Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n°2003688 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a réduit les bases d'imposition à hauteur des sommes de 5 900 et 1 000 euros, prononcé la décharge, en conséquence de cette réduction en base, des suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge respectivement au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrée les 28 février 2022 et 6 janvier 2023, M. C... et Mme D..., représentés par Me Michallon, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le service ne leur avait pas communiqué les documents obtenus de l'Entente sportive de Massy ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils n'avaient pas formulé de demande expresse tendant à la communication des documents obtenus de tiers ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, le vérificateur ne leur ayant pas restitué les documents remis au cours du contrôle ;
- elle est également entachée d'irrégularité du fait de l'absence de communication de l'ensemble des documents obtenus auprès de leur employeur ;
- les sommes réintégrées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux constituent en réalité des remboursement de frais ainsi que des indemnités kilométriques ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 octobre 2022 et 24 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet des conclusions de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par les requérants sont infondés.
Par ordonnance du 12 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2024 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen ;
- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme D... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 à 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a adressé le 15 décembre 2017 une première proposition de rectification relative à l'année 2014, puis, le 11 juin 2018, une seconde proposition de rectification relative aux années 2015 et 2016. Le service a ainsi procédé à des rehaussements d'impôt sur le revenu, selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que la catégorie des bénéfices non commerciaux et, selon la procédure de taxation d'office, à une reprise de réduction d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016. M. C... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires ainsi mises à leur charge. Par le jugement attaqué du 17 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. C... et Mme D... ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, résultant du rehaussement de la base d'imposition du montant des sommes versées à Mme D... par son ex-époux. Les intéressés relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si M. C... et Mme D... soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre à l'argument selon lequel le service ne leur a pas communiqué les documents obtenus auprès de l'association l'Entente sportive de Massy, ils n'avaient pas formulé une telle allégation dans leurs écritures de première instance à l'appui de leur moyen tiré de l'absence de communication des documents recueillis par l'administration fiscale auprès de tiers, lequel relevait l'absence de communication de pièces issues d'une procédure pénale ainsi que du rapport du vérificateur. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur un moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en relevant que les contribuables n'avaient pas formulé de demande tendant à la communication des documents recueillis par l'administration fiscale auprès de tiers est sans incidence sur la régularité du jugement et relève de l'appréciation du bien-fondé des impositions en litige.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Toutefois, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux de ces renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux rectifications.
6. En l'espèce, la proposition de rectification du 15 décembre 2017 indique que le service a obtenu par l'exercice du droit de communication la copie du contrat de M. C.... La proposition de rectification du 11 juin 2018 fait quant à elle état de l'obtention des fiches de paie de ce dernier pour la période du 1er janvier au 31 août 2015. En réponse à leur demande du 3 avril 2018 tendant à la communication des documents et informations obtenus de tiers, le vérificateur a indiqué aux contribuables avoir recueilli les documents précités, par un courrier du 6 juillet 2018 précisant que ces documents étaient annexés en pièces jointes. Si M. C... et Mme D... soutiennent néanmoins ne pas avoir reçu l'ensemble des documents portant sur les rémunérations et la gestion sociale de l'association l'Entente sportive de Massy qui les employait, il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait obtenu d'autres documents, qui auraient été utilisés pour procéder aux rectifications. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
7. En deuxième lieu, M. C... et Mme D... soutiennent avoir remis, au cours de la seconde réunion qui s'est tenue dans le cadre de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, les originaux de relevés de compte bancaire. Toutefois, ils ne fournissent à l'appui de cette allégation dépourvue de toute précision quant au compte concerné et aux dates des documents en question, aucune justification, alors qu'il est constant qu'ils ont adressé plusieurs relevés de compte bancaire par voie électronique et disposent ainsi pour ces documents d'un double. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les contribuables n'aient pas été mis à même de faire pleinement valoir leurs droits faute de disposer de l'ensemble des éléments nécessaires.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
8. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les (...) sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions de cet article, qui définit les revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, en dehors de toute procédure de taxation d'office, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable constituent des revenus. Dans ce cadre, il incombe au juge de l'impôt d'apprécier si l'administration établit la nature de revenus des sommes en cause, compte tenu des éléments de preuve qu'elle présente et, le cas échéant, des éléments que lui soumet le contribuable qui soutient que les sommes en litige ne présentent pas la nature de revenus ou relèvent d'une autre catégorie d'imposition et de ceux que l'administration lui oppose alors en vue d'établir, par tout autre moyen complémentaire, le bien-fondé de l'imposition.
9. En l'espèce, l'administration a estimé que les sommes encaissées par Mme D... sur ses comptes bancaires provenant de chèques établis par son employeur, l'association l'Entente sportive de Massy, pour un montant total de 99 781 euros en 2014, 52 320 euros en 2015 et 55 760 euros en 2016, faute de justificatifs de ce qu'elles correspondaient à des remboursements de frais, des indemnités kilométriques ou des indemnités annualisées, constituaient des bénéfices non commerciaux. Il est constant que Mme D... a encaissé des chèques de l'association l'Entente sportive de Massy pour les montants précités. Eu égard à l'origine de ces fonds, émanant de son employeur, à leur caractère régulier et à leur montant total, le service doit être regardé comme apportant des éléments suffisants pour regarder ces sommes comme des revenus. Si M. C... et Mme D... soutiennent que ces chèques correspondent à des remboursements de frais engagés pour le compte de l'association, notamment pour l'achat de matériel, ou à la prise en charge des frais de déplacement du domicile au lieu de travail, ou des frais de déplacement professionnel lors de compétitions sportives, ils ne fournissent à l'appui de cette allégation aucune justification, notamment aucun contrat de travail prévoyant ces éléments de rémunération ou aucune facture relative aux achats qui auraient été effectués pour le compte de l'association. A cet égard, la seule circonstance que les remboursements de frais auraient été validés par un commissaire aux comptes ne saurait suffire à établir la réalité de l'avance de tels frais. En outre, l'administration n'était pas tenue de s'adresser à l'employeur des contribuables pour obtenir ces justifications. Compte tenu, enfin, du montant des sommes ainsi perçues, très largement supérieures au salaire de Mme D..., le service a pu à bon droit estimer qu'elles constituaient des bénéfices non commerciaux au sens des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
10. Le service a estimé que les omissions relevées dans la catégorie des traitements et salaires pour les années 2015 et 2016 ainsi que l'absence de déclaration dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour ces mêmes années constituaient des manquements délibérés et a infligé aux contribuables une majoration de 40%.
11. Aux termes de 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
12. Pour établir l'existence d'un manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
13. Il est constant que M. C... et Mme D... ont omis de déclarer 11 727 euros de salaires perçus par M. C... au titre de l'année 2015, ainsi que 40 920 euros de salaires perçus par Mme D... au titre de l'année 2015 et 16 614 euros au titre de l'année 2016, sommes correspondant à celles mentionnées sur leur fiche de paie et dont ils ne pouvaient ignorer, eu égard à leur nature, qu'elles constituaient des revenus imposables à l'impôt sur le revenu, la dernière de ces sommes figurant d'ailleurs sur la déclaration de revenus pré-remplie établie par l'administration et ayant été remplacée par une somme nulle par les intéressés dans leur déclaration. S'agissant des sommes constituant des bénéfices non commerciaux, le caractère régulier des versements, l'origine de ces sommes, émanant de l'employeur des contribuables, ainsi que leur montant total, en particulier rapporté au montant des salaires de Mme D..., sont de nature à établir la volonté des intéressés d'éluder l'impôt, qui ne peut être infirmée par leur connaissance de la pratique alléguée de leur ancien employeur de rémunérer son personnel par le versement d'indemnités.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leurs demandes. Leur requête doit, par suite, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
La rapporteure,
E. TROALEN La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
S. LOUISERE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 22VE00433002