Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 février 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2200929 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, M. A..., représenté par Me Mengelle, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'intérêt supérieur de sa fille mineure ;
- l'article 12 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ; il est porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 7 décembre 2023, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une méconnaissance du champ d'application de la loi en ce que les dispositions L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 28 novembre 1996, entré en France en septembre 2018, a présenté une demande d'asile le 2 janvier 2019 rejetée par le directeur général de l'Office français des réfugiés et apatrides le 21 février 2019, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 octobre 2019. M. A... s'est ensuite maintenu sur le territoire malgré un arrêté du 4 décembre 2019 du préfet de la Seine-et-Marne lui faisant obligation de quitter le territoire français. Interpellé le 5 février 2022 par les services de police d'Evry-Courcouronnes, il a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté du préfet de l'Essonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de sa reconduite. M. A... relève appel du jugement du 21 mars 2022, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent livre détermine les règles applicables à l'entrée, au séjour et à l'éloignement : (...) / 4° Des étrangers entretenant avec les citoyens de l'Union européenne (...) des liens privés et familiaux, tels que définis à l'article L. 200-5. " Selon l'article L. 200-5 du même code : " Par étranger entretenant des liens privés et familiaux avec un citoyen de l'Union européenne on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas de l'article L. 200-4 et qui, sous réserve de l'examen de sa situation personnelle, relève d'une des situations suivantes : (...) / 3° Étranger qui atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un citoyen de l'Union européenne. "
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a conclu un pacte civil de solidarité (pacs), le 17 mars 2021, avec une ressortissante italienne bénéficiant en France d'un contrat de travail à durée indéterminée et qu'un enfant de nationalité italienne, reconnu de manière anticipée par M. A... le 17 décembre 2019, est né le 15 avril 2020 de cette union. M. A... justifie de la réalité de ses liens familiaux avec sa partenaire de pacs et sa fille mineure, au cours des années 2020, 2021 et 2022, par la production de nombreuses preuves de vie commune, telles que des attestations de paiement de la caisse d'allocations familiales, des documents bancaires, des attestations EDF, des documents d'assurance et diverses factures libellées à son nom et à l'adresse de sa partenaire. Dans ces conditions, M. A..., qui atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec une citoyenne de l'Union européenne, ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux étrangers ressortissants de pays tiers qui ne justifient pas de tels liens. Il s'ensuit que l'arrêté contesté, fondé sur les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît le champ d'application de la loi et doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance (...), et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "
6. L'annulation, par le présent arrêt, de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A..., implique que sa situation soit réexaminée et que, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200929 du 21 mars 2022 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 5 février 2022 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité administrative compétente de procéder au réexamen de la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.
La rapporteure,
O. DORION
La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 22VE0095200