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29/02/2024 | FRANCE | N°21VE00016

France | France, Cour administrative d'appel, Formation plénière, 29 février 2024, 21VE00016


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la nullité de la transaction conclue le 25 août 2011 avec M. C... D..., de condamner ce dernier à lui restituer la somme de 105 219,07 euros perçue au titre de cette transaction et de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 1709950 du 5 novembre 2020,

le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la transaction du 25 août 2011 conclue e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la nullité de la transaction conclue le 25 août 2011 avec M. C... D..., de condamner ce dernier à lui restituer la somme de 105 219,07 euros perçue au titre de cette transaction et de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709950 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la transaction du 25 août 2011 conclue entre la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise et M. D..., condamné M. D... à verser la somme de 105 219,07 euros à la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 5 janvier 2021, 11 août 2023 et 5 décembre 2023, M. D..., représenté par les cabinets Noyer-Cazcarra Avocats, puis HMS Atlantique avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise la somme de 4 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce que le tribunal administratif a écarté l'exception de prescription opposée en première instance ; en l'absence de vice d'une particulière gravité tenant aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, elles ne peuvent, après son exécution, demander l'annulation du contrat ; à titre subsidiaire, les parties disposaient d'un délai de deux mois à compter de l'exécution du contrat pour demander son annulation ;

- en vertu de l'article 2243 du code civil, le délai de prescription de cinq ans n'a pu être interrompu par les conclusions reconventionnelles de la chambre de métiers présentées dans le cadre de l'instance initiée par lui dès lors que celles-ci étaient irrecevables et ont été définitivement rejetées ;

- le contrat conclu le 25 août 2011 n'a pas un objet illicite au seul motif qu'il alloue à l'exposant une somme supérieure à l'indemnité qui lui aurait été allouée en application de l'article 44 du statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat dès lors que ces dispositions régissent le licenciement pour insuffisance professionnelle, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

- le tribunal administratif a méconnu l'intention des parties dans cette transaction et l'exigence de bonne foi dans les relations contractuelles ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que les juges de première instance l'ont condamné à reverser l'intégralité de la somme perçue dès lors que devraient être déduits de cette somme le montant de l'indemnité de licenciement, à hauteur de 11 422,32 euros, les sommes de 7181,14 euros, 2 680,77 euros et 2 538,30 euros, correspondant respectivement à la CSG et à la CRDS, au reliquat de congés payés dont il bénéficiait et à la prime de 13ème mois, la somme de 4 117,66 euros correspondant aux frais de recouvrement de l'indemnité lui ayant été versée et la somme de 10 000 euros correspondant à son préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai 2021, 19 septembre 2023 et 29 novembre 2023, la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France, venant aux droits de la chambre des métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise, représentée par la SCP G. Thouvenin, O. Coudray et M. B..., avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté l'exception de prescription ;

- les dispositions des articles 2241 et 2243 du code civil ne sont pas applicables aux créances administratives ;

- à la date du contrat, elle n'était pas compétente pour transiger dès lors qu'elle n'était pas autorisée à cet effet par le Premier ministre ;

- elle ne pouvait régler la situation de M. D... autrement que par référence au statut ;

- M. D... n'établit pas que la cessation de fonctions ne serait pas justifiée ;

- la demande reconventionnelle présentée à titre subsidiaire par M. D... tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable, conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- la somme versée ne compensait que la rupture d'activité, à l'instar d'une indemnité de licenciement ;

- cette demande n'est en tout état de cause pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'artisanat ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le décret n° 2004-1164 du 2 novembre 2004 ;

- le statut du personnel des chambres de métiers de l'artisanat adopté par la commission paritaire nationale 52 réunie le 13 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Crusoé, pour la chambre de métiers et de l'artisanat

d'Ile-de-France venant aux droits de la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté par la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise, le 16 juin 2008, en qualité de directeur du centre de formation des apprentis, et a été titularisé le 16 juin 2010. Par un contrat signé le 25 août 2011 et intitulé " séparation à l'amiable - rupture conventionnelle ", les parties ont souhaité " d'un commun accord mettre un terme à leur collaboration " et, en contrepartie de sa renonciation à toute action ou recours, M. D... a obtenu le versement par la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise d'une somme de 105 219,07 euros. Selon les termes mêmes de ce contrat, celui-ci constituait un " accord transactionnel (...) conclu en application des dispositions des articles 2044 et suivants du code civil ". M. D... demande l'annulation du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat du

Val-d'Oise, prononcé la nullité de cette transaction et l'a condamné à restituer à la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise la somme de 105 219,07 euros.

Sur l'exception de prescription de l'action en nullité du contrat :

2. D'une part, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

3. Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d'exécution de celui-ci.

4. En outre, il résulte des principes dont s'inspire l'article 2224 précité du code civil, qu'à compter du terme du contrat ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle les parties ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'exercer cette action, celles-ci disposent d'un délai de cinq ans pour en demander l'annulation, si elles se prévalent de l'illicéité de son objet ou d'un vice d'une particulière gravité relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles elles ont donné leur consentement.

5. D'autre part, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ", l'article 2242 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, prévoyant que " l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ". Toutefois, aux termes de l'article 2243 du code civil : " L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ".

6. M. D... soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté l'exception de prescription soulevée en première instance dès lors que la demande de la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise tendant à l'annulation de la transaction du 25 août 2011 n'a été présentée que le 26 octobre 2017, postérieurement à l'expiration du délai de prescription.

7. Il résulte de l'instruction que la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise a sollicité l'annulation de ce contrat par des conclusions reconventionnelles présentées le 20 août 2012, dans l'instance n° 1110422 introduite par M. D..., et auxquelles le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit par un jugement du 8 décembre 2014. Ce jugement a été partiellement réformé par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 15VE00452 du 29 décembre 2016 rejetant ces conclusions pour irrecevabilité. Le pourvoi en cassation introduit par la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise contre cet arrêt a ensuite fait l'objet d'une décision de non admission du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 19 juillet 2017. Ainsi, si le délai de prescription, fixé à cinq ans ainsi qu'il résulte de ce qui a été exposé au point 4, a été interrompu par l'introduction de ces conclusions reconventionnelles, cette interruption est réputée non avenue, en application de l'article 2243 du code civil, dès lors que ces conclusions reconventionnelles ont été définitivement rejetées par l'arrêt de la cour du 29 décembre 2016 mentionné ci-dessus. Il en résulte que le délai de l'action en contestation de validité du contrat, qui a couru à compter du 6 septembre 2011 soit le lendemain de la date d'exécution de la transaction, était, en tout état de cause, expiré le 26 octobre 2017, date à laquelle la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une nouvelle demande tendant à l'annulation de cette transaction.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la transaction du 25 août 2011 et l'a condamné à verser à la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise la somme de 105 219,07 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France une somme de 2 000 euros à verser à M. D... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1709950 du 5 novembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la chambre de métiers et de l'artisanat du Val-d'Oise devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que les conclusions présentées en appel par la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la chambre de métiers et de l'artisanat d'Ile-de-France, venant aux droits de la chambre de métiers et de l'artisanat du

Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président de la cour,

M. A..., premier vice-président, président de chambre,

M. Brotons, président de chambre,

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Albertini, président de chambre,

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Versol, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

La rapporteure,

S. Houllier

Le président de la cour,

T. Olson

La greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 21VE00016
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;21ve00016 ?
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