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08/02/2024 | FRANCE | N°22VE00349

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 08 février 2024, 22VE00349


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Dendro Concept a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 portant approbation du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Yon, ou à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle a classé en zone N et en partie en espace boisé classé la maison située 2 rue des Cosnardières, son jardin et les parcelles cadastrées nos B 450, B 455 et B 1478, en tant qu'elle présent

e et incite à utiliser à des fins récréatives des chemins privés non ouverts au public et c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dendro Concept a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler la délibération du 17 décembre 2019 portant approbation du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Yon, ou à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle a classé en zone N et en partie en espace boisé classé la maison située 2 rue des Cosnardières, son jardin et les parcelles cadastrées nos B 450, B 455 et B 1478, en tant qu'elle présente et incite à utiliser à des fins récréatives des chemins privés non ouverts au public et classe ses seuls chemins privés en espace boisé classé, et en tant qu'elle créé un emplacement réservé n° 3 et un secteur Ae au lieu-dit " Les longs sablons ", ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et enfin de mettre à la charge de la commune de Saint-Yon la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003613 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, ainsi que celle présentée par la commune de Saint-Yon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 février 2022, 22 mars 2022 et 8 novembre 2023, la société Dendro Concept, représentée par Me Defradas, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, à titre principal, en tant qu'elle classe en zone N et non en zone UB ou UBb la parcelle cadastrée B 450 et une partie de la parcelle cadastrée B 1478 et en espace boisé classé la parcelle cadastrée B 455 et une partie de la parcelle cadastrée B 1478 ou, à titre subsidiaire, en tant qu'elle n'a pas classé la parcelle cadastrée B 450 et une partie de celle cadastrée B 1478 en secteur Nh ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Yon la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'a pas été signée par le rapporteur du dossier ;

- le classement en zone N et en espace boisé classé de la maison et des parcelles cadastrées B 450, 455 et 1478 est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est incompatible avec les dispositions et orientations du schéma directeur de la région d'Ile-de-France.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2023 et le 14 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-Yon, représentée par Me Le Baut, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Dendro Concept au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Defradas pour la société requérante, et de Me Le Baut pour la commune de Saint-Yon.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de Saint-Yon a, par une délibération du 27 mai 2010, prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune. Par une délibération du 26 juin 2018, le conseil municipal a tiré le bilan de la concertation et arrêté le projet de plan local d'urbanisme. Le conseil municipal de Saint-Yon a, par une délibération du 17 décembre 2019, approuvé son plan local d'urbanisme. La société Dendro Concept fait appel du jugement n° 2003613 du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 décembre 2019, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait.

Sur la légalité de la délibération du 17 décembre 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. Les parcelles cadastrées B 450, B 455 et B 1478 appartenant à la société Dendro Concept, situées le long de la route des Cosnardières dans le hameau de Feugères, ont été classées par le plan local d'urbanisme contesté en zone naturelle. Les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu, au moyen de la zone naturelle, protéger la trame verte et bleue en empêchant son urbanisation et en limitant le mitage des espaces naturels de la commune de Saint-Yon et notamment des lisières du Bois de Baville au contact direct de l'urbanisation, en cohérence avec l'orientation générale du projet d'aménagement et de développement durables tendant à la valorisation du cadre paysager et environnemental du village. Les auteurs de ce plan ont ainsi souhaité développer de façon mesurée l'urbanisation dans l'enveloppe urbaine du bourg à proximité des axes de transport, à l'exclusion des hameaux et sans affecter les terres agricoles et naturelles.

6. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles sont situées en limite Nord du hameau de Feugères, en dehors des parties urbanisées de ce hameau. Si elles se situent à proximité d'un secteur pavillonnaire, elles en sont séparées par une bande boisée et s'insèrent ainsi sur ces limites Nord, Est et Sud dans un vaste massif forestier. Contrairement à ce qu'indiquent la société requérante, l'ancienne voie de chemin de fer située sur la limite Est ne constitue pas une coupure avec ce massif forestier, qui forme avec les parcelles en litige une seule unité. Dans ces conditions, et alors même que les parcelles litigieuses supportent une construction, inhabitée depuis une vingtaine d'année, sont desservies par les réseaux publics, disposent d'un accès à la voie publique et ont été pour partie classées en zone urbaine au sein d'un document d'urbanisme précédent, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Yon ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, les classer en zone N. Enfin, la circonstance que ces parcelles ne présentent pas un environnement d'une particulière qualité qu'il conviendrait de préserver, ne sont pas situées dans le périmètre du site classé de la vallée de la Renarde, ni couvertes par une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique et qu'elles se situent seulement en limite d'un réservoir de biodiversité du schéma régional de cohérence écologique, n'est pas davantage, compte tenu de ce qui a été dit, de nature à entacher ce classement d'une erreur manifeste d'appréciation. Il en va de même de la circonstance que ces parcelles, voire une partie de ces parcelles, auraient pu faire l'objet d'un zonage UBb correspondant à un secteur boisé et paysager dont le caractère mérite d'être conservé ou Nh correspondant à des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées en zone naturelle pour le tissu urbain éclaté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Aux termes de l'article L. 113-2 de ce même code : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du code forestier. (...) La délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme peut soumettre à déclaration préalable, sur tout ou partie du territoire couvert par ce plan, les coupes ou abattages d'arbres isolés, de haies ou réseaux de haies et de plantations d'alignement ".

8. La parcelle cadastrée B 455 et une partie de la parcelle cadastrée B 1478 appartenant à la société requérante ont été également classées par le plan local d'urbanisme en litige en espaces boisés classés. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ressort des pièces du dossier que ces parcelles s'insèrent dans un vaste massif forestier. Elles sont elles-mêmes en grande partie boisées. Dans ces conditions, et alors même que la végétation existante, qui ne présente pas d'intérêt particulier, résulterait seulement de la circonstance que le terrain n'a pas été entretenu, qu'elles ont été par le passé affectées à l'activité de vergers et potagers et que d'autres parcelles, plus éloignées, n'auraient pas été grevées de cette servitude, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Yon ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, les classer en espaces boisés classés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : (...) 3° Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France prévu à l'article L. 123-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code dans sa version applicable : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 (...). ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'au sein de la région d'Ile-de-France les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma directeur de la région, si le schéma de cohérence territoriale ou, en son absence, le plan local d'urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale ne contrarie pas les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier.

11. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa version issue du décret du 27 décembre 2013 portant approbation du schéma directeur de la région d'Ile-de-France (SDRIF), ce dernier fixe un objectif d'augmentation minimale de 10 % de la densité humaine et de la densité des espaces d'habitats à l'horizon 2030, à l'échelle communale, dans les " espaces urbanisés à optimiser ". Il ne ressort toutefois pas de la représentation graphique annexée, que ces espaces pour la commune de Saint-Yon couvrent les parcelles de la société requérante alors qu'il appartient aux documents d'urbanisme locaux de préciser les limites des espaces ainsi identifiés. En outre, le zonage des parcelles en cause en zone N n'est pas incompatible avec les autres orientations du SDRIF qui prévoient la préservation des unités boisées et naturelles.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dendro concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Yon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Dendro Concept demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Dendro Concept une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Yon sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Dendro Concept est rejetée.

Article 2 : La société Dendro Concept versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Yon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dendro Concept et à la commune de Saint-Yon.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 08 février 2024.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00349
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : LE BAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22ve00349 ?
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