, que " la délégation consentie par le décret du 10 juillet 2017, pris en conseil des ministres par le Président de la République, n'était pas devenue caduque malgré le changement de ministre de la transition écologique et solidaire ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ont ainsi répondu, par une motivation suffisante, au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Le moyen tiré de l'existence d'une insuffisance de motivation du jugement sur ce point doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, d'une part, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention. Les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Si la société Cromology services soutient que les premiers juges ont méconnu son droit à un procès équitable et son droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination, en s'étant abstenus de demander aux producteurs sanctionnés les données journalières relatives aux produits mis sur le marché durant la période allant du 11 au 29 janvier 2019, et ainsi inversé la charge de la preuve s'agissant du montant de l'éco-contribution à prendre en compte, ces moyens ne peuvent qu'être écartés dès lors qu'elle était seule en mesure de produire ces données au débat contentieux pour contester le montant de l'amende litigieuse.

13. En cinquième lieu, si la société Cromology services fait valoir que les premiers juges n'ont pas tenu compte des pièces nos 27 et 33 relatives aux tarifs de l'éco-organisme qu'elle a produite, et que, par conséquent, ils ne pouvaient valablement écarter son moyen tiré du caractère disproportionné du montant de la sanction au motif qu'elle ne produisait aucun élément de nature à révéler que le montant moyen de l'éco-contribution retenue par la décision attaquée était erroné, ce moyen, qui a pour objet de contester le montant de l'amende retenue par le tribunal administratif au titre de la sanction contestée, se rattache au bien-fondé du litige et est sans incidence sur sa régularité.

14. En sixième lieu, si la société requérante soutient que le jugement est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif dès lors que, d'une part, il remet en cause le coefficient de gravité de 3 retenu par l'administration, et que, d'autre part, il ramène le montant de l'amende initiale à la somme de 281 347 euros alors que ce montant est supérieur aux résultats des calculs réalisés sur la base d'un facteur de gravité de 1,5, cette contradiction alléguée vise à contester le calcul du montant de l'amende retenu par les premiers juges, c'est-à-dire les motifs du jugement, et non leur interaction avec son dispositif. Ce moyen se rattache également au bien-fondé et est donc sans incidence sur la régularité du jugement.

15. Enfin, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une " dénaturation " d'un moyen qu'auraient commise les premiers juges, pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur l'amende administrative :

En ce qui concerne la régularité de l'amende administrative :

16. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-1148 du 10 juillet 2017 relatif aux attributions de la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire : " Mme Brune POIRSON, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, connaît de toutes les affaires que lui confie le ministre de la transition écologique et solidaire ". Si la société requérante soutient que Mme Brune Poirson n'était plus compétente à la date de la décision attaquée du fait d'un changement de ministre intervenu après l'édiction de ce décret, il ressort des termes de ce décret qu'il accorde une délégation à l'intéressée à raison de ses fonctions de secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire indépendamment du titulaire de cette fonction ministérielle. En l'absence d'élément révélant une opposition du ministre de la transition écologique et solidaire à l'exercice de cette compétence, Mme Brune Poirson était bien habilitée à prendre la sanction en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteure de la décision contestée du 21 juin 2019 doit être écarté.

17. En deuxième lieu, la société Cromology services soutient que le ministre de la transition écologique et solidaire a méconnu le principe d'impartialité en la sanctionnant alors qu'il avait commis plusieurs illégalités dans le cadre du traitement de la demande de renouvellement de l'agrément de la société EcoDDS. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier du 11 janvier 2019, que la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire a souhaité, avant d'envisager une quelconque sanction administrative, rappeler au président directeur général de la société Cromology services les obligations qui lui incombaient au titre de sa responsabilité élargie de producteur. En outre, alors qu'il était facultatif, ce courrier a complété la mise en demeure faite le même jour par le directeur général de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'Etat n'a pas prolongé la période de la sanction au-delà du 20 janvier 2019, alors que les manquements reprochés à la société requérante se sont poursuivis jusqu'au mois de mars 2019.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ".

19. Si la société Cromology services soutient que, par son courrier du 11 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire ne l'a pas informée de la possibilité de présenter des observations dans un délai déterminé, ni n'a mentionné son droit à disposer d'un avocat, il résulte de l'instruction qu'elle a présenté ses observations sur l'éventualité d'une sanction par un courrier du 15 janvier 2019, après avoir été informée de l'ensemble de ces garanties par un second courrier émanant du directeur général de la prévention des risques daté du 11 janvier 2019, lequel l'a mis en demeure, sur le fondement des articles L. 541-10 et R. 543-228 et suivants du code de l'environnement, dans un délai d'un mois, de procéder à la régularisation de sa situation à compter du 1er janvier 2019, en l'informant de la possibilité de se faire assister ou représenter par un avocat. La société requérante ne peut donc utilement soutenir qu'elle n'a pas été informée de cette possibilité préalablement à sa participation à la réunion du 1er février 2019, alors que celle-ci s'est tenue dans le délai d'un mois fixé par la mise en demeure. De même, il n'est pas contesté par la société requérante qu'elle a pu s'opposer au principe même de la sanction dans ce délai. Enfin, contrairement à ce que soutient la société Cromology services, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ni de celles de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement dans sa version applicable à la date de la sanction, que la mise en demeure du 11 janvier 2019 devait mentionner un montant prévisionnel de la sanction encourue, d'autant que les manquements relatifs à l'article L. 541-10 du code de l'environnement n'avaient pas encore cessés à cette date. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties procédurales édictées par l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement et l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et, plus généralement, des droits de la défense, doit être écarté en toutes ses branches.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait nécessaires au calcul de la sanction prononcée, notamment en ce qui concerne les avantages liés à l'absence de versement de contributions pour la période allant du 11 au 29 janvier 2019. La société Cromology services ne peut utilement soulever l'insuffisance de motivation de la décision attaquée en se fondant sur le contenu d'autres documents tels que le courrier de notification de la décision du 21 juin 2019 ou les échanges relatifs à la procédure d'agrément de la société EcoDDS. Si la société Cromology services conteste la motivation du montant de l'amende relative aux avantages qu'elle aurait retiré du manquement à ses obligations, notamment en ce que la décision attaquée ne précise pas le montant de la contribution unitaire, qui correspond aux produits mis sur le marché sur la période contestée, elle n'établit ni même n'allègue avoir communiqué à l'administration, préalablement au prononcé de la sanction en litige, une liste détaillée des produits qu'elle a mis sur le marché sur cette période. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'amende prononcée par le ministre de la transition écologique et solidaire doit être écarté en toutes ses branches.

21. En dernier lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement : " (...) La décision mentionne le délai et les modalités de paiement de l'amende. (...) ". S'il résulte de l'instruction que la sanction prononcée par le ministre de la transition écologique et solidaire le 21 juin 2019 ne mentionne pas le délai et les modalités de paiement de l'amende, cette lacune est sans incidence sur la légalité de la sanction contestée.

En ce qui concerne le bien-fondé d'une amende administrative :

22. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour calculer l'amende litigieuse du 21 juin 2019 le ministre s'est notamment référé à la quantité annuelle moyenne de produits donnant lieu à DDS ménagers mis sur le marché au cours des années 2016 à 2018 et non à la quantité exacte observée au cours de la période litigieuse. Si ce mode de calcul s'impose depuis le 25 août 2021, conformément à l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, il n'était pas prohibé à la date à laquelle la sanction contestée a été édictée sur le fondement de l'article L. 541-10-11 du même code. Par suite, le ministre de la transition écologique et solidaire n'a pas méconnu le principe de rétroactivité de la loi répressive la plus douce.

23. En deuxième lieu, la société requérante soutient que l'amende contestée méconnaît les principes de légalité des délits et des peines, ainsi que celui de rétroactivité de la loi répressive la plus douce en affirmant que la sanction fixée par l'administration sur le fondement de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement aurait été supprimée entre le 13 février et le 31 décembre 2020. Il résulte de l'instruction que la sanction en litige a été infligée à la société Cromology services, le 21 juin 2019, soit antérieurement à la modification de cet article introduite par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 qui institue l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement. En outre, il ne ressort ni des textes législatifs invoqués, ni des débats parlementaires, que le législateur aurait entendu supprimer temporairement cette sanction entre le 13 février et le 31 décembre 2020. Par suite, les moyens tirés de la violation des principes de légalité des délits et des peines, ainsi que celui de rétroactivité de la loi répressive la plus douce ne peuvent qu'être écartés.

24. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 541-10 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la sanction attaquée : " (...) II. - En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. / Les producteurs, importateurs et distributeurs, auxquels l'obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section et sous réserve desdites dispositions, s'acquittent de leur obligation en mettant en place des systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ou en mettant en place collectivement des éco-organismes, organismes auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance. / Les éco-organismes sont agréés par l'Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière. (...) ".

25. Si la société requérante fait valoir qu'elle ne peut être tenue comme responsable des carences l'éco-organisme EcoDDS, ceci ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit sanctionnée en raison de l'absence de traitement par ses soins des DDS Ménagers au cours de la période litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'amende contestée du principe de nécessité des délits et des peines doit être écarté.

26. En quatrième lieu, le régime des agréments des éco-organismes est régi par la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et non par les articles 9 à 13 de la directive " service " n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006. La société Cromology services ne peut donc utilement exciper de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 541-10 au regard des articles 10, 11 et 13 de la directive " service " de 2006.

27. En cinquième lieu, la société Cromology services soutient que la sanction attaquée méconnaît le principe d'égalité devant la loi dès lors que seuls les 11 producteurs, administrateurs de la société EcoDDS, sur les 808 adhérents de l'éco-organisme ont été sanctionnés. Toutefois, il n'est pas établi que ces 11 producteurs se trouveraient dans une situation identique à celle des 808 producteurs-adhérents.

28. En dernier lieu, si la société requérante soutient que la décision du 21 juin 2019 est entachée d'un détournement de pouvoir en ce que le ministre de la transition écologique et solidaire aurait cherché à sanctionner les administrateurs de la société EcoDDS afin de " faire pression " sur l'éco-organisme et, plus généralement, les producteurs de produits générateurs de DDS ménagers, accusés de blocage, alors qu'ils ne représentent qu'un seul des cinq collèges de la commission des filières à responsabilité élargie des producteurs et que l'avis de cette commission n'est pas contraignant, ceci n'est pas établi.

En ce qui concerne le montant de l'amende administrative :

29. Aux termes de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la sanction en litige : " (...) Au terme de cette procédure, le ministre chargé de l'environnement peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. (...) ". Aux termes de l'article L. 541-9-5 du même code, actuellement en vigueur : " (...) Au terme de cette procédure, le ministre chargé de l'environnement peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. (...) / Lorsque le manquement concerne l'inobservation de l'obligation de responsabilité élargie du producteur prévue à l'article L. 541-10, les montants mentionnés au deuxième alinéa du présent article sont déterminés en tenant compte, d'une part, de la quantité annuelle moyenne estimée de produits mis sur le marché par le producteur rapportée à la durée du manquement et, d'autre part, de la contribution financière unitaire maximale établie par les éco-organismes agréés de la filière concernée et, le cas échéant, des coûts de gestion des déchets supportés par les systèmes individuels agréés sur la même filière. (...) ".

30. Il résulte de l'instruction que pour déterminer le montant de l'amende administrative infligée à la société Cromology services, 562 694 euros, le ministre chargé de l'écologie a, conformément au mode de calcul défini par les dispositions précitées, d'abord évalué la quantité annuelle moyenne estimée de produits générateurs de DDS ménagers mis sur le marché par cette société productrice, exprimée en tonnes, en se fondant sur les années 2016, 2017 et 2018, soit 43 943 tonnes par an, pour aboutir à une quantité journalière moyenne, qu'il a ensuite rapportée c'est-à-dire multipliée par la durée du manquement de dix-huit jours retenue au cours de laquelle ces déchets n'ont pas été traités par cette société, ni par l'opérateur EcoDDS, et au titre de laquelle l'Etat a sanctionné cette société, soit 2 167,05 tonnes, puis multiplié ce volume par le montant moyen de l'éco-contribution que la société requérante aurait dû verser à la société EcoDDS pour les catégories de produits concernées au vu des barèmes figurant au dossier, soit 187 564,667 euros, et enfin multiplié par trois pour tenir compte de la gravité du manquement constaté au regard notamment des actions que les collectivités territoriales chargées de la collecte et du traitement des déchets ont dû entreprendre.

31. En premier lieu, si la société Cromology services soutient que l'administration ne pouvait, à la date de la sanction attaquée, se fonder sur la moyenne de tonnes de produits émis sur les années 2016 à 2018 alors que le manquement concerne l'année 2019 et que cette méthode ne permet pas de prendre en compte la fluctuation importante des ventes de produits de bricolage et de jardinage en cours d'année, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le montant retenu par l'administration surestime le nombre de tonnes de produits émises sur le marché durant la période de manquement 11 au 29 janvier 2019, alors qu'elle est la seule à même de produire ces éléments.

32. En second lieu, la société Cromology services soutient que l'administration ne pouvait, à la date de la sanction attaquée, retenir le montant moyen de l'éco-contribution dès lors que, selon elle, cela revient à faire varier le montant de l'amende en fonction des tarifs fixés par l'éco-organisme. Toutefois, en vertu de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, le montant de l'amende doit tenir compte des avantages retirés des manquements constatés. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration pouvait calculer le montant de cette amende en fonction de l'éco-contribution non versée par les sociétés sanctionnées du fait de l'absence d'agrément d'EcoDDS. Ce montant varie par ailleurs nécessairement en fonction des tarifs de l'éco-organisme et du type de produits mis sur le marché par chaque société, les tarifs étant très différents selon les produits concernés, ce qui peut expliquer la différence du montant retenu par l'administration pour chacune des sociétés sanctionnées. La société Cromology services, qui critique le montant moyen de l'éco-contribution retenu par la décision attaquée, ne produit aucun élément de nature à révéler qu'il est erroné, alors qu'elle est la seule à même de le faire.

33. Enfin, il est loisible à l'autorité compétente de tenir compte, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire et sous le contrôle du juge administratif, des circonstances dans lesquelles les manquements sont intervenus, et notamment des volumes de déchets ayant fait l'objet du manquement constaté, lesquels sont en lien avec la gravité du manquement, les avantages qu'a pu en retirer le producteur de déchets qui ne respecte pas ses obligations en matière de gestion des déchets, et les conséquences défavorables qui ont pu en résulter pour les collectivités territoriales chargées de la collecte des déchets. Le montant de cette amende ne doit pas être disproportionné par rapport aux manquements imputés aux personnes responsables.

34. Il résulte de l'instruction, qu'en dépit du fait que la société Cromology services est l'un des administrateurs de l'éco-organisme EcoDDS, la période de manquement, difficilement prévisible et qui n'est en l'espèce que de 18 jours, ne permettait pas à la société requérante de mettre en place son propre système de traitement des déchets pour compenser la carence temporaire de cet éco-organisme liée au retard observé pour son agrément. Par suite l'administration n'était pas fondée à majorer l'amende en appliquant un coefficient multiplicateur, qui doit donc être supprimé. Il y a donc lieu de réformer le montant de cette sanction en supprimant la prise en compte d'un facteur de gravité reposant sur l'application d'un coefficient multiplicateur. Le montant de l'amende infligée à la société Cromology services doit être ramené à la somme de 187 564,667 euros.

35. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cromology services est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené le montant de l'amende administrative à seulement la somme de 281 347 euros.

Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes déjà mises en recouvrement assortie des intérêts au taux légal :

36. Il résulte de l'instruction que la société Cromology services ne produit aucun élément de nature à évaluer le montant des sommes qu'elle aurait déjà versées. Par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

37. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme de 6 000 euros que la société Cromology services demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1909636 du 1er février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le montant de la sanction infligée à la société Cromology services par l'amende contestée est ramené à la somme de 187 564,667 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cromology services et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-rapporteur,

B. EVEN

L'assesseure la plus ancienne,

B. AVENTINO

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22VE00794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00794
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : GRINFOGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22ve00794 ?
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