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01/02/2024 | FRANCE | N°21VE01032

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 21VE01032


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 23 avril 2018, de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 150 898 euros, majorée des intérêts de quatre points à compter de juillet 2014, d'enjoindre à la société La Poste de réévaluer et de verser la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013 et de mettre à la charge de la soci

été La Poste la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire préalable du 23 avril 2018, de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 150 898 euros, majorée des intérêts de quatre points à compter de juillet 2014, d'enjoindre à la société La Poste de réévaluer et de verser la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013 et de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802618 du 2 février 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande et les conclusions de la société La Poste tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 13 avril 2021, le président de la cour administrative de Nantes a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis à la cour administrative d'appel de Versailles, la requête d'appel de M. A..., enregistrée le 2 avril 2021.

Par cette requête et des mémoires, enregistrés le 2 avril 2021, le 31 août 2021, le 1er septembre 2023 et le 25 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Delhaes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes préalables du 23 avril 2018 et du 28 mai 2020 ;

3°) de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 152 864 euros, avec intérêts majorés de quatre points à compter de juillet 2014 ou, à défaut, de la date de sa demande indemnitaire préalable, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

4°) d'enjoindre à la société La Poste de réévaluer et lui verser la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013 ;

5°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par la société La Poste sur ce même fondement.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable dès lors qu'il évoquait, dans sa réclamation préalable du 23 avril 2018, les décisions lui retirant son avancement et lui demandant de reverser des trop-perçus ; la cour doit également se fonder sur sa demande préalable du 27 mai 2020 ; il n'était pas tenu de contester la décision rejetant sa demande indemnitaire préalable ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif a omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 1er, 2 et 5 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pourtant soulevés ;

- le jugement attaqué est entaché de plusieurs erreurs de droit, de fait et de qualification juridique des faits en ce que le tribunal a considéré qu'il était devenu inapte à l'exercice de ses fonctions ;

- la procédure suivie est entachée d'irrégularité en ce qu'aucun comité médical régulièrement constitué n'a précédé les commissions de mai et juin 2013 en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; aucun comité médical ne s'est prononcé sur l'aménagement de son ancien poste de travail ; la tenue d'une nouvelle commission en juin 2014 n'a pas eu pour effet de régulariser les irrégularités entachant les décisions des précédentes commissions ; la méconnaissance de ces dispositions a eu une influence substantielle sur le sens de la décision finale ; il n'a jamais été informé de la date du comité médical, de la communication de son dossier et des voies de recours ; le médecin de prévention n'a pas été consulté sur les éventuelles modalités de réintégration avant la réunion du comité médical ;

- les commissions du 2 mai et 4 juillet 2013 n'ont pas été précédées d'un avis médical du médecin du travail en méconnaissance de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; la méconnaissance de ces dispositions a eu une influence substantielle sur le sens de la décision finale ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal administratif a dénaturé les faits en jugeant qu'une recherche de reclassement avait été réalisée et que la société La Poste avait ainsi satisfait à son obligation de reclassement ; la société La Poste n'a effectué aucune recherche réelle de reclassement alors que l'administration est tenue de reclasser un agent devenu inapte dès lors que toute activité ne lui est pas interdite, en application, notamment, du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; la tentative de reclassement alléguée ne respecte pas les conditions de l'article 63 de la loi n° 84-16 ;

- la société La Poste ne démontre pas l'avoir invité à présenter une demande d'emploi dans un autre corps en méconnaissance de l'article 2 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- la charge de la preuve de la réalité d'une recherche de reclassement pèse sur l'administration et le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en ne diligentant pas une mesure d'instruction sur ce point et en inversant la charge de la preuve ;

- l'impossibilité de le reclasser ne peut justifier une décision d'admission d'office à la retraite ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce que la société La Poste aurait dû, avant de le placer à la retraite d'office faute de pouvoir le reclasser, rechercher si un aménagement de son poste n'était pas possible, notamment car il est reconnu travailleur handicapé au sens de l'article 5 de la directive n°2000/78/CE ;

- les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires et du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ne prévoient pas d'obligation d'aménagement du poste, en méconnaissance de l'article 5 de la directive n° 2000/78/CE ;

- la société La Poste n'a pas cherché à aménager son poste, en méconnaissance de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la directive n° 2000/78/CE et de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a admis qu'il était possible de placer à la retraite d'office un agent avant l'expiration de la période de disponibilité d'office de trois ans ; il ne pouvait être placé en retraite d'office qu'à compter du 7 mai 2016 ; le délai de reclassement prévu par l'article 46 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 n'a pas été respecté ; l'impossibilité de reclassement ne peut justifier une décision d'admission à la retraite lorsque l'agent refuse l'admission à la retraite et souhaite reprendre le travail ; une disponibilité d'office devait d'abord être prononcée ; la retraite d'office ne peut être prononcée que dans l'hypothèse où l'agent refuse les offres de reclassement ;

- la société La Poste a commis une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant qu'il était devenu totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions ;

- les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires méconnaissent la directive n° 2000/78/CE et celles des articles 21 et 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elles n'imposent qu'un simple constat d'inaptitude et n'imposent pas à l'employeur d'aménager le poste ou d'affecter l'agent sur un autre poste pour lequel il disposerait des compétences et capacités requises ; ces dispositions doivent donc être écartées, seule la directive pouvant être appliquée ;

- il a été victime de décisions discriminatoires et vexatoires en raison de son handicap, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, du principe d'égalité prévu par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du droit d'obtenir un emploi garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 ; un avancement dont il avait été informé a été retiré faute pour lui d'avoir repris ses fonctions alors qu'il était encore en congé maladie et en rééducation ; il a dû attendre le 8 décembre 2010 pour obtenir l'attribution d'un congé maladie à plein traitement ; de nombreuses demandes de restitution de trop-perçu lui ont été faites alors même qu'il était en congé maladie ; la société La Poste a refusé de lui communiquer ses bulletins de salaire modifiés ;

- il a subi un préjudice moral, qui résulte des conditions vexatoires dans lesquelles sa cessation de fonctions est intervenue, du refus initial de lui octroyer un congé maladie de longue durée, du retrait de la décision d'avancement et de l'incertitude dans laquelle il a été maintenu pendant quatre ans, évalué à un montant de 12 000 euros ;

- il doit être indemnisé de ses pertes de traitement pour un montant de 35 940 euros et des pertes d'indemnités et de cotisations pour un montant de 65 035 euros pour la période comprise entre le 1er septembre 2014 et le 22 avril 2019, date à laquelle il aurait dû être admis à la retraite pour limite d'âge ;

- il doit être indemnisé du préjudice lié au retrait de son avancement, pour un montant de 7 320 euros ;

- il doit être indemnisé du préjudice lié à la perte de majoration de sa pension de retraite pour un montant de 14 400 euros ;

- il a subi un préjudice lié à la perte de pension de retraite privée pour un montant de 10 080 euros ;

- la société La Poste devra lui reverser la somme de 3 241,98 euros correspondant à un trop perçu restitué à la Mutuelle générale ;

- il sollicite le paiement de ses droits acquis individuels à la formation pour un montant de 116,91 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2023, le 26 septembre 2023 et le 21 novembre 2023, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires formulées en dernier lieu par M. A... devant le tribunal administratif étaient partiellement irrecevables dès lors qu'elles sont fondées sur un fait générateur distinct et n'ont pas été évoquées, au moins dans leur principe, dans la demande indemnitaire préalable ; la réclamation préalable adressée par M. A... ne portait que sur la méconnaissance de l'obligation de reclassement pesant sur la société La Poste ; par suite, M. A... ne peut plus se prévaloir du refus de promotion, de l'attribution tardive de son congé maladie de longue durée ou de la demande de restitution d'un trop perçu qui sont des faits générateurs distincts ; la seconde demande indemnitaire préalable en date du 27 mai 2020 est sans incidence sur le présent contentieux ;

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ; il est suffisamment motivé ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- M. A... n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des divers préjudices qu'il allègue avoir subis.

Les parties ont été informées le 30 novembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du rappel de trop-perçus versés, de son droit individuel à la formation, de la perte d'indemnités et de la perte de pension se rattachent à des préjudices distincts et ont été introduites postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux (CE, 19 février 2021, n° 439366).

Des observations, enregistrées le 6 décembre 2023, ont été présentées sur ce moyen pour M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, dont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux ;

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Houllier,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de M. A... et de Me Gueutier, substituant Me Bellanger, pour la société La Poste.

Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 18 janvier 2024.

Une note en délibéré présentée pour la société La Poste, par Me Bellanger, avocat, a été enregistrée le 23 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui exerçait les fonctions d'agent de secteur en plateforme colis au centre de colis de Mer (Loir-et-Cher), a été victime, le 7 mai 2010, d'un grave accident, en dehors du service, pour lequel il a été placé en congé de longue maladie du 7 mai 2010 au 6 mai 2013. Il fait appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son admission à la retraite d'office pour inaptitude par une décision du 21 juillet 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. A... soutient que le tribunal administratif a omis de répondre à ses moyens tirés de la méconnaissance des articles 1, 2 et 5 du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 25 à 27, ainsi que 28 et 29, que les juges de première instance ont répondu aux moyens tirés de la méconnaissance par l'administration de ses obligations en matière de reclassement et de l'irrégularité de la procédure suivie en matière de reclassement, de sorte qu'ils ne peuvent qu'être regardés comme ayant écarté les moyens tirés de la violation des articles 1er et 2 de ce décret. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'avait pas soulevé, en première instance, un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de ce même décret. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut de réponse à ces moyens et est suffisamment motivé.

3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, d'appréciation et de qualification juridique des faits ainsi que des dénaturations commises par le tribunal pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices qui résulteraient de l'illégalité de décisions distinctes de la décision d'admission à la retraite du 21 juillet 2014 et à l'indemnisation de chefs de préjudices consistant dans la perte du droit individuel à la formation, la perte de pension résultant du manque de trimestres et la perte d'indemnités de traitement :

4. En premier lieu, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Elle peut, en outre, avant l'expiration du délai de recours, demander réparation des conséquences dommageables d'autres faits générateurs à condition que le contentieux ait été lié à la date à laquelle le juge statue. En revanche, après l'expiration de ce délai, elle n'est pas recevable à demander réparation des conséquences dommageables de faits générateurs distincts de ceux qu'elle a invoqués dans ce délai.

5. La société La Poste soutient que l'augmentation, devant le tribunal administratif, de la somme demandée en réparation des préjudices allégués par M. A... est irrecevable dès lors qu'elle se rattache à des faits générateurs distincts de celui qu'il avait invoqué dans la réclamation préalable du 23 avril 2018 et qu'elle est constitutive de demandes nouvelles irrecevables.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans sa réclamation indemnitaire préalable du 23 avril 2018, de même que dans sa demande introductive d'instance, M. A... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014 prononçant son admission à la retraite d'office pour inaptitude. S'il y évoque également d'autres décisions, telles que le refus d'avancement, l'attribution tardive du congé de longue maladie et le rappel de trop-perçus, ces décisions ne sont évoquées qu'au titre du contexte et les préjudices invoqués n'y sont jamais directement reliés.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... a demandé, par un mémoire du 18 mai 2010, l'indemnisation des préjudices nés de la discrimination en raison de son handicap dont il aurait été victime révélée par ces trois décisions. Ces conclusions, présentées en cours d'instance devant le tribunal administratif après l'expiration du délai de recours contentieux, ont été introduites tardivement, sans qu'importe la circonstance que M. A... a formé, le 27 mai 2020, une nouvelle réclamation préalable par laquelle il a demandé expressément l'indemnisation des préjudices nés de ces autres décisions.

8. Par suite, les conclusions tendant à ce que la société La Poste indemnise le préjudice résultant de ces trois décisions, notamment les conclusions ayant pour effet de porter à 12 000 euros le montant du préjudice moral, sont irrecevables.

9. En second lieu, si une fois expiré le délai de deux mois visé au point 4, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur que celui invoqué dans la réclamation préalable, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.

10. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

11. Dans ce cas, la victime peut, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces dommages devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision.

12. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... a détaillé et augmenté, en cours d'instance devant le tribunal administratif et après l'expiration du délai de recours contentieux, le montant de ses prétentions indemnitaires et, notamment, du préjudice matériel dont il fait état. Toutefois, les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices consistant dans la perte du droit individuel à la formation, la perte de pension résultant du manque de trimestres et la perte des indemnités de traitement, dont l'existence était connue avant l'introduction du recours contentieux devant le tribunal administratif, se rattachent à des préjudices distincts ou à des chefs de préjudice qui ne se sont pas aggravés depuis la décision de rejet, et sont, par suite, tardives. Dès lors, M. A..., qui n'a pas même évoqué ces chefs de préjudice avant l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable à en demander l'indemnisation.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ces conclusions.

Sur le surplus des conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne les illégalités fautives entachant la décision du 21 juillet 2014 :

14. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance. (...) ". Selon l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ".

15. D'autre part, selon l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa version applicable au litige : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement ". Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ". Selon l'article 2 de ce même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ".

16. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.

17. En premier lieu, M. A... soutient que la procédure préalable à sa mise à la retraite d'office est entachée de plusieurs irrégularités tirées de la méconnaissance des articles 7 et 19 du décret susvisé du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaire dès lors qu'aucun comité médical régulièrement constitué n'a précédé la commission de réforme de juillet 2013, qu'il n'a pas été informé de la date de ce comité médical, de la possibilité de se voir communiquer son dossier et des voies de recours ainsi que de la possibilité de faire intervenir le médecin de son choix, que le médecin de prévention n'a pas été consulté préalablement à la séance du comité médical et que la commission de réforme n'a pas été précédée d'une consultation du médecin du travail. Ces moyens visent le comité médical qui s'est réuni le 2 mai 2013 et la commission de réforme qui s'est réunie le 4 juillet 2013. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à l'issue de ces deux séances, la société La Poste, qui n'avait alors pris aucune décision quant à l'admission à la retraite de M. A..., a décidé de procéder à une nouvelle instruction de la situation de l'intéressé qui a donné lieu à une nouvelle réunion de la commission de réforme le 12 juin 2014. Seule cette dernière séance est d'ailleurs visée par la décision du 21 juillet 2014 prononçant son admission à la retraite d'office. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement se prévaloir des irrégularités entachant le cas échéant la réunion du comité médical du 2 mai 2013 et celle de la commission de réforme le 4 juillet 2013, alors qu'aucune décision d'admission à la retraite ne peut être regardée comme ayant été prise entre le 4 juillet 2013 et le 21 juillet 2014.

18. En deuxième lieu, M. A... soutient que la société La Poste a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'appréciation dès lors qu'il n'était pas devenu totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions. Toutefois, il ressort des certificats médicaux produits, notamment ceux du médecin du travail, que M. A..., après un grave accident ayant occasionné un traumatisme crânien sévère et ayant nécessité une longue période de rééducation, a été reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions antérieures, compte tenu des conditions d'exercice desdites fonctions et de la dégradation de ses facultés cognitives. Par suite, c'est à bon droit, et sans se contredire, que le tribunal administratif a jugé que M. A... était devenu inapte à l'exercice de ses fonctions, sans que cette inaptitude ne lui interdise néanmoins l'exercice d'autres fonctions, ainsi que cela ressort des pièces médicales proposant un temps partiel thérapeutique et des aménagements de poste.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. / 2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite ". En vertu de l'article 26 de cette Charte : " L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté ". Selon l'article 5 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées / Afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'État membre concerné en faveur des personnes handicapées ".

20. M. A... soutient que les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions méconnaissent l'article 5 de la directive 2000/78/CE et les articles 21 et 26 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'elles n'imposent pas l'aménagement du poste ou le reclassement de l'agent. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi que des dispositions des articles 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 et 27 de la loi du 11 janvier 1984, tels que modifiés par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que le droit interne prévoit des mesures d'adaptation de poste et de reclassement avant de prononcer la mise à la retraite d'office d'un agent devenu inapte à l'exercice de ses fonctions, ces dernières étant déterminantes dans l'appréciation de l'aptitude de l'agent. Par suite, aucune méconnaissance de ces dispositions du droit de l'Union européenne ne peut être relevée.

21. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la société La Poste aurait cherché à adapter le poste de M. A... avant de l'admettre à la retraite d'office pour inaptitude. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision de mise à la retraite d'office a été prise en méconnaissance des dispositions précitées.

22. En cinquième lieu, M. A... soutient qu'il n'a pas été invité à présenter une demande de reclassement, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984. S'il résulte de l'instruction que M. A... a, à plusieurs reprises, manifesté son souhait de reprendre le travail à mi-temps thérapeutique, ces demandes ne sauraient être regardées comme des demandes de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Par suite, il est fondé à soutenir que ces dispositions ont été méconnues, le privant ainsi d'une garantie substantielle.

23. En sixième lieu, la société La Poste soutient avoir effectué, sans succès, des recherches de reclassement pour M. A... et se prévaut à cet égard d'un courrier envoyé le 18 novembre 2013 avec coupon-réponse à 306 antennes de La Poste dans toute la France. Toutefois, d'une part, ce courrier indique que le médecin de contrôle préconise un reclassement " sur un poste protégé à temps partiel : sur des travaux sur documents papiers, sur écran (1/4h toutes les 2 heures), sur des travaux en position assise, sur comptage de CP, sans manutention, en horaires mixtes, sans pression temporelle " sans évoquer " le contrôle des plombages des camions, du trafic " ni la circonstance que les travaux peuvent être réalisés en position assise alternée avec utilisation de la bicyclette pour les déplacements sur la plateforme. D'autre part, si la société La Poste soutient qu'elle a transmis ce courrier à 306 antennes dans toute la France, elle se borne à produire une liste de sites, non datée, sans preuve d'envoi ou accusés de réception, alors qu'aucun coupon-réponse n'a été retourné, même avec des réponses négatives. Enfin, ce courrier, qui ne posait aucune date limite de réponse, aurait été envoyé le 18 novembre 2013, moins d'un mois avant la décision de la commission de reclassement qui s'est réunie le 16 décembre 2013. Dans ces conditions, si, contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte des dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions, qu'après avoir constaté l'impossibilité de reclasser un agent devenu physiquement inapte à ses fonctions, l'administration peut l'admettre d'office à la retraite, la société La Poste ne saurait en l'espèce être regardée comme ayant rempli ses obligations de recherche de reclassement au profit de M. A....

24. En dernier lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. / (...) ". En outre, selon l'article 43 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / La durée de la disponibilité prononcée d'office ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical prévu par la réglementation en vigueur qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement ".

25. Il résulte de ces dispositions, ainsi que des textes cités aux points 14 et 15, que l'agent reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions, ne peut être admis à la retraite d'office pour inaptitude qu'après avoir été reconnu inapte à l'exercice de toute fonction. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si M. A... n'était plus apte à exercer ses fonctions d'agent de secteur en plateforme colis, il demeurait apte à l'exercice d'autres fonctions ainsi que cela ressort des divers certificats médicaux, y compris du médecin du travail, préconisant une reprise à temps partiel thérapeutique avec aménagement des tâches. Dans ces conditions, la société La Poste ne pouvait admettre d'office M. A... à la retraite pour inaptitude avant l'expiration du délai de mise en disponibilité d'office prévu par les dispositions précitées.

26. Il résulte de ce qui précède qu'en édictant la décision du 21 juillet 2014, la société La Poste a commis plusieurs illégalités fautives de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014 :

27. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

28. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

29. En premier lieu, M. A... soutient que la décision du 21 juillet 2014 lui a causé un préjudice moral qu'il a évalué, dans sa demande introductive d'instance, à 10 000 euros. Il fait ainsi valoir que sa mise à la retraite d'office est intervenue dans des conditions vexatoires, a été, compte tenu de la procédure suivie, source d'incertitudes et a eu des retentissements négatifs sur sa santé psychologique alors qu'il espérait reprendre des fonctions dans un environnement professionnel qu'il affectionnait. Par suite, et eu égard aux conditions, rappelées aux points précédents, dans lesquelles la retraite de M. A... a été décidée, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en fixant la somme due par la société La Poste à 8 000 euros, incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts.

30. En deuxième lieu, M. A... se prévaut des pertes de revenus résultant de son admission à la retraite d'office dès lors que la pension qu'il perçoit est inférieure au traitement auquel il aurait eu droit s'il avait repris des fonctions. M. A... soutient également que s'il n'avait pas été admis à la retraite d'office, il aurait bénéficié d'un avancement d'échelon qui lui aurait permis de faire progresser son salaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que si M. A... n'était pas devenu inapte à toute fonction, son état de santé et l'incapacité permanente partielle de 45 % dont il est affecté ne lui permettaient pas de reprendre des fonctions à temps complet et qu'il était nécessaire de procéder à des aménagements significatifs de son poste de travail ou de rechercher un reclassement, sans qu'il ne soit possible de déterminer dans quelle temporalité ou conditions matérielles cette reprise de fonctions serait intervenue, ni si elle lui aurait permis de bénéficier de l'avancement envisagé. Dans ces conditions, dès lors que la société La Poste a commis une faute en ne recherchant pas, réellement, un aménagement de poste ou un reclassement au profit de M. A... et eu égard aux conditions fixées par le médecin de prévention, notamment d'une reprise à temps partiel thérapeutique, et de son précédent niveau de traitement, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 15 000 euros incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts.

31. En dernier lieu, M. A... soutient que la décision du 21 juillet 2014, rendue alors qu'il avait atteint l'âge de soixante ans, l'a privé de la possibilité d'obtenir un départ en retraite anticipé pour carrière longue dès lors qu'il ne justifiait que de 159 trimestres sur les 165 nécessaires. Il résulte effectivement de l'instruction que, faute d'avoir été autorisé à reprendre le travail, M. A... a été privé de la possibilité de cotiser les six trimestres manquants. Par suite, M. A... est fondé à demander l'indemnisation de ce poste de préjudice dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 1 400 euros incluant les intérêts et la capitalisation des intérêts.

32. Il résulte de ce qui précède que la société La Poste doit être condamnée à verser à M. A..., en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 21 juillet 2014, la somme de 24 400 euros y compris tous intérêts et capitalisation échus à la date du présent arrêt.

33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

34. Il résulte de ce qui précède que le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint à la société La Poste de verser à M. A... la rente annuelle de cotisation retraite payable à terme échu à compter d'avril 2013.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société La Poste demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société La Poste une somme de 2 000 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1802618 du 2 février 2021 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à la réparation des préjudices nés de l'illégalité de la décision du 21 juillet 2014.

Article 2 : La société La Poste est condamnée à verser à M. A... la somme de 24 400 euros, tous intérêts et capitalisation échus à la date du présent arrêt.

Article 3 : La société La Poste versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la société anonyme La Poste.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

S. HoullierLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01032
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Mise à la retraite d'office.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21ve01032 ?
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