Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2203722 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Tangalakis, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'ordonner au préfet de l'Essonne, à titre principal, de remettre à M. B... une carte de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour n'est pas compétent ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie préalablement pour avis ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- cela révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses liens personnels et familiaux en France ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas compétent ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant ;
- le signataire de la décision fixant le pays de destination son signataire n'est pas compétent.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 23 février 1977, est, selon ses déclarations, entré en France en mai 2012 muni d'un " passeport d'emprunt ". Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 19 avril 2021. Par un arrêté en date du 13 avril 2022, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... affirme résider en France de manière continue depuis 2012 et en justifie depuis 2016. Il ressort également des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le requérant vit avec une ressortissante congolaise, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, laquelle vient d'être renouvelée, et qui exerce une activité professionnelle, en compagnie de ses deux enfants, nés de cette union en France en 2016 et 2019, et sa belle-fille. Il produit en outre des attestations émanant de plusieurs directrices d'établissements scolaires et de médecins établissant son rôle actif dans l'éducation de ses enfants et de sa belle-fille. Il suit de là, que l'arrêté contesté du 13 avril 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté la demande d'admission exceptionnelle de M. B... et l'éloignant du territoire français porte au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer une carte de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2203722 du 23 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Essonne du 13 avril 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer une carte de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à M. B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt est notifié à M. A... B..., au préfet de l'Essonne et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseure la plus ancienne,
B. AVENTINO
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01773 2