Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2216033 du 7 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Aucher, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 25 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de départ volontaire est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette interdiction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens invoqués par le requérant sont infondés.
Par un courrier du 21 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la substitution des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celles du 1° du même article comme fondement légal de la mesure d'obligation de quitter le territoire français attaquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Troalen a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 10 février 1997, relève appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Val-d'Oise pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré (...) s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) ".
3. L'arrêté attaqué vise les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. A... se trouve en situation irrégulière sur le territoire national. Il ajoute que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour estimer que M. A... entrait dans les prévisions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, M. A..., entré en France le 14 février 2020 selon ses déclarations, justifie avoir exercé, à compter du mois de juillet 2020, l'activité de laveur de voiture puis, à compter du mois de février 2021, celle de mécanicien et disposer depuis cette date d'un contrat de travail à durée indéterminée. S'il soutient être hébergé par son frère, titulaire d'un certificat de résidence algérien, et indique que ses deux autres frères séjournent également régulièrement en France, l'intéressé, qui a résidé dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 22 ans, est célibataire et sans charge de famille en France. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment à la durée du séjour en France de M. A..., l'obligation de quitter le territoire français attaquée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 (...) ".
6. Pour refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet du Val-d'Oise, après avoir visé l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre, dès lors qu'il s'était maintenu sur le territoire français depuis son entrée en France et s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée le 8 décembre 2020. Il a en outre estimé que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, faute de présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, de justifier d'une résidence effective et permanente et ayant explicitement fait part de son intention de ne pas se conformer à une mesure d'éloignement. L'arrêté attaqué comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour estimer que M. A... entrait dans les prévisions du 3°de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'un refus de délai de départ volontaire. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision ne serait pas suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, M. A... ne conteste pas s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis son entrée en France. Il a fait l'objet, le 8 décembre 2020, d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à l'exécution duquel il s'est soustrait. Ainsi il se trouvait dans les cas prévus aux 1° et 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le refus de délai de départ volontaire qui lui a été opposé méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, les seules circonstances que M. A... exerce l'activité de mécanicien et que ses trois frères résident régulièrement en France, ne saurait suffire à démontrer qu'en refusant de lui accorder un délai pour exécuter la mesure d'éloignement, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision d'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
11. En l'espèce, le préfet du Val-d'Oise, après avoir refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et après avoir relevé que l'intéressé ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière, lui a, en application des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du même code, interdit un retour sur le territoire français et a fixé la durée de cette interdiction à deux ans, aux motifs qu'il se maintient en situation irrégulière depuis son entrée en France, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il est célibataire et sans enfant. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français serait insuffisamment motivée.
12. En deuxième lieu, si M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France, de l'exercice de l'activité professionnelle de mécanicien dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et de la présence de ses trois frères résidant régulièrement en France, de telles circonstances ne sont pas de nature à faire obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
13. En troisième lieu, eu égard aux circonstances prises en compte par le préfet du Val-d'Oise, la durée de l'interdiction de retour, fixée à deux ans, n'est pas disproportionnée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
15. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire (...) n'a pas été accordé (...) ".
16. Pour décider d'assigner M. A... à résidence sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Val-d'Oise a relevé qu'il était démuni de document d'identité et de voyage en cours de validité, qu'il était donc nécessaire d'obtenir un laissez-passer consulaire et que, par conséquent, il ne pouvait quitter immédiatement le territoire français. Toutefois, il est constant que le passeport algérien de M. A..., valable jusqu'au 25 avril 2026, a été retenu par les services de la préfecture du Val-d'Oise lors de l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 8 décembre 2020, le récépissé émis le même jour précisant que ce document lui serait restitué lorsque cette mesure serait exécutée, lors du passage à la frontière. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté du 25 novembre 2022 portant assignation à résidence est entaché d'une erreur de fait. Cette erreur, qui a trait au seul motif retenu par le préfet pour estimer que M. A... ne pouvait quitter immédiatement le territoire français, est de nature à entacher d'illégalité la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre. M. A... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2022 portant assignation à résidence, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête invoqué à l'encontre de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui annule seulement la mesure d'assignation à résidence, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présence instance, une somme au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a assigné M. A... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 décembre 2022 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
E. TROALENLa présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE00061