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29/02/2024 | FRANCE | N°22VE00028

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 février 2024, 22VE00028


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2022 et le 20 octobre 2023, la société Kinepolis Prospection, représentée par Me d'Albert des Essarts, avocate, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 22 octobre 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours et accordé à la société Cinémas Arpajon l'autorisation d'aménagement d'un établissement cinématographique de 7 salles et 895 places, à l'enseigne " Première Cinémas " à Sainte-Gene

viève-des-Bois ;



2°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 5 000 euros chac...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2022 et le 20 octobre 2023, la société Kinepolis Prospection, représentée par Me d'Albert des Essarts, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 22 octobre 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours et accordé à la société Cinémas Arpajon l'autorisation d'aménagement d'un établissement cinématographique de 7 salles et 895 places, à l'enseigne " Première Cinémas " à Sainte-Geneviève-des-Bois ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 5 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- sa requête est recevable car elle dispose d'un intérêt à agir ;

- le dossier de demande était incomplet et ne pouvait être complété lors de l'instruction du dossier par la Commission nationale d'aménagement cinématographique ;

- la décision est entachée d'erreurs d'appréciation des effets du projet sur la diversité de l'offre cinématographique mentionnée à l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée au regard des critères et indicateurs fixés par l'article L. 212-9 de ce code compte tenu :

o des lacunes du projet de programmation envisagé ;

o de l'insuffisance et la faible portée des engagements de programmation souscrits ;

o de la nature et la diversité de l'offre culturelle cinématographique faute de prise en compte, d'une part, des effets cumulés des trois projets autorisés dans la même zone d'influence cinématographique et, d'autre part, du contexte lié à la crise sanitaire ;

o de la situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles de la zone et de ces salles aux œuvres ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation des effets du projet sur l'aménagement culturel, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme mentionnés à l'article L. 212-6 de ce code au regard des critères fixés par l'article L. 212-9 de ce code compte tenu :

o de la qualité des équipements déjà présents dans la zone ;

o et de l'insuffisance des places de stationnement.

Par des mémoires enregistrés les 14 juin 2022 et 15 novembre 2023, la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la société Kinepolis prospection ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2022, la Commission nationale d'aménagement cinématographique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à la société Cinémas Arpajon qui n'a pas produit de mémoire dans le cadre de la présente instance.

Par une ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Reymond, substituant Me d'Albert des Essarts, pour la société Kinepolis prospection.

Considérant ce qui suit :

1. La commission départementale d'aménagement cinématographique de l'Essonne a délivré à la société Cinémas Arpajon l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Première Cinémas " situé à Sainte-Geneviève-des-Bois, offrant 7 salles et 895 places, le 28 mai 2021. La société Kinepolis prospection qui exploite l'établissement à l'enseigne " Cinémas Kinepolis ", situé à Brétigny-sur-Orge, a formé un recours préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Par une décision du 22 octobre 2021, cette dernière a rejeté ce recours et autorisé le projet porté par la société Cinémas Arpajon. La société Kinepolis prospection demande à la cour d'annuler la décision de la Commission nationale du 22 octobre 2021.

Sur la légalité de la décision du 22 octobre 2021 :

En ce qui concerne la procédure devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique :

2. Aux termes de l'article R. 212-7-3 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande d'autorisation est accompagnée de renseignements et documents dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la culture ". Aux termes de l'article A. 212-7-3-1 de ce code : " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : 1° L'identité du demandeur (...) ; 2° La qualité en laquelle agit le demandeur (...) ; 3° L'enseigne sous laquelle est ou sera exploité l'établissement de spectacles cinématographiques ; 4° Le nom de la commune d'implantation de l'établissement de spectacles cinématographiques et le caractère de cette implantation selon qu'elle est isolée, qu'elle se situe dans une zone d'activité concertée ou dans une zone commerciale ou qu'elle s'insère dans une opération d'urbanisme globale ; 5° Un plan cadastral (...) accompagné, (...), de l'un des titres suivants : a) Un titre de propriété de l'immeuble concerné ; b) Un titre habilitant à construire sur les parcelles concernées ; c) Un titre habilitant le demandeur à exploiter commercialement ces parcelles. (...) ; 6° La délimitation de la zone d'influence cinématographique de l'établissement de spectacles cinématographiques ; 7° L'indication de la population totale présente dans la zone d'influence cinématographique et de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; 8° Le nombre de salles de l'établissement de spectacles cinématographiques et le nombre de places de spectateurs de chacune de ses salles et, pour les projets portant sur une extension, l'indication du nombre de salles et de places de spectateurs par salle existante et envisagée ; 9° La liste des dispositifs et matériels envisagés permettant l'accessibilité de l'établissement aux personnes handicapées, ainsi que les éventuelles concertations menées avec les associations représentant ces personnes ; 10° Une liste des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique précisant, pour chacun, le nombre de salles et de places de spectateurs ainsi que leur éventuelle appartenance à une entente ou à un groupement de programmation ; 11° Une carte géographique faisant apparaître les établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique ; 12° Une étude destinée à permettre d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 212-9 et justifiant du respect des principes posés par l'article L. 212-6. Cette étude comporte : a) Les éléments permettant d'apprécier l'effet potentiel du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs en indiquant : - le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques en évaluant son apport à la diversité de l'offre cinématographique dans la zone d'influence cinématographique au regard de la fréquentation cinématographique globale escomptée ; ce projet comporte une estimation du pourcentage de séances consacrées respectivement aux œuvres cinématographiques d'art et d'essai en général, aux œuvres cinématographiques d'art et d'essai faisant l'objet d'un plan de sortie en salles de spectacles cinématographiques sur plus de 150 copies, aux œuvres cinématographiques d'art et d'essai dites jeune public, aux œuvres cinématographiques d'art et d'essai dites de patrimoine et aux œuvres cinématographiques diffusées en version originale ; - le type de programmation observé dans les établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique, au regard de la fréquentation cinématographique globale constatée dans cette zone ; - le cas échéant, les difficultés rencontrées par le demandeur pour l'accès aux œuvres cinématographiques ; b) Les éléments permettant d'apprécier l'effet potentiel du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme en indiquant : - l'intérêt du projet par rapport à la répartition géographique des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique et à la répartition de la population concernée ; - l'animation culturelle cinématographique constatée dans la zone d'influence cinématographique et celle envisagée dans le cadre du projet ; - l'effet potentiel du projet sur l'équilibre entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles dans la zone d'influence cinématographique ; - l'accessibilité de l'établissement, les différents modes de transports publics présents ou futurs, les accès pédestres et cyclistes, la desserte routière et les flux de circulation dans la zone d'influence cinématographique, les différents parcs de stationnement présents ou futurs à proximité de l'établissement de spectacles cinématographiques ainsi que le nombre de places existantes ou envisagées dans ces parcs ; - les caractéristiques architecturales du projet au regard de son environnement ; - la pertinence de la localisation du projet au regard du schéma de cohérence territoriale et du plan local d'urbanisme. ". Enfin, l'article A 212-7-3-2 de ce code précise que le demandeur peut apporter tout élément complémentaire pour justifier de sa demande.

3. En premier lieu, il ne ressort ni des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire qu'une demande d'autorisation portant sur un projet d'aménagement cinématographique doit comporter des engagements de programmation de l'établissement de spectacles cinématographiques projeté. Au demeurant, il ressort du dossier de demande d'autorisation de la société Cinémas Arpajon qu'il comporte un projet de programmation détaillé et précise les effets attendus du projet en cause sur les cinémas de la zone d'influence cinématographique définie. Le moyen tiré d'une incomplétude du dossier de demande au regard des renseignements et documents listés à l'article A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée manque ainsi en fait.

4. En deuxième lieu, en l'absence de dispositions expresses du code du cinéma et de l'image animée y faisant obstacle, il est loisible à l'auteur d'une demande d'aménagement cinématographique d'apporter à son projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention de la décision de la Commission nationale, des éléments complémentaires à son projet de programmation, tels que des engagements de programmation, qui n'en changent pas la nature, et qui sont intégrés au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi complété.

5. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort du dossier de demande d'autorisation que le projet pour l'aménagement du cinéma multiplexe " Megarama " a bien été pris en compte par la Commission nationale, conjointement avec le projet en litige et le projet du même opérateur sur la commune d'Arpajon, pour l'appréciation de leurs effets cumulés prévisibles sur l'aménagement culturel du territoire et sur l'équilibre entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles dans la zone d'influence cinématographique. Par suite, la Commission nationale a pu se prononcer de façon suffisamment éclairée sur la situation de la zone d'influence cinématographique et sur les effets du projet sur la diversité de l'offre présentée aux spectateurs.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique :

6. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; /c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; /e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme./ Lorsqu'une autorisation s'appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l'article L. 212-23. /(...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. A ce titre, il appartient à la Commission nationale, lorsqu'elle se prononce sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

S'agissant des effets du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique :

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande, du rapport d'instruction et de la décision attaquée, que la croissance de la population des communes de la zone d'influence cinématographique, dont le périmètre n'est pas contesté, représente 6,7% entre 2007 et 2017 alors que le taux de l'évolution de la population nationale sur la même période n'était que de 4,6%. Sur cette même période, la population de Sainte-Geneviève-des-Bois, commune la plus peuplée de la communauté d'agglomération Cœur d'Essonne Agglomération à laquelle elle appartient, et au centre-ville de laquelle le projet prévoit de s'implanter, a également augmenté de 5,2%. En outre, avec 2,34 entrées par habitant en 2019, la zone du projet bénéficie d'un niveau de fréquentation cinématographique inférieur à la fois à la moyenne nationale de 3,31 et de l'unité urbaine parisienne de 4,98, permettant une large marge de progression.

8. Le projet présenté par la société Cinémas Arpajon consiste en la création d'un établissement de 7 salles comprenant 895 places, qui remplace un précédent établissement de 4 salles et 728 places ayant définitivement fermé en janvier 2020. La programmation de cet établissement sera diversifiée. Il proposera 330 nouveaux films par an, avec une programmation de 25% d'art et essai, notamment pour jeune public, et se fixe pour objectif d'obtenir le classement " Art et Essai " ainsi que le label " jeune public ". Il prévoit également la programmation de 3 films par semaine en sortie nationale, renforçant ainsi l'accès des spectateurs de la zone d'influence cinématographique aux films inédits dès leur sortie. La direction régionale des affaires culturelles (DRAC) a d'ailleurs relevé dans son avis préalable qu'il permettra une exposition importante des films, répondant ainsi à une demande aujourd'hui insatisfaite sur la zone dans la durée de diffusion des titres en exclusivité. Le projet repose en outre sur l'organisation régulière d'évènements et d'actions d'animation culturelle et d'éducation à l'image. Cette programmation est ainsi adaptée à l'environnement prévu de cet établissement de centre-ville et complémentaire de celle du complexe généraliste et familial de la société requérante. L'impact du projet couplé à celui du projet situé à Arpajon sur l'établissement de la société requérante, évalué à une diminution de la fréquentation de 15%, ne suffit pas à caractériser une atteinte à l'offre culturelle alors en outre que cette diminution serait principalement liée au projet d'Arpajon.

9. Si la société requérante fait valoir que le projet porte préjudice à la diversité cinématographique en ce qu'il limite l'accès des petites salles aux films " Art et Essai " les plus porteurs nécessaires à leur équilibre financier, il ressort des pièces du dossier que seul l'établissement " Espace Marcel Carmé ", situé dans la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois est susceptible d'être affecté. Toutefois, la société Cinémas Arpajon, en complément de son projet de programmation, a souscrit l'engagement vis-à-vis de cet établissement de lui céder des priorités d'accès à certains films porteurs, qui correspondent au type de programmation habituelle de cet établissement. Ces engagements de programmation spécifiques au projet, placés sous la surveillance du Centre national du cinéma conformément aux dispositions des articles L. 212-23 et suivants du code du cinéma et de l'image animée, sont suffisamment précis et fermes pour que la Commission nationale ait pu en tenir compte.

10. En outre, pour l'établissement des éléments et de l'appréciation précités, tant le projet " Première cinémas " d'Arpajon que celui de " Megarama " de Grigny ont été pris en compte dans le cadre de l'instruction du dossier et de la décision par la Commission nationale. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à contester ces éléments faute pour la décision d'avoir pris en compte les effets cumulés du projet avec ceux des projets de Sainte-Geneviève-des-Bois et du multiplexe à l'enseigne " Megarama " situé à Grigny. Si la société requérante soutient également que les chiffres de fréquentation cinématographique, datant de 2019, ne pouvaient fonder la décision en litige du 2 février 2022, dès lors qu'il ressort des statistiques de la fréquentation pour les années 2020 et 2021 que celle-ci s'est effondrée, pour des raisons conjoncturelles liées à la crise sanitaire, mais également structurelles liées au développement des plateformes de diffusion en ligne et vidéos à la demande, elle n'établit pas que la tendance de fond résultant d'une comparaison des statistiques pour les années 2010 à 2019 n'était pas la plus représentative à cette date, alors que les seules années 2020 et 2021 offrent peu de recul et ne sont pas représentatives compte tenu des fermetures et mesures imposées par la crise sanitaire. En outre, quand bien même la fréquentation a diminué en 2020 et 2021, la société requérante ne conteste pas que la ZIC présente en données relatives une importante marge de progression de la fréquentation cinématographique par rapport à des zones comparables. Elle ne conteste pas davantage le dynamisme en termes de population de la ZIC.

11. Enfin, l'atteinte portée à la fréquentation des établissements de la zone ne peut être prise en compte que si elle est de nature à avoir des effets négatifs sur la diversité cinématographique, conformément aux dispositions précitées des articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma. La société requérante ne saurait dès lors utilement soutenir que, dans un contexte de baisse de la fréquentation cinématographique après la crise sanitaire, la Commission nationale aurait dû différer l'autorisation de nouveaux projets, afin de ne pas augmenter la pression concurrentielle.

12. Il résulte de ce qui précède que le projet ne peut être regardé comme compromettant la réalisation de l'objectif de diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans cette zone.

S'agissant de l'impact du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au centre-ville de Sainte-Geneviève-des-Bois, l'une des communes les plus peuplées de la zone et qui poursuit, aux termes de ses documents de planification d'urbanisme, un objectif de développement de l'attractivité de son territoire et du " pôle gare ", à proximité duquel se situera également le projet. Ce projet consiste à reconstruire, en lieu et place d'un établissement fermé depuis 2020, un nouvel établissement plus vaste et doté d'équipements plus modernes et confortables, répondant aux normes d'accessibilité notamment. Il contribuera ainsi à améliorer la qualité des équipements cinématographiques de la zone, nonobstant la bonne qualité de ces établissements. La réalisation du projet contribuera également à renouveler le parc cinématographique de la zone et à en renforcer la diversité en créant un équipement doté d'une taille intermédiaire de 7 écrans.

14. En second lieu, si le projet prévoit la suppression d'une partie de l'emprise de l'aire de stationnement existante, soit une trentaine de places, il est implanté en cœur de ville et situé à proximité à pied de la gare RER et du pôle d'interconnexion d'une dizaine de lignes de bus. En outre, il ressort des pièces du dossier que la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a prévu, à court terme, un projet de réaménagement et de mise en accessibilité de la gare, labellisé et soutenu par la région Ile-de-France, qui s'accompagnera d'un accroissement de l'offre de stationnement de 110 places à 170 places en zone bleue, ainsi qu'un projet de création d'ici fin 2025 d'un parking d'intérêt régional dans le cadre du projet " pôle gare " d'une capacité de 800 places. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a pu estimer, sans commettre une erreur d'appréciation, que le projet en litige ne compromet pas les objectifs d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique du 22 octobre 2021 autorisant la société Cinémas Arpajon à créer un établissement de spectacles cinématographiques regroupant 7 salles et 895 places à l'enseigne " Première cinémas " à Sainte-Geneviève-des-Bois ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Kinepolis Prospection sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Kinepolis Prospection est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kinepolis Prospection, à la société Cinémas Arpajon, à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois et au président de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

La rapporteure,

B. AVENTINO

Le président,

B. EVEN

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00028
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : D'ALBERT DES ESSARTS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22ve00028 ?
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