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31/01/2024 | FRANCE | N°23VE00714

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 31 janvier 2024, 23VE00714


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2208347 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête

et un mémoire, enregistrés les 6 avril et 1er août 2023, M. B..., représenté par Me Saïdi, avocat, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2208347 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril et 1er août 2023, M. B..., représenté par Me Saïdi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de deux mois, ou à défaut de réexaminer sa demande dans le même délai et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il mentionne de manière partielle et erronée les circonstances caractérisant son intégration professionnelle et sa vie privée et familiale en France ;

- le jugement et l'arrêté contesté sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors qu'il justifie suffisamment sa présence en France depuis janvier 2017 et l'exercice d'une activité professionnelle depuis octobre 2018 ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit dès lors que sa demande de titre de séjour n'est pas fondée sur l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 mais a été présentée comme une demande d'admission à titre exceptionnelle ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance du principe de loyauté, dès lors qu'il a été induit en erreur sur la teneur du dossier qu'il devait fournir à l'appui de sa demande de titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 1er août 2023, l'instruction a été close au 6 octobre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, M. Lerooy, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- et les observations de Me Saidi, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 13 avril 1981, est entré en France le 11 janvier 2017, à l'âge de trente-six ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité le 8 novembre 2022 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 octobre 2022, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué comporte les motifs de fait et de droit pour lesquels le tribunal a estimé que les moyens soulevés devant lui ne pouvaient être accueillis. Il est ainsi suffisamment motivé. Si M. B... fait valoir que les premiers juges n'ont pas suffisamment pris en compte certains éléments de fait concernant sa situation professionnelle et sa situation personnelle et familiale, cette critique porte sur le bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.

3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. En premier lieu, le caractère complet du dossier de demande de titre de séjour de M. B... ne faisait pas obstacle à ce qu'une décision de refus de titre de séjour lui soit opposée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait induit M. B... en erreur sur la nature des pièces susceptibles de caractériser son insertion professionnelle. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu le principe de loyauté doit par suite être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée, et fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour à raison d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 précité de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Si M. B... soutient résider en France depuis janvier 2017 et exercer une activité professionnelle depuis octobre 2018, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne produit aucune pièce attestant d'un emploi avant septembre 2020. Ni l'activité salariée du requérant exercée depuis deux ans à la date de la décision attaquée, ni l'ancienneté de sa présence en France, dont le caractère habituel pour les années 2017 à 2020 n'est au demeurant pas établi, ne sont de nature à caractériser des motifs exceptionnels au sens des dispositions citées au point 5 justifiant son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il est constant que M. B..., célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, ne justifie d'aucune intégration sociale ou familiale sur le territoire français. Le requérant n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en édictant la décision attaquée, le préfet de l'Essonne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2024.

Le rapporteur,

G. TAR La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00714
Date de la décision : 31/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-31;23ve00714 ?
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