Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le préfet des Yvelines a mis en demeure les propriétaires et occupants des caravanes stationnées sur le terrain de foot de la commune de Crespières de quitter les lieux dans un délai de quarante-huit heures et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2204085 du 27 mai 2022 le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2022, MM. B... et D..., représentés par Me Candon, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 mai 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, dès lors qu'il est fondé sur un arrêté qui n'a pas été versé au dossier ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été précédé d'un arrêté du président de la communauté de communes Gally Mauldre ou du maire de Crespières portant interdiction du stationnement des gens du voyage sur le territoire de cette commune en dehors des aires aménagées, d'autre part, que la communauté de communes Gally Mauldre n'a pas rempli ses obligations en vertu de l'article 2 de la même loi ;
- en estimant que leur installation était de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le préfet a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur d'appréciation ;
- en fixant à quarante-huit heures le délai imparti pour quitter les lieux, le préfet a également commis une erreur d'appréciation.
Le préfet des Yvelines, qui a été mis en demeure de produire des observations en défense, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 5 septembre 2022, n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 24 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.
Les parties ont été informées, le 5 décembre 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions de l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 peuvent être substituées à celles de l'article 9 de la même loi comme fondement légal de l'arrêté attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen ;
- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 mai 2022 le préfet des Yvelines a mis en demeure les propriétaires et occupants des caravanes stationnées sur le terrain de foot de la commune de Crespières de quitter les lieux dans un délai de quarante-huit heures. MM B... et D... relèvent appel du jugement du 27 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le premier juge, qui a indiqué que la commune de Crespières était membre d'un établissement public de coopération intercommunale n'ayant pas de compétence en matière de réalisation d'accueil des gens du voyage, qu'elle n'était pas astreinte à des obligations en matière d'accueil des gens du voyage compte tenu de son nombre d'habitants et que son maire avait pris le 9 mai 2022 un arrêté portant réglementation de l'occupation du domaine public, a ainsi précisé les motifs pour lesquels il a estimé que l'arrêté attaqué pouvait être fondé sur les dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, sur la circonstance que le maire de Crespières avait pris, le 9 mai 2022, un arrêté portant réglementation de l'occupation du domaine public. Si MM. B... et D... relèvent à juste titre que cet arrêté n'est pas mentionné dans l'arrêté attaqué et n'a pas été versé au dossier, une telle circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et est seulement susceptible d'affecter le bien-fondé de ses motifs, dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2022 :
4. Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 : " I.- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie. / 1° L'établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l'article 2 ; / 2° L'établissement public de coopération intercommunale bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ; / 3° L'établissement public de coopération intercommunale dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet ; / 4° L'établissement public de coopération intercommunale est doté d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage, sans qu'aucune des communes qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental prévu à l'article 1er ; / 5° L'établissement public de coopération intercommunale a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d'une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d'un autre établissement public de coopération intercommunale ; / 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations. / (...) II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I ou au I bis, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures (...) ".
5. Aux termes de l'article 9-1 de la même loi : " Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l'article 9, le préfet peut mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue au II du même article, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain, en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ".
6. En premier lieu, il ressort de l'arrêté du 10 octobre 2019 portant modification des statuts de la communauté de communes Gally-Mauldre que cette communauté de communes, à laquelle appartient la commune de Crespières, exerce de plein droit la compétence " d'accueil, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er de la loi n°2002-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ". Le schéma départemental d'accueil et d'habitation des gens du voyage dans les Yvelines pour la période 2013-2019 prévoit la création, sur le territoire de la commune de Saint-Nom la Bretèche, qui fait partie de la communauté de communes Gally-Mauldre, d'une aire d'accueil de cinq places ainsi que la réalisation d'une aire de grand passage dans le nord du département des Yvelines au financement de laquelle les établissements publics de coopération intercommunale de l'arrondissement de Saint-Germain en Laye doivent participer. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces deux aires auraient été créées ou, pour la seconde, que la communauté de communes Gally-Mauldre aurait participé à son financement. Cette communauté de commune ne peut donc être regardée comme remplissant les conditions fixées au 1° du I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000. Par ailleurs, si le schéma précité indique que l'obligation impartie par le précédent schéma départemental à la commune de Maule de créer une aire de quinze places a été satisfaite par la création d'une aire située sur le territoire de la commune d'Aubergenville, la création de cette aire, qui ne se trouve ainsi pas sur le territoire de la communauté de communes Gally-Mauldre, fait suite à l'inscription de l'une de ses communes au schéma départemental. La communauté de commune ne peut donc être regardée comme remplissant les conditions fixées au 4° du I de l'article 9. Enfin, il n'est pas contesté que la commune de Crespières n'est pas dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage, de telle sorte que les conditions du 6° du I de l'article 9 ne sont pas non plus satisfaites. Dans ces conditions, aucune des conditions prévues au 1° au 6° du I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 n'étant satisfaite, le préfet ne pouvait prendre une mise en demeure en application des dispositions de cet article, qui est le seul cité dans l'arrêté attaqué.
7. Toutefois, les dispositions de l'article 9-1 de même loi peuvent être substituées à cette base légale, dès lors que la commune de Crespières n'est pas inscrite au schéma départemental et n'est pas mentionnée à l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, qu'une telle substitution n'a pour effet de priver MM B... et D... d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de cette compétence.
8. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
9. En deuxième lieu, il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué, étaient stationnées quinze caravanes sur le terrain de foot de la commune de Crespières ainsi que vingt-cinq véhicules sur le parking correspondant. Si MM B... et D... font valoir que le terrain est rustique et non entretenu, les photographies jointes à leurs écritures de première instance font apparaître que la pelouse de ce terrain, dont l'enceinte est précisément délimitée, est en bon état et qu'il est doté de cages de but, certes non équipées de filets. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué qu'il ne serait pas utilisé, comme l'indique l'arrêté attaqué, par les enfants de la commune dans le cadre des activités sportives scolaires, alors même qu'un city stade, de taille plus modeste, se trouve à proximité directe. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer que l'occupation de ce terrain, en ce qu'elle entravait de telles activités, constituait une gêne pour la tranquillité publique. En outre, il ressort des pièces du dossier que les occupants des caravanes ont effectué des branchements électriques sur le compteur du vestiaire et que des câbles électriques posés à même le sol longent le city stade librement accessible aux usagers, notamment aux plus jeunes, et que ces câbles sont nombreux aux abords des caravanes installées sur le terrain de football. Ainsi, quand bien même ces câbles passent à l'arrière du city stade, le préfet des Yvelines a pu estimer que leur présence était de nature à mettre en danger la sécurité des usagers. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation quant au risque pour la sécurité et la tranquillité publiques doit être écarté.
10. En troisième lieu, l'arrêté attaqué a laissé aux occupants un délai de quarante-huit heures pour quitter les lieux. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel délai serait en l'espèce insuffisant.
11. Il résulte de ce tout qui précède que MM. B... et D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Les conclusions de leur requête, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MM. B... et D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
La rapporteure,
E. TROALENLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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No 22VE01288