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06/02/2024 | FRANCE | N°22VE00104

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 22VE00104


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Généthon a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des intérêts de retard correspondants.



Par jugement n° 1908285 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 janvier 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Généthon a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des intérêts de retard correspondants.

Par jugement n° 1908285 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 janvier 2022, le 25 juillet 2022 et le 27 novembre 2023, l'association Généthon, représentée par Mes Ville et Ménard, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que la contribution financière qu'elle a reçue de l'AFM-Téléthon est rattachable par nature au secteur non lucratif ;

- l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2018 est irrégulier en ce qu'il porte sur un montant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises supérieur à celui mentionné dans les conséquences financières de la proposition de rectification du 19 octobre 2017 ;

- le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit en validant la méthode retenue par l'administration sans rechercher sur quel fondement juridique celle-ci pouvait s'appuyer pour écarter la clé de répartition qu'elle-même a appliquée et inversé la charge de la preuve en considérant qu'il lui appartenait de démontrer que la contribution financière qu'elle a reçue devait être rattachée à son secteur non lucratif ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale publiée au bulletin officiel des finances publiques le 1er septembre 2014 sous la référence BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 et de la réponse ministérielle au député Dorey du 20 octobre 1955, reprise par la documentation de base 4 H-6123 du 12 juillet 1997 ; en application de cette doctrine, la subvention versée par l'association AFM-Téléthon ne saurait être prise en compte dans la détermination du résultat de son secteur lucratif, dès lors qu'elle ne se rattache pas directement à cette activité ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle prise par le service, d'une part dans un courrier du 4 décembre 2014 du service juridique de la fiscalité de la DDFIP de l'Essonne, d'autre part, dans la proposition de rectification du 3 juillet 2015 qui lui a été notifiée à la suite d'un contrôle opéré en matière de TVA ;

- l'interprétation qui lui a été opposée par le service est contraire au principe d'égalité devant l'impôt, garanti par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- en l'absence de réintégration du montant de la subvention de l'association AFM-Téléthon dans son bénéfice imposable, la rectification en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est également infondée dans cette mesure.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 juin 2022, le 6 novembre 2023 et le 5 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'association Généthon sont infondés.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ville, représentant l'association Généthon.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Généthon, qui est régie par la loi du 1er juillet 1901 et a pour activité la recherche et le développement pharmaceutique pour les maladies rares et la thérapie génique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2014 et 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a réintégré dans ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au titre de l'exercice clos en 2014, à hauteur de la somme de 9 387 171 euros, une subvention versée par l'association française contre les myopathies - Téléthon (AFM-Téléthon) en 2014, au motif que cette subvention participait au fonctionnement du secteur lucratif de l'association Généthon. Le service a en conséquence mis à sa charge une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et un supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, majorés des intérêts de retard, d'un montant total de 110 364 euros, et a réduit son déficit reportable de la somme de 32 686 450 euros à 23 229 778 euros au titre de cet exercice. L'association Généthon relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et de rétablissement de son déficit reportable.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'association Généthon soutient que les premiers juges ont omis de répondre à son argument selon lequel l'administration fiscale ne pouvait estimer que la subvention versée par l'association AFM-Téléthon était rattachable à son secteur lucratif au seul motif que son montant était supérieur aux charges du secteur non lucratif, ce qui reviendrait à interdire à toute association non lucrative de recevoir des subventions supérieures à ses charges d'exploitation. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de l'association requérante, ont précisé les motifs pour lesquels ils ont estimé, sur le terrain de la loi fiscale, que l'ensemble de ses bénéfices, y compris ceux résultant d'opérations non lucratives, était imposable à l'impôt sur les sociétés, et en application de la doctrine, que l'administration fiscale avait pu à bon droit estimer que la subvention versée par l'association AFM-Téléthon avait partiellement pour objet de couvrir les charges du secteur lucratif de l'association Généthon. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur un moyen doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En second lieu, les moyens tirés de ce que le tribunal aurait entaché sa décision d'erreur de droit en validant la méthode retenue par l'administration sans rechercher sur quel fondement juridique celle-ci pouvait s'appuyer pour écarter la clé de répartition appliquée par l'association, et aurait inversé la charge de la preuve en considérant qu'il appartient à celle-ci de démontrer que la contribution financière devait être rattachée à son secteur non lucratif, sont sans incidence sur la régularité du jugement et relèvent de l'appréciation du bien-fondé des impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 19 octobre 2017 mentionne, au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, un montant de 26 311 euros de droits éludés, au titre de la taxe additionnelle, un montant de 1 471 euros, et au titre des frais de gestion, un montant de 278 euros, soit un montant total de 28 060 euros, qui correspond à la somme réclamée par l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2018. La circonstance que cet avis ne mentionne que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n'est pas de nature à priver la contribuable d'une garantie. Par suite, l'association Généthon n'est pas fondée à soutenir que la somme mise en recouvrement est supérieure aux conséquences financières mentionnées dans la proposition de rectification.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " 1. (...), sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes (...) les personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, (...) ".

6. Si l'association Généthon qui exerce des activités lucratives en matière de développement pharmaceutique, exerce également des activités non lucratives en matière de recherche médicale, il est constant que le montant de recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année 2014 au titre des activités lucratives excède la somme de 60 000 euros. Elle est donc, en vertu des dispositions précitées de l'article 206 du code général des impôts, passible pour la totalité de son bénéfice à l'impôt sur les sociétés et son bénéfice imposable est, en vertu des dispositions précitées de l'article 38 du même code, déterminé d'après le résultat d'ensemble de ses opérations de toute nature. Par suite, l'administration fiscale était fondée, en application de ces dispositions, à prendre en compte dans le calcul du résultat de l'association Généthon le montant de la subvention versée par l'association AFM-Téléthon.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de l'avis de mise en recouvrement : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. "

8. Sur le fondement de ces dispositions, l'association Généthon se prévaut, d'une part, de l'interprétation administrative de la loi fiscale publiée au bulletin officiel des finances publiques le 1er septembre 2014, sous la référence BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10, relative aux conditions dans lesquelles une association peut " constituer un secteur dit " lucratif " qui sera seul soumis à l'impôt sur les sociétés " (paragraphe 30), d'autre part, de la documentation de base 4 H-6123 à jour au 12 juillet 1997, qui se réfère aux termes de la réponse ministérielle au député Dorey, publiée au journal officiel du 29 octobre 1955, et prévoit que " si l'activité exercée n'entre que pour partie dans le champ d'application de l'article 206-1 [du code général des impôts], seuls les cotisations, dons et subventions qui peuvent être considérés comme se rattachant directement à l'activité lucrative revêtent le caractère de recettes professionnelles (...) ".

9. Ni la réponse ministérielle du 29 octobre 1955 ni la documentation de base 4 H-6123 n'ont été reprises au bulletin officiel des finances publiques (BOFIP-impôts) à compter du 12 septembre 2012. Par suite, l'association Généthon ne peut utilement se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale qu'elles contiennent.

10. L'instruction publiée sous la référence BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 prévoit qu'une association peut " constituer un secteur dit " lucratif " qui sera seul soumis à l'impôt sur les sociétés " (paragraphe 30), notamment si " les opérations lucratives sont dissociables de l'activité principale non lucrative " (paragraphe 10) et si " l'activité non lucrative demeure significativement prépondérante ", sous réserve que l'organisme procède " à une exacte répartition de ses charges entre la structure ou l'entité fiscalisée et la structure non fiscalisée " (paragraphe 70).

11. En l'espèce, la proposition de rectification du 19 octobre 2017 indique que les charges d'exploitation du secteur lucratif de l'association Généthon représentent 49,9 % du montant total de ses charges d'exploitation pour l'exercice 2014. Il ne résulte pas de l'instruction que l'activité non lucrative de l'association soit significativement prépondérante au sens du paragraphe 10 de l'instruction. En outre, si l'association indique que son activité peut être décomposée en une activité non lucrative, qui consiste en une activité de recherche médicale correspondant à la première phase de conception de médicaments, et une activité lucrative, qui correspond aux phases d'essais cliniques et d'études thérapeutiques nécessaires avant commercialisation des produits, il ne résulte pas de l'instruction que ces deux dernières activités sont dissociables de l'activité non lucrative. Ainsi, l'association ne satisfaisant pas aux conditions posées aux paragraphes 10 et 30 de l'instruction publiée sous la référence BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10, elle ne peut utilement se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale qu'elle contient.

12. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B de ce livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1o Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) "

13. Si l'association Généthon soutient que la subvention de l'association AFM-Téléthon a été affectée comptablement au secteur non lucratif de l'association en application des principes de délimitation de ses secteurs lucratif et non lucratif validés par le service, en se prévalant d'un courrier du 4 décembre 2014, ce courrier confirme uniquement la position de l'administration fiscale sur le caractère prépondérant des activités lucratives de l'association à compter du 1er janvier 2015. L'association ne peut pas davantage se prévaloir de la proposition de rectification du 3 juillet 2015, qui est postérieure à l'année d'imposition en litige et porte sur une imposition différente. Par suite, l'association ne saurait ni se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni, à les supposer invoquées, de celles de l'article L. 80 B du même code.

14. En troisième lieu, l'association Généthon ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une atteinte au principe d'égalité.

En ce qui concerne la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises :

15. Les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette cotisation n'étant pas assise sur le bénéfice imposable, est inopérant le moyen tiré de ce que la réintégration du montant de la subvention de l'association AFM-Téléthon dans le bénéfice imposable de l'association Généthon serait infondée. Ce moyen doit être écarté.

16. Il résulte de ce tout qui précède que l'association Généthon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Généthon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Généthon et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 22VE00104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00104
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Textes fiscaux. - Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST & YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22ve00104 ?
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