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06/02/2024 | FRANCE | N°23VE00188

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23VE00188


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Par un jugement n° 2208426 du 28 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2208426 du 28 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Ziane, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à celui tiré de ce que sa présence sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public ;

- l'obligation de quitter le territoire français attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- et les observations de Me Ziane pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 14 avril 1988, relève appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, M. B... soutenait notamment que l'arrêté du 8 novembre 2022 avait été pris en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

5. L'arrêté attaqué vise les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. B... a déclaré être entré en France sans être en possession d'un visa et qu'il s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour estimer que M. B... entrait dans les prévisions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Alors que cet arrêté ajoute en outre que M. B... déclare être père d'un enfant sans en apporter la preuve et vivre avec une personne sans justifier de la régularité du séjour de celle-ci, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., compte tenu des éléments de justification qu'il avait alors apportés.

7. En troisième lieu, les éléments produits par M. B... ne permettent d'établir la réalité de sa vie commune avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans qu'à compter du mois de février 2022. Si M. B... produit une déclaration de concubinage, établie le 17 novembre 2022 à la mairie de Corbeil-Essonnes, faisant état d'une vie maritale à compter du 23 septembre 2021, cette pièce établie postérieurement à l'arrêté attaqué, n'est corroborée par aucun autre document quant à la date de début de la vie commune. Il ressort également des pièces du dossier qu'un enfant est né de cette union, le 16 juin 2022, qu'il a été hospitalisé jusqu'au 22 août 2022, en raison de sa naissance prématurée, puis du 29 septembre au 6 octobre 2022, en raison d'une bronchiolite aiguë grave, et que M. B... a été présent auprès de son fils lors de ces séjours hospitaliers. Toutefois, il ne ressort des pièces du dossier ni que la surveillance médicale de l'état de santé de son fils rende indispensable la présence en France de M. B..., celui-ci ne faisant état d'aucune circonstance particulière qui empêcherait la mère de l'enfant de mettre en œuvre ce suivi médical en France, ni qu'un tel suivi ne pourrait être réalisé hors de France. En outre, si M. B... se prévaut des liens qu'il a tissés avec les autres enfants de sa compagne, il ressort des pièces du dossier que les trois aînés, de nationalité française, sont majeurs, et l'intéressé ne fournit aucune précision quant à la nationalité du plus jeune enfant de sa compagne, A..., né en 2018, et aux circonstances qui feraient obstacle à son départ de France. Ainsi, les pièces du dossier ne font pas ressortir des circonstances particulières qui s'opposeraient à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, pays dont M. B... et sa compagne sont originaires, y compris avec le jeune A.... Enfin, si M. B..., qui a indiqué lors de sa retenue administrative qu'il était présent en France depuis deux ans, fournit à l'appui de sa requête d'appel une promesse d'embauche en qualité de maçon en date du 9 décembre 2022, celle-ci a été établie postérieurement à l'arrêté attaqué et l'intéressé ne fait état d'aucune activité professionnelle antérieure. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier au caractère récent de la vie commune dont justifie M. B..., à la courte durée de sa présence alléguée en France, l'obligation de quitter le territoire français attaquée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Aux termes de l'article 9 de cette convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant ".

9. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... et sa compagne, ainsi que leur fils C..., ne puissent poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine, accompagné du jeune A.... M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement dont il est l'objet aurait pour effet de le séparer de son fils et aurait ainsi été prise en méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes raisons, en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 9 de cette convention doit être écarté.

10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2208426 du tribunal administratif de Versailles du 28 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00188
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : ZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ve00188 ?
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