Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de l'Essonne a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'ordonner avant-dire-droit une expertise permettant d'évaluer le montant total des travaux nécessaires pour faire cesser les désordres d'étanchéité constatés sur l'ouvrage " Le Château des Sables ", à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés SCPA Galliot-Vannier et SAS Dubocq à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 930 752,01 euros HT, soit 1 116 902,41 euros TTC, assortis des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la demande, capitalisés à compter du 5 février 2020, et, en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire des sociétés SCPA Galliot-Vannier et SAS Dubocq les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 18 684,19 euros TTC et le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1900901 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a refusé d'admettre l'intervention de la SA Aviva Assurances, rejeté la demande du département de l'Essonne, mis à la charge définitive du département de l'Essonne les frais d'expertise ainsi que le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions et appels en garantie des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés le 16 décembre 2020, le 12 janvier 2023, le 22 février 2023 et le 6 février 2024, le département de l'Essonne, représenté par Me Burel, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'ordonner avant-dire-droit une expertise permettant d'évaluer et d'actualiser le montant total des travaux nécessaires pour faire cesser les désordres d'étanchéité constatés sur l'ouvrage " Le Château des Sables " et le rendre conforme à sa destination et de procéder à une répartition du montant total du préjudice entre la SCPA Galliot-Vannier, la SAS Dubocq, la société Stam et la société Guay ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la SCPA Galliot-Vannier, la SAS Dubocq, la société Stam et la société Guay à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 930 752,01 euros HT, soit 1 116 902,41 euros TTC, assortis des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la requête, capitalisés à compter d'une année entière ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire de la SCPA Galliot-Vannier, la SAS Dubocq, la société Stam et la société Guay les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 18 684,19 euros TTC ;
5°) de mettre à la charge des intimées le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les interventions volontaires des sociétés d'assurance Abeille et IARD et SMA SA sont irrecevables ;
- la SCPA Galliot-Vannier n'est pas fondée à demander l'intervention forcée des sociétés MMA IARD et SMA SA, assureurs respectifs des sociétés Stam et Guay ;
- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit procédé à une répartition du préjudice entre la SCPA Galliot-Vannier, la SAS Dubocq, la société Stam et la société Guay au regard de l'imputabilité des différents désordres constatés ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont refusé de reconnaître le caractère décennal des désordres nos 26, 27 et 29 tenant au décollement de carrelage ; ils ont entaché leur jugement d'une erreur de droit à cet égard ; ces désordres sont imputables à la société Dubocq ;
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreurs de fait et de droit en refusant d'inclure les désordres nos 14 à 19 dans le champ de la garantie décennale au motif qu'ils étaient visibles à la date de réception de l'ouvrage dès lors, d'une part, que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'était soulevé par aucune partie et, d'autre part, que ces désordres n'étaient pas apparents au jour de la réception ; le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en faisant droit à un moyen qui n'était pas soulevé par une partie et qui n'était pas d'ordre public ;
- c'est à tort que les juges de première instance ont refusé de faire droit à sa demande d'expertise complémentaire dès lors qu'au contraire de ce qui a été jugé les sociétés Galliot-Vannier et Dubocq pourraient voir leur responsabilité engagée ;
- les désordres constatés affectent gravement le bâtiment et sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
- les désordres d'étanchéité nos 6 et 13, ainsi que le défaut d'engravure des bavettes, désordre n° 8, et les désordres d'étanchéité nos 14 à 19, sont imputables à la société Guay au titre d'un défaut d'exécution ;
- les désordres constatés sur les menuiseries extérieures, nos 3, 4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 24 et 28, sont imputables à la société Stam en raison d'un défaut d'assemblage ;
- les désordres nos 14 à 19 sont imputables à la SCPA Galliot-Vannier en raison d'un défaut de conception et de surveillance du chantier ;
- les sociétés Stam et Guay ayant fait l'objet d'une radiation, la condamnation devra être prononcée directement à l'encontre de la société Aviva Assurances, assureur de la société Stam, et de la société Sagena, assureur de la société Guay ;
- une nouvelle expertise est nécessaire dès lors que le rapport d'expertise initial ne comporte aucune préconisation technique sur les travaux à envisager, ni aucun chiffrage du montant du préjudice total ; ce rapport ne procède à aucune répartition du montant des travaux entre les différents intervenants sur le chantier ; il ne peut être tenu pour responsable de l'insuffisance de l'expertise initiale ;
- si la demande d'expertise complémentaire devait être rejetée, les sociétés Galliot-Vannier et Dubocq seraient condamnées à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 930 752,01 euros HT, soit 1 116 902,41 euros TTC, une répartition de ce montant devant être opérée entre les sociétés Galliot-Vannier, Dubocq, Stam et Guay ;
- les sociétés Galliot-Vannier et Dubocq devront être condamnées à l'indemniser des dépens exposés en première instance, à hauteur de 18 684,19 euros TTC.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mai 2021, le 30 septembre 2022, le 2 février 2023 et le 24 février 2023, la SARL J.F Galliot-Vannier, représentée par Me Doceul, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Dubocq à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de mettre à la charge du département de l'Essonne les sommes correspondant aux parts de responsabilité des sociétés Guay Entreprise et Stam ;
4°) à titre subsidiaire, de faire droit à ses demandes d'intervention forcée ;
5°) de mettre à la charge solidaire de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- Me Pelligrini, mandataire ad hoc de la société Stam, Me Ancel, mandataire ad hoc de la société Guay, les MMA IARD, assureurs de la société Stam, et la SMA, anciennement Sagena, assureur des sociétés Dubocq et Guay doivent être mis en cause ;
- si la cour devait ordonner une expertise complémentaire, Me Pelligrini et Me Ancel devront participer aux opérations d'expertise ;
- ses demandes relatives à la responsabilité des sociétés Stam et Guay relèvent de la compétence de la juridiction administrative ;
- la demande d'expertise complémentaire sollicitée par le département de l'Essonne n'est pas justifiée ;
- le département de l'Essonne n'établit pas le quantum du préjudice allégué ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, si la cour retenait sa responsabilité, la société Dubocq devrait être condamnée à la garantir de l'intégralité des sommes mises à sa charge en principal, frais, intérêts et accessoires ;
- les sommes correspondant aux parts de responsabilité des sociétés Guay et Stam devront rester à la charge du maître d'ouvrage à charge pour lui de se retourner contre les assureurs de ces sociétés.
Par un mémoire, enregistré le 3 février 2023, la société Abeille IARD et Santé, venue aux droits de la société Aviva Assurances, représentée par Me Rogel et Me Mel, avocats, demande à la cour :
1°) d'admettre son intervention ;
2°) de rejeter de la requête.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'admettre son intervention volontaire dès lors que la décision à intervenir va nécessairement préjudicier à ses intérêts ;
- c'est à bon droit que les juges de première instance ont refusé de faire droit à la demande d'expertise complémentaire ; si une expertise complémentaire devait être ordonnée, elle devrait y être associée ;
- la société Stam n'était pas assurée par elle, notamment pour la réalisation d'un mur-rideau ;
- le département de l'Essonne ne justifie pas d'une solution réparatoire correspondant à une juste réparation des désordres et ne donne pas d'éléments suffisants pour chiffrer le préjudice ;
- le défaut d'exécution du mur-rideau est ponctuel et ne nécessite pas une reprise de l'ensemble des façades ;
- l'expert n'a pas établi que seule la responsabilité de la société Stam pouvait être engagée au titre de la réalisation du mur-rideau ; à titre subsidiaire, la responsabilité de la SCPA Galliot-Vannier pourrait être recherchée pour défaut de surveillance et de direction.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 septembre 2021, la SMA SA, assureur de la société Dubocq, représentée par Me Dumeau, avocat, demande à la cour d'admettre son intervention volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, la SAS Dubocq, représentée par Me Lagrenade, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter la responsabilité de la SAS Dubocq à la réparation des désordres nos 26, 27 et 29 relatifs au défaut d'adhérence du carrelage ;
3°) de condamner la SCPA Galliot-Vannier à la garantir de toute condamnation ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Essonne le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande d'expertise complémentaire doit être rejetée dès lors qu'elle ne vise qu'à pallier les carences du requérant ;
- les autres moyens de la requête doivent être écartés ;
- à titre subsidiaire, sa condamnation devra être limitée aux désordres pour lesquels l'expert a reconnu sa responsabilité ;
- à titre subsidiaire, la SCPA Galliot-Vannier serait condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Par lettre en date du 25 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à la condamnation des sociétés Guay et Stam sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2024, la SCPA Galliot-Vannier a présenté des observations en réponse à ce courrier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Houllier,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Burel, pour le département de l'Essonne, de Me Canavaggio, substituant Me Doceul, pour la SCPA Galliot-Vannier, de Me Lagrenade, pour la société Dubocq, et de Me Teighbit, substituant Me Roger et Me Mel, pour la société Abeille IARD et Santé.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de l'Essonne fait appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce qu'une expertise soit décidée aux fins d'évaluer le montant des travaux nécessaires pour faire cesser les désordres constatés sur l'ouvrage " Le Château des Sables ", situé à Draveil, dont il avait entrepris la réhabilitation, et à la condamnation in solidum des sociétés SCPA Galliot-Vannier et SAS Dubocq à l'indemniser, au titre de la garantie décennale, des désordres affectant ce bâtiment. Il demande à la cour d'ordonner cette expertise ou, à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Galliot-Vannier, Dubocq, Stam et Guay à l'indemniser de son préjudice à hauteur de la somme de 930 752,01 euros HT, soit 1 116 902,41 euros TTC.
Sur les interventions des sociétés Abeille IARD et Santé et SMA :
2. Dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier. L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature. Par suite, les interventions des sociétés Abeille IARD et Santé et SMA ne peuvent être admises et doivent être rejetées.
3. Par ailleurs, pour le même motif, la société Abeille IARD et Santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'admettre l'intervention volontaire de la société Aviva Assurances, aux droits de laquelle elle vient.
Sur les conclusions de la SARL J.F Galliot-Vannier tendant à l'intervention forcée des sociétés d'assurance MMA IARD et SMA :
4. Il résulte de ce qui a été exposé au point 2 que les conclusions de la société Galliot-Vannier tendant à la mise en cause de la MMA IARD, assureur de la société Stam, et la SMA, anciennement Sagena, assureur des sociétés Dubocq et Guay, doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les conclusions du département de l'Essonne dirigées contre les sociétés Guay et Stam :
5. Si, devant la cour, le département de l'Essonne a, par un mémoire du 12 janvier 2023, élargi sa demande de condamnation aux sociétés Stam et Guay, il ressort de sa demande de première instance que, devant le tribunal administratif, il a uniquement demandé la condamnation des sociétés Galliot-Vannier et Dubocq. Par suite, les conclusions du département aux fins de condamnation des sociétés Stam et Guay, qui ont été présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables. Elles doivent, par conséquent, être rejetées.
Sur le surplus des conclusions du département de l'Essonne :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
6. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, le département de l'Essonne a uniquement demandé en première instance la condamnation des sociétés Galliot-Vannier et Dubocq au titre de la garantie décennale des constructeurs ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif au point 17 du jugement. Dans ces conditions, le département requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour n'avoir pas statué sur ses conclusions tendant à une répartition du préjudice entre ces deux sociétés et les sociétés Stam et Guay.
7. En deuxième lieu, il incombe, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas lieu de décider une expertise aux fins d'évaluer le montant des travaux nécessaires pour faire cesser les désordres dès lors que la responsabilité des parties mises en cause par le département de l'Essonne n'était pas engagée dans la survenance de ces désordres. L'expertise sollicitée présentant dès lors un caractère inutile, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement de ce chef doit, en tout état de cause, être écarté.
8. En troisième lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le département requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de fait qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
9. En dernier lieu, pour écarter le caractère décennal des désordres d'étanchéité désignés sous les nos 14 à 19, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que ces derniers étaient apparents à la date de réception de l'ouvrage ainsi que cela aurait été soulevé par la SCPA Galliot-Vannier dans ses écritures. Toutefois, ainsi que le fait expressément valoir le département de l'Essonne en appel, la SCPA Galliot-Vannier ne se prévalait pas, en première instance, du caractère apparent de ces désordres à la date de réception de l'ouvrage et soutenait, au contraire, qu'ils ne pouvaient être visibles compte tenu des tests poussés qu'il avait fallu faire pour les constater. Dans ces conditions, le département de l'Essonne est fondé à soutenir que les juges de première instance ne pouvaient, sans entacher leur jugement d'irrégularité, se fonder, pour rejeter ses conclusions tendant à obtenir réparation de ces désordres, sur ce que ces désordres auraient été apparents lors de la réception définitive, dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par les défendeurs de première instance.
10. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la réparation, sur le fondement de la garantie décennale, des désordres
nos 14 à 19.
11. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement ces conclusions par la voie de l'évocation et sur le surplus par l'effet dévolutif de l'appel.
12. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
En ce qui concerne les désordres d'étanchéité nos 14, 15, 16, 17, 18 et 19 :
S'agissant du caractère décennal de ces désordres :
13. Il résulte du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 13 mai 2013 que ces désordres se manifestent par des infiltrations d'eau et des tâches sur les faux plafonds et parquets de la cage d'escalier, aux niveaux 1 et 2. Eu égard à leur ampleur et aux locaux affectés, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, alors même que le département de l'Essonne n'aurait pas ordonné l'évacuation du bâtiment. Ils entrent, ainsi, dans le champ de la garantie décennale.
S'agissant de l'imputabilité :
14. Il résulte de son rapport que l'expert a attribué les désordres de la cage d'escalier nos 14 à 17 et n° 19, à titre principal, à un défaut d'exécution de la société Guay et, secondairement, à un défaut de surveillance du chantier de la société Galliot-Vannier, maître d'œuvre. Ce même rapport attribue le désordre n° 18 principalement à un défaut de conception et de surveillance du maître d'œuvre et, secondairement, à un défaut d'exécution de la société Guay. Dans ces conditions, les désordres constatés sont imputables à la société Galliot-Vannier. A cet égard, la circonstance alléguée par cette société qu'elle n'aurait commis aucune faute en sa qualité de maître d'œuvre n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue au titre de la garantie décennale due au maître de l'ouvrage.
15. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Essonne est fondé à demander la condamnation de la société Galliot-Vannier à ce titre.
S'agissant de l'appel en garantie de la société Galliot-Vannier :
16. Il résulte du rapport d'expertise, ainsi que cela a été exposé au point 14, que ces désordres ne sont pas exclusivement imputables à une faute du maître d'œuvre et doivent en partie être imputés à un défaut d'exécution de la société Guay chargée des travaux. Toutefois, la société Galliot-Vannier se borne à appeler en garantie la société Dubocq, qui n'a pas contribué aux travaux ayant conduit aux désordres en litige, et n'appelle pas en garantie la société Guay chargée de l'exécution de ces travaux. Par suite, les conclusions susvisées de la société Galliot-Vannier, doivent être rejetées.
En ce qui concerne le défaut d'adhérence du carrelage dans la salle de réunion (désordres nos 26, 27 et 29) :
17. Il résulte du rapport de l'expert qu'un décollement du carrelage a été constaté dans la salle de réunion du rez-de-chaussée (désordre n° 26), sur une surface de 5 m² environ, ainsi que dans le couloir de cet étage (désordre n° 27). De même, le désordre n° 29 porte sur le soulèvement d'une dalle. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces décollements très ponctuels et localisés, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils se trouveraient sur le passage des usagers et agents occupant le bâtiment, seraient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou à compromettre sa solidité. Par suite, dès lors qu'ils n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale, le département de l'Essonne n'est pas fondé à rechercher la responsabilité des constructeurs à ce titre.
En ce qui concerne les désordres d'étanchéité (désordres nos 6, 13 et 20) :
S'agissant du caractère décennal des désordres :
18. Il résulte du rapport d'expertise que ces désordres se manifestent par des infiltrations d'eau et des tâches sur les faux plafonds de plusieurs bureaux, dont celui du médecin de la protection maternelle et infantile et de la documentation. Eu égard à leur ampleur et aux locaux affectés, les désordres nos 6 et 13 sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, alors même que le département de l'Essonne n'aurait pas ordonné l'évacuation du bâtiment. Ils entrent, ainsi, dans le champ de la garantie décennale.
19. En revanche, la nature du désordre n° 20, qui concerne des tâches sur le faux-plafond de la documentation, n'a pas été précisée par l'expert, ni par les parties. Par suite, il n'est pas établi que ce désordre devrait être pris en compte au titre de la garantie décennale.
S'agissant de l'imputabilité des désordres nos 6 et 13 :
20. S'il ressort du rapport d'expertise que les désordres nos 6 et 13 résultent d'un défaut d'exécution de la société Guay, ils sont également imputables, en application des principes rappelés au point 12, à la société Galliot-Vannier, chargée de la maîtrise d'œuvre de ces travaux et notamment de la surveillance desdits travaux. A cet égard, la circonstance alléguée par la société Galliot-Vannier qu'elle n'aurait commis aucune faute en sa qualité de maître d'œuvre n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue au titre de la garantie décennale qu'elle doit au maître de l'ouvrage.
S'agissant de l'appel en garantie de la société Galliot-Vannier :
21. Il résulte du rapport d'expertise, ainsi que cela a été exposé au point précédent, que ces désordres sont imputables au défaut d'exécution de la société Guay. Toutefois, la société Galliot-Vannier se borne à appeler en garantie la société Dubocq, qui n'a pas participé aux travaux ayant conduit aux désordres en litige, et n'appelle pas en garantie la société Guay chargée de l'exécution de ces travaux. Par suite, les conclusions susvisées de la société Galliot-Vannier, doivent être rejetées.
En ce qui concerne les menuiseries extérieures (désordres nos 3, 4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 24, 28) :
S'agissant du caractère décennal des désordres :
22. Il résulte de l'instruction que les désordres affectant les menuiseries extérieures sont notamment à l'origine de fuites sur le mur-rideau, conduisant à des traces de coulures claires à l'intérieur du bâtiment, des tâches sur les faux-plafonds de plusieurs pièces et des traces de ruissellements. L'expert a ainsi relevé que le bâtiment n'était pas hors d'eau. Si les bâtiments n'ont pas été évacués et ont continué à recevoir les agents et les usagers, ces désordres sont, eu égard à la rapidité avec laquelle l'eau s'infiltre dans le bâtiment lors des tests d'arrosage, ainsi qu'aux locaux affectés, qui incluent des bureaux et la salle informatique, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.
S'agissant de l'imputabilité :
23. S'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que ces désordres trouvent principalement leur origine dans une faute d'assemblage commise par l'entreprise Stam, ils sont également imputables à la société Galliot-Vannier, chargée du contrôle de l'exécution de ces travaux. Dès lors que la société Galliot-Vannier a pris part à ces travaux en sa qualité de maître d'œuvre, la circonstance alléguée par elle qu'elle n'aurait commis aucune faute en cette qualité n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue au titre de la garantie décennale due au maître de l'ouvrage.
S'agissant de l'appel en garantie de la société Galliot-Vannier :
24. La société Galliot-Vannier se borne à appeler en garantie la société Dubocq, qui n'a pas contribué aux travaux ayant conduit aux désordres en litige, et n'appelle pas en garantie la société Stam chargée de l'exécution de ces travaux. Par suite, les conclusions susvisées de la société Galliot-Vannier doivent être rejetées.
En ce qui concerne le défaut d'engravure des bavettes (désordre n° 8) :
S'agissant du caractère décennal des désordres :
25. Il ressort du rapport d'expertise que des désordres ont été constatés sur les plinthes de deux bureaux du niveau 1, très détériorées par l'humidité, en raison de l'absence d'engravure de la bavette à l'origine de la pénétration de l'eau. Le caractère décennal de ces désordres n'est pas contesté en défense.
S'agissant de l'imputabilité :
26. S'il résulte du rapport d'expertise que ces désordres résultent d'un défaut d'exécution de la société Guay, ce point n'étant d'ailleurs pas contesté par le département de l'Essonne, les désordres constatés sont également imputables à la société Galliot-Vannier, chargée de la maîtrise d'œuvre de ces travaux et notamment de la surveillance desdits travaux. A cet égard, la circonstance alléguée par la société Galliot-Vannier qu'elle n'aurait commis aucune faute en sa qualité de maître d'œuvre n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue au titre de la garantie décennale due au maître de l'ouvrage.
S'agissant de l'appel en garantie de la société Galliot-Vannier :
27. La société Galliot-Vannier se borne à appeler en garantie la société Dubocq, qui n'a pas contribué aux travaux ayant conduit aux désordres en litige, et n'appelle pas en garantie la société Guay chargée de l'exécution de ces travaux. Par suite, les conclusions susvisées de la société Galliot-Vannier doivent être rejetées.
En ce qui concerne les préjudices :
28. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Essonne est fondé à demander la réparation du préjudice résultant des désordres nos 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 24 et 28. Les conclusions de l'expert ne permettant pas à la Cour, en l'état, de déterminer le montant des sommes dues à ce titre au département de l'Essonne, il y a lieu de surseoir à statuer pour permettre au département de l'Essonne de communiquer à la cour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, tout élément permettant de chiffrer les préjudices résultant de ces désordres.
Sur les dépens :
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Versailles du 11 septembre 2017 à la somme de 18 684,19 euros TTC, par moitié à la charge du département de l'Essonne et à la charge de la société Galliot-Vannier.
Sur les frais liés à l'instance :
30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
31. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les interventions des sociétés Abeille IARD et Santé et SMA ne sont pas admises.
Article 2 : Le jugement n°1900901 du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la réparation des désordres nos 14 à 19.
Article 3 : La société Galliot-Vannier est condamnée à indemniser le département de l'Essonne des préjudices causés par les désordres nos 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 24 et 28.
Article 4 : Le département de l'Essonne communiquera à la cour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, tous éléments permettant de chiffrer les préjudices résultant des désordres nos 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 24 et 28.
Article 5 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal du 11 septembre 2017 à la somme de 18 684,19 euros TTC, sont mis par moitié à la charge du département de l'Essonne et à la charge de société Galliot-Vannier.
Article 6 : Le jugement n°1900901 du tribunal administratif de Versailles du 16 octobre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Essonne, à la SCPA Jean-François Galliot et Christian Vannier, à la SAS Dubocq, à la société SMA et à la société Abeille IARD et Santé venant aux droits de la société Aviva Assurances.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.
La rapporteure,
S. HoullierLa présidente,
C. Signerin-IcreLa greffière,
C. Fourteau
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE03369