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26/03/2024 | FRANCE | N°22VE00441

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 26 mars 2024, 22VE00441


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n°1901836-1901845 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 février 2022, Mme B..., représentée par Me Bouquet, avocat, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n°1901836-1901845 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2022, Mme B..., représentée par Me Bouquet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée faute de préciser la méthode de calcul des revenus regardés comme distribués ;

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une part du bien-fondé des réintégrations opérées dans les résultats de la SARL Ecole de conduite de Vauréal, d'autre part, de ce que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à sa disposition effective ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est sommaire, dès lors que le nombre d'heures de cours pris en compte n'est pas cohérent avec le nombre d'heures effectuées par le personnel enseignant, qu'elle ne tient pas compte de la cession de créneaux pour passer l'épreuve théorique du permis de conduire à d'autres auto-écoles, qu'elle surestime le nombre d'heures déduits aux évaluations ; elle est en outre viciée dans son principe, dès lors qu'elle est fondée sur des chiffres établis pour une année civile et non pour les périodes correspondant aux exercices en litige ;

- la décision d'appliquer une majoration de 40% n'est pas suffisamment motivée ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet des conclusions de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par la requérante sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ecole de conduite de Vauréal, dont Mme B... est associée et gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015, à l'issue de laquelle l'administration a écarté la comptabilité de la société et a reconstitué son chiffre d'affaires. Le rehaussement du résultat imposable de la SARL Ecole de conduite de Vauréal ayant été regardé comme distribué et Mme B... s'étant désignée comme unique bénéficiaire des revenus regardés comme distribués, le service vérificateur en a tiré les conséquences sur son imposition sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 2013 à 2015. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont ainsi été mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015, selon la procédure de rectification contradictoire.

2. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 31 décembre 2021, en tant qu'il rejette sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 à 2015.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.

4. En l'espèce, la proposition de rectification adressée le 20 décembre 2016 à Mme B... fait état de la proposition de rectification n°3924 adressée à la SARL Ecole de conduite de Vauréal, le 22 août 2016, à la suite de la vérification de comptabilité de la société portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015, et mentionne que dans ce cadre, des rehaussements du résultat imposable de la société ont été considérés comme distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, en précisant les montants des revenus considérés comme distribués pour chacune des trois années concernées. La proposition mentionne que Mme B... s'est désignée comme l'unique bénéficiaire de ces revenus considérés comme distribués, réintégrés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Si la proposition de rectification du 20 décembre 2016 ne reprend pas elle-même les motifs des rehaussements du résultat de la société, elle se réfère précisément à la proposition de rectification adressée à cette dernière, laquelle mentionne quant à elle le fait que la comptabilité de la société a été considérée comme irrégulière en la forme et non probante en l'absence d'enregistrement quotidien des recettes et en présence d'omission de reports de recettes dans les registres tenus manuellement, et indique les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires mises en œuvre par le service pour déterminer le montant du résultat imposable de la société. Ainsi, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 20 décembre 2016 ne serait pas suffisamment motivée manque en fait.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. (...) ".

6. Lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt. Il appartient, en revanche, à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution dès lors que le bénéficiaire désigné a refusé les redressements qui lui ont été notifiés.

En ce qui concerne la reconstitution des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés de la SARL Ecole de conduite de Vauréal :

7. Le service, qui a estimé, sans que Mme B... ne le conteste, que la comptabilité de la société " Ecole de conduite de Vauréal " était irrégulière en la forme et non probante, s'est fondé pour reconstituer les recettes de la société sur le nombre d'heures moyen nécessaire aux élèves de l'auto-école pour obtenir le permis de conduire, estimé à partir des 211 fiches individuelles des candidats établies par la société, le nombre de candidats inscrits à l'épreuve pratique du permis de conduire, estimé sur chacun des exercices concernés à partir des chiffres fournis par la préfecture du Val-d'Oise pour les années civiles 2012 à 2014 ainsi que sur les prix du forfait et des heures de conduite supplémentaires pratiqués par l'auto-école.

8. En premier lieu, si Mme B... soutient que le nombre d'heures supplémentaires pris, en moyenne, par les candidats avant une seconde présentation de l'épreuve pratique du permis de conduire est inférieur au nombre de 10 fixé par le service, dès lors que celui-ci ne tiendrait pas compte des absences ou des annulations, le tableau de dépouillement des fiches individuelles qu'elle fournit, lequel n'est pas accompagné d'une copie de ces fiches, ne permet pas de vérifier la réalité de cette allégation. Le ministre fait en outre valoir que le nombre d'heures retenu est déjà inférieur au nombre qui résulte de l'exploitation des fiches individuelles, qui s'élèverait à 12, le service ayant tenu compte des observations formulées par la société avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par ailleurs, à supposer que le service ait comptabilisé deux fois les données issues des fiches individuelles de trois candidats, il ne résulte pas de l'instruction que la correction de ces erreurs aurait une incidence sur les résultats d'ensemble obtenus par le service.

9. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que c'est à tort que l'administration a estimé que chaque candidat s'était vu facturer une heure d'évaluation au motif qu'une telle évaluation n'aurait pas été systématiquement réglée, la fiche de présentation du forfait établie par l'auto-école indique que l'évaluation, dont Mme B... met en avant le caractère obligatoire, n'était pas incluse dans le forfait et l'intéressée ne fournit aucun élément de nature à démontrer que la somme correspondante n'était en réalité pas facturée à tous les candidats.

10. En troisième lieu, la proposition de rectification du 22 août 2016 indique que le nombre de candidats inscrits à l'épreuve pratique du permis de conduire a été estimé à partir des chiffres fournis par la préfecture du Val-d'Oise s'agissant des permis A, A2 et B et comporte en annexe la " fiche auto-école " précisant le numéro d'agrément de l'établissement ainsi qu'un tableau par année faisant apparaître le nombre total de candidats effectivement présentés par l'auto-école " CER Vauréal " et le nombre de première présentation. Mme B... ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause la réalité de ces éléments obtenus par le service dans le cadre de son droit de communication. Si elle fait valoir que le nombre de candidats présentés par l'auto-école est dans les faits inférieur, dès lors qu'elle a cédé à plusieurs reprises des places pour le passage de l'épreuve à des candidats présentés par d'autres auto-écoles, les documents qu'elle joint à ses écritures ne permettent nullement de le justifier. En outre, si les chiffres fournis par la préfecture correspondent au nombre d'inscrits par année civile, soit 271 candidats au permis B pour l'année 2012, 210 pour l'a'nnée 2013, 199 pour l'année 2014 et 163 pour l'année 2015, alors que les exercices en litige courent du 1er avril au 31 mars de l'année suivante, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la requérante, que cette circonstance conduirait à une exagération des recettes reconstituées. A cet égard, si Mme B... indique que le nombre d'heures de cours correspondant à la méthode de reconstitution utilisée par le service serait largement supérieur au nombre d'heures de cours effectivement assurées par le personnel, ce qui démontrerait que l'activité réelle sur chaque exercice vérifié ne correspond pas aux recettes reconstituées par année civile, elle ne fournit aucune précision ni justification quant au calcul des heures assurées qu'elle avance.

11. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant que la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle elle a procédé n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni excessivement sommaire. Par suite, l'administration a justifié de l'existence et du montant des réintégrations opérées dans les résultats de la SARL Ecole de conduite de Vauréal.

En ce qui concerne le bénéficiaire des revenus distribués :

12. En réponse à la proposition de rectification émise le 22 août 2016 invitant la société à faire connaître, en application des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, toutes indications complémentaires sur l'identité des bénéficiaires réels des sommes distribuées, le conseil de la société et de Mme B... a indiqué au service, par un courrier du 15 décembre 2016, que la première avait désigné la seconde comme bénéficiaire de l'intégralité des revenus distribués. Mme B... ne fournit aucun élément permettant de démontrer qu'elle n'a en réalité pas appréhendé ces sommes. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

14. En premier lieu, pour justifier l'application d'une majoration de 40% pour manquement délibéré à Mme B..., le service a relevé qu'eu égard aux responsabilités qu'elle exerçait au sein de la SARL Ecole de conduite de Vauréal, elle n'avait pu ignorer les conséquences de la négligence comptable de la société, qui avait eu recours à une comptabilité super simplifiée, les encaissements étant reportés manuellement et sans rigueur sur un registre, souvent au crayon à papier, ce qui avait permis une totale liberté dans l'enregistrement des recettes, alors que la société avait acquis un logiciel de gestion commerciale spécialement conçu pour les auto-écoles. Il a ajouté qu'eu égard à la disproportion importante entre les montants des revenus déclarés et celui des revenus présumés distribués, elle n'avait pu ignorer s'enrichir personnellement, au détriment de la société comme du Trésor. L'administration a donc suffisamment motivé les pénalités infligées à Mme B....

15. En deuxième lieu, eu égard aux éléments indiqués au point précédent et à la qualité de gérante de Mme B..., qui ne conteste pas avoir une longue expérience de la gestion d'une auto-école, l'administration apporte la preuve du caractère délibéré de ses omissions déclaratives.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris en ce qui concerne les conclusions relatives aux frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

E. TROALEN La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 22VE00441 002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00441
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : BOUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22ve00441 ?
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