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27/02/2024 | FRANCE | N°22VE01982

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 27 février 2024, 22VE01982


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 181 501 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison de l'insuffisance d'assujettissement du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et des établissements qui lui sont liés aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, au titre de l'année 2017, à raison des immeuble

s situés sur le territoire communal.



Par un jugement n° 2002514 du 7 juillet 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser la somme de 181 501 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à raison de l'insuffisance d'assujettissement du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et des établissements qui lui sont liés aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, au titre de l'année 2017, à raison des immeubles situés sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2002514 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Versailles a admis l'intervention du CEA, condamné l'Etat à indemniser la commune de Villiers-le-Bâcle du préjudice correspondant à la différence entre la quote-part de taxe foncière lui revenant calculée sur les bases retenues par le service sans proratisation des surfaces et la part effectivement versée à la requérante correspondant à la quote-part des impositions initiales et supplémentaires qui lui est revenue avant dégrèvement, au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de l'année 2017, renvoyé la commune de Villiers-le-Bâcle devant l'administration fiscale pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité due et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2022 et le 20 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler les articles 2 à 4 du jugement attaqué et de rejeter la demande de la commune de Villiers-le-Bâcle.

Le ministre soutient que :

- la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée dès lors que le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives entre dans le champ de l'exonération de taxe foncière prévue par les articles 1382 et 1394 du code général des impôts en faveur des établissements publics à caractère scientifique ;

- les services fiscaux n'ont pas commis de faute, dès lors que la demande indemnitaire de la commune de Villiers-le-Bâcle a été présentée peu de temps avant l'expiration du délai de reprise d'un an prévu par l'article L. 173 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2023, la commune de Villiers-le-Bâcle, représentée par Me Erard, avocat, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ; l'administration fiscale n'ignore pas la situation du CEA ; à supposer que sa demande préalable soit tardive du fait de l'application de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, elle ne l'est pas au regard des dispositions de l'article L. 175 du même livre ; l'administration fiscale s'abstient volontairement de procéder à une imposition adéquate du CEA aux taxes foncières sur la totalité de bâtiments ; en qualité d'établissement public industriel et commercial, le CEA ne bénéficie pas de l'exonération prévue aux articles 1382 et 1394 du code général des impôts.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 9 novembre 2023, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, représenté par Me Toulemont, avocate, demande à la cour de faire droit à la requête d'appel du ministre.

Il soutient que les services fiscaux n'ont pas commis de faute.

Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en application de l'article L. 613-1 du code de justice administrative, au 29 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Erard pour la commune de Villiers-le-Bâcle et de Me Boutet-Mangon pour le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Villiers-le-Bâcle a demandé à l'Etat de lui verser la somme de 181 501 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'insuffisance d'imposition du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties au titre de l'année 2017. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 7 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande de la commune de Villiers-le-Bâcle, à hauteur de la différence entre la quote-part de taxe foncière lui revenant calculée sur les bases retenues par le service sans proratisation des surfaces et la part des impositions initiales et supplémentaires qui lui est revenue avant dégrèvement.

Sur l'intervention du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

2. Le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives justifie d'un intérêt suffisant, eu égard à la nature et à l'objet du litige. Son intervention est recevable.

Sur la responsabilité de l'Etat :

3. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. S'il appartient, en principe, à la victime d'un dommage d'établir la réalité du préjudice qu'elle invoque, le juge ne saurait toutefois lui demander des éléments de preuve qu'elle ne peut apporter.

4. Aux termes de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales : " Pour les impôts directs perçus au profit des collectivités locales et les taxes perçues sur les mêmes bases au profit de divers organismes, à l'exception de la cotisation foncière des entreprises, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de leurs taxes additionnelles, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a été saisie par un courrier daté du 12 décembre 2017, alors que le délai de reprise prévu à l'article L. 173 du livre des procédures fiscales expirait le 31 décembre 2017. Ce bref délai ne permettait pas à l'administration fiscale d'étudier la question qui lui était posée, en recueillant éventuellement les observations du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, notamment en ce qui concerne les sociétés ou instituts qui lui sont rattachés et qui sont installés sur son territoire, certains d'entre eux ayant déjà acquitté la taxe foncière en leur nom propre, puis d'établir un rôle supplémentaire. La commune de Villiers-le-Bâcle ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 175 du livre des procédures fiscales, dès lors que ces dispositions concernent les cas où les omissions ou les insuffisances d'imposition résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

6. En deuxième lieu, la circonstance que les services fiscaux n'ont pas spontanément procédé à ce rehaussement d'imposition avant l'expiration du délai de reprise n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, en l'absence de circonstances particulières qui auraient dû nécessairement conduire l'administration à réexaminer la situation de cet organisme, l'existence de litiges au titre d'années antérieures ne constituant pas une telle circonstance particulière. Il s'ensuit que l'administration fiscale n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, en n'effectuant pas spontanément une correction des bases d'imposition du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non-bâties au titre de l'année 2017.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande indemnitaire de la commune de Villiers-le-Bâcle.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est admise.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2002514 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 3 : La demande de la commune de Villers-le-Bâcle est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commune de Villiers-le-Bâcle et au commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE01982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01982
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services économiques. - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SCP AYACHESALAMA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22ve01982 ?
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